Flaubert et les « Caluyaux (ou Caluyots) »

Les Amis de Flaubert – Année 1955 – Bulletin n° 7 – Page 46

 

Notes et Documents :

Flaubert et les « Caluyaux (ou Caluyots) »

Notre ami M. le docteur Mongnet, de Bolbec, nous a fait récemment parvenir un très intéressant article publié dans la Revue Au bord de l’Eau de novembre 1953.

Il y est parlé de l’alose, poisson venu au printemps des eaux profondes des Océans et remontant (tels les Vikings) les estuaires des fleuves et les cours d’eau.

L’alose est qualifiée de « parent noble du hareng ». Gustave Flaubert avait, à Croisset, quelques raisons de s’y intéresser, car l’alose, dont le mâle est appelé caluyau, abondait sur le fleuve au bord duquel s’édifiait la propriété Flaubert.

L’écrivain a d’ailleurs donné une noble publicité au caluyau, en parlant de lui dans une phrase célèbre de ses Notes du Voyage.

« Là-bas, sur un fleuve plus doux, moins antique, j’ai quelque part une maison blanche dont les volets sont fermés, maintenant que je n’y suis plus. J’ai laissé la longue terrasse Louis XIV, bordée de tilleuls, où l’été, je me promène en peignoir blanc. J’ai laissé le grand mur tapissé de roses avec le pavillon au bord de l’eau. Une touffe de chèvrefeuilles pousse en dehors sur le balcon de fer. À une heure du matin, en juillet, par le clair de lune, il y fait bon venir voir pêcher les caluyots ». (1)

Lors de la remise, en 1907, à la Ville de Rouen, du pavillon de Croisset, le Comité du Rachat fit graver cette phrase sur une plaque de bronze scellée sur la façade du pavillon, en bordure de Seine. Jean, Revel, président du Comité, jugea bon cependant de ne point mettre le mot : … »les caluyots », et la phrase s’arrête à : « …venir voir pêcher ». Timidité regrettable, car caluyot ou caluyau, est un mot bien normand que Flaubert aimait beaucoup, et le bon géant se penchait souvent le soir, sur le balcon de fer, pour effectivement y voir pêcher les caluyots.

Le docteur Mongnet ajoute à l’envoi un Souvenir de Jeunesse que voici :

« Vers 1890, étant en promenade sur la rive gauche de la Seine, à peu près en face Dieppedalle, avec des camarades de pension, nous avons assisté à la mise à terre d’un filet, un tramail, je crois. Il y avait plusieurs poissons, dont certains atteignaient 50 centimètres de long. J’ai su que c’étaient des aloses. Les pêcheurs les tuaient avec un coup de bâton sur la tête. Si un, des spectateurs voulait en faire autant, on lui remettait le bâton, on lui apportait le poisson, et il mettait un franc dans la main du pêcheur.

« Il m’est arrivé de manger de l’alose chez mes parents, grands amateurs de poisson, étant havrais quoiqu’habitant Rouen. Certes, l’alose est bien le parent noble du hareng : Dieu que je trouvais qu’il y avait des arêtes… »

Souvenir de jeunesse demeuré bien vivant.

  • Flaubert écrit :  caluyau