Lettres de Gustave Flaubert à Madame Brainne (1879)

Les Amis de Flaubert – Année 1957 – Bulletin n° 10 – Page 47

 

Lettres de Gustave Flaubert à Madame Brainne (1879)

Les lettres à Léonie Brainne ont paru dans les bulletins n° 4 , p. 34 — n° 5, p. 47—  n° 6 , p. 40 —  n° 7 , p. 54 —  n° 8 , p. 60 —  n° 9, p. 40 —  n° 10 , p. 48

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(Croisset), jeudi (30 octobre 1879).

Mais je n’ai rien de neuf à vous apprendre, ma chère belle. Rien n’est empiré dans ma position matérielle, au contraire. Ce à quoi je faisais allusion est une histoire toute intime, une déception de cœur ; je vous la conterai.

J’ai vu mardi votre amie Alice, qui m’a paru en meilleur état moral et physique, très raisonnable, très gentille. Je l’ai fortement engagée à chauffer le père Hugo, pour qu’il lui donne le rôle de la Thisbé. Dans son intérêt, elle n’a que cela maintenant à faire.

Eh bien ! et vous ? Et la santé ? et le reste ? Comment supportez-vous la vie ? Prenons garde de nous assombrir avec l’âge. Moi je deviens sheik et parfois je me sens accablé, comme si je n’avais plus de moelle dans les os. Puis je rebondis pour retomber et me re-élance ainsi de suite.

Dans une quinzaine, ma nièce me quitte, et je vais rester tout seul, absolument seul jusqu’à la fin de l’hiver. À cette époque, espérons que mon abominable bouquin sera terminé ; j’en ai assez, il m’abrutit, et le beau, c’est qu’il assommera les Bourgeois, j’en suis d’avance certain.

Lisez-vous Nana ?

Que devient le grand Georges ?

J’attends dans huit jours mon obscène disciple.

Excusez-moi quand vous n’aurez rien de mieux à faire. Je baise tendrement et gloutonnement les deux côtés de votre cou, en descendant très bas, aussi bas que vous le permettrez. Soignez-vous bien et surtout tâchez, pauvre amie, de ne pas trop vous embêter.

Votre vieux qui vous chérit.

Gve Flaubert.

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Croisset, Mercredi 19 Novembre 1879.

Ma chère Belle,

Qu’aviez-vous donc la dernière fois que mon disciple a dîné chez votre grâce ? Il m’a conté que vous l’aviez rabroué violemment à propos d’un conte dont l’idée me paraît charmante. J’ai cru que le jeune homme exagérait, mais son récit m’a été confirmé hier par le bon Georges. Ces colères-là, d’ordinaire, indiquent quelque souffrance profonde et qu’on ne veut pas laisser voir.

Guy me paraît, au contraire, dans une excellente voie. Il m’a récité des vers de sa façon qui feraient honneur à n’importe quel Maître.

Et du reste, puisque son futur conte tend à bafouer nos compatriotes, je l’approuve ! La haine des Rouennais est le commencement du goût. Ce sont des mauvaises gens, et envieux, péché que j’ai en horreur. Si Dieu me prête vie, j’écrirai leur histoire psychologique. Ce sera drôle. Votre Polycarpe n’a rien à vous apprendre sur sa personne ; depuis dimanche dernier, je suis complètement seul, perdu dans mon chapitre religieux.

Ma seule distraction ou volupté consiste à manger beaucoup de harengs. C’est un goût hystérique qui me tient. J’en absorbe de frais et de marinés, de rôtis et de saurés et de bouffis. Enfin, je devins, comme ce gamin dont il est question dans le dictionnaire des Sciences Médicales à l’article : cas rares, qui ne rêvait que harengs ; et plût au ciel que ça augmentât ma laitance.

Chose étrange, moi qui étais né maquereau ! Les fades plaisanteries n’ayant pour but que de vous divertir, je vous prie de m’excuser.

Et en vous bécottant sur toute la figure comme une nourrice,

Je suis, chère Madame,

Votre

Gve Flaubert.

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Croisset, nuit de mercredi 10-11 décembre 1879.

Quelle adorable lettre, ma chère belle ! Il faut que je vous en remercie ! Donc, mettez-vous bien en face de moi, afin que je contemple votre charmante figure et que je vous bécotte, et que je vous pelotte et que je vous tripote à mon aise. Je baise vos beaux yeux, vos beaux sourcils, vos… ah ! tout ce qu’il y a de beau dans votre personne.

Dans vingt-quatre heures, demain 12 décembre, votre esclave indigne prend 58 ans ! J’aimerais mieux ne vous en offrir que 25 ! N’importe, le cœur reste jeune.

Ne suis-je pas un « féminin », comme vous dites ! Lesbos est ma patrie. J’en ai les délicatesses et les langueurs. Il fallait que le fourreau fût solide, car la lame est bien affinée, et puis la vie que j’ai toujours menée, et que je mène, n’est pas précisément très hygiénique. Bah ! petit bonhomme vit encore ! malgré tout ! et il espère commencer dans un mois son dernier chapitre ! Quel poids de moins sur l’estomac quand ce bouquin sera fini !

Lapierre m’a envoyé ce matin un article de Zola, qui est vraiment « aux petits zoignons » ! Mon opinion secrète est que le dit Zola est dans le vrai. Le public a été injuste envers « L’Éduc » et les jugements portés sur la conclusion me révoltent encore, bien que je ne me croie pas un monstre d’orgueil ?

C’est gentil ce que vous me dites sur le trio d’amis, vous, Georges et Guy. Je me flatte que l’année prochaine, ce sera un quatuor.

Quand partez-vous pour le Midi ? Quand en reviendrez-vous ? Quel chien de temps ; hein ? Ici, ça manque peut-être de gaîté. Tâchez de ne pas geler et surtout de ne pas vous embêter.

Amitiés à la petite sœur et à vous toutes les tendresses de votre

Excessif.

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Croisset, mardi soir 3 février 1880.

Ma chère belle (toujours belle, quoique vous en disiez) et toujours aimée (bien qu’il n’y paraisse guère). J’ai reçu votre cédrat, qui est à peu près aussi exquis que vos lèvres, et je vous en aurais remercié tout de suite si j’avais eu votre adresse. Je l’ai même demandée à Georges, qui prend le genre de ne plus répondre aux lettres.

Toute ma journée d’hier a été prise par l’enterrement de la mère Fortin. Le pauvre garçon que j’accompagnais pleurait beaucoup, ce que voyant, Polycarpe a fait de même.

Votre lettre n’est pas gaie, ma pauvre amie, mais résignée. C’est déjà beau d’en être arrivée à la Résignation. Quant à ce que vous me dites, touchant votre abandon, je vous trouve souverainement injuste. Peu de femmes ont, comme vous, des amitiés d’hommes solides. Vous leur demandez plus qu’ils ne peuvent donner, à savoir leur temps et des attentions. Quant à Georges, il a pour vous une tendresse profonde, j’en suis sûr, et mon disciple Guy, en venant chez vous, fait en votre faveur, une exception unique. Il s’est présenté une fois chez ma nièce, ne l’a pas trouvée, n’est plus reparu, et depuis le mois d’octobre, il n’a pas été une fois voir sa tante ni ses cousines. Notez donc qu’il n’a que trois heures par jour pour travailler, le pauvre diable ! Dimanche dernier, j’ai lu en épreuves Boule de Suif, que je trouve un chef-d’œuvre, ni plus ni moins. Conception, observation, personnages et paysages et surtout composition (chose rare), c’est parfait. Deux ou trois fois, j’ai ri tout haut ! Quant à être immoral, c’est, au contraire, très moral, puisque l’Hypocrisie et la Lâcheté y sont flagellés durement. On goûte en lisant cela comme le plaisir d’une vengeance, et je ne comprends pas que cette œuvre vous ait scandalisée. Pourquoi ? Je m’y perds. Vous étiez malade ce jour-là ? Vous relirez la chose à tête froide et vous verrez que l’Excessif a raison.

Si vous voulez lire quelque chose de drôle sur lui (l’Excessif), procurez-vous le Voltaire du 30 janvier, vendredi dernier, c’est drôle.

Mais ce pauvre Excessif est éreinté ! Il succombe sous l’excès des hommages ! Tous les « jeunes » m’envoient leurs œuvres et ces lectures me gênent dans la confection de la mienne. Savez-vous qu’en moyenne, j’ai reçu trois volumes par semaine cet hiver et j’ai quelque fois jusqu’à six lettres à écrire par jour. Depuis dimanche matin, je ne sais pas autre chose que de m’occuper des autres ! Encore deux jours comme ça (j’expédie l’arriéré) et puis ce sera fini ! Mes yeux n’en peuvent. Je perds mon temps. J’ai d’immenses lectures à faire pour mon compte et dans tout cela mon chapitre (le dernier, Dieu merci) n’est pas même commencé. Ma nièce est venue me voir cinq jours le mois dernier et me revoilà complètement seul jusqu’au mois de mai, probablement. J’aurai peut-être Guy aux jours grands, pendant 24 heures, et le mois prochain, tout le cénacle des dimanches, une caravane, doit venir déjeuner à Croisset.

Je vous plains, plus que je ne le dis de la divergence qu’il y a entre vous et votre fils. C’est cruel, ma pauvre amie ! mais je n’y vois rien à faire !

Pourquoi prenez-vous de l’eau de Vichy ? Qui ayant la propriété de diluer le sang, doit vous rendre encore plus anémique. Qui vous a conseillé ce traitement ? Nous sommes tous anémiques, parce que nous faisons tous plus que nos forces ne nous permettent.

En fait de lâcheurs, notre amie Alice me paraît rentrer dans la catégorie ? Depuis le milieu de l’été dernier, pas un mot, pas un souvenir à celui qu’elle appelle « son flan ». Oh ! les femmes ! Mais avant tout tant mieux si ses douleurs sont calmées, et comme je suis un homme évangélique, embrassez-la de ma part.

Comme je voudrais être avec vous ! Comme ça me ferait du bien un peu de bleu, un peu de repos, un peu (trouvez le mot, finissez la phrase). Ah oui, être près de vous, par un temps chaud, au clair de lune accoudés l’un près de l’autre sur un balcon, devant la Méditerranée. Vous en robe légère. Ah ! nous ne tarderions pas à passer dans les appartements… malgré nos âges !

Allons, adieu ! Soignez-vous et tâchez de supporter l’existence ! Dites de ma part à M. Lavalley tout ce que vous trouverez de plus aimable et de plus convenable. Vous savez que j’aime sa figure si loyale et sa peau blanche.

Mais j’aime encore mieux celle de « tite ninie ».

Avec toute ma tendresse, à vous

Gve Flaubert.

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Croisset, vendredi 13 février 1880.

Vous me semblez toujours bien dolente, ma pauvre chère belle. Votre santé est déplorable, sans doute. Mais je crois que votre plus grande maladie est la peur de vieillir. Tranquillisez-vous ! Avant de ne plus plaire, il se passera encore du temps.

Et puis, vous vous forgez des chimères ! (si tant est que les chimères se forgent), on vous aime ! et vous ne le croyez pas ! Ainsi, vous vous plaignez de Guy qui ne vous écrit que deux fois par mois ; mais c’est gigantesque ! et je suis sûr qu’il ne fait cela pour personne ! Pouchet vient vous voir une fois par semaine. Le dévouement d’un homme occupé ne peut aller au-delà ! Les gens du monde et les femmes en particulier sont impitoyables pour les travailleurs. Tâchez donc de ne pas tomber dans ce travers !

Ah ! par exemple, je vous plains bien, quant aux tourments que vous donne votre fils. La cause me paraît irrémédiable ! Elle tient au tempérament du jeune homme. Aura-t-il, en prenant de l’âge, un peu plus de rectitude, dans la cervelle ? Espérons-le ! Mais là-dessus, je partage, pauvre chère amie, toutes vos inquiétudes et vos tourments. « Cette petite crapule de Maupassant », comme dit Mlle Lagier, est venue passer les jours gras avec moi. Je le trouve en grand progrès, maintenan ; il travaille sérieusement. Son Boule de Suif est un chef-d’œuvre et nullement anti-patriotique, bien que vous en disiez, et il m’a apporté une pièce de vers digne d’être signée par un Maître.

Il paraît que notre ami Georges batifole aux bals de l’Opéra. Il trouve la vie très bonne (je n’en dirai pas autant), devient épicurien roquentin.

Lundi dernier, j’ai dîné chez la petite sœur, où je n’ai pas déparlé tout le temps.

Je crois que les affaires de Commanville vont enfin avoir une bonne conclusion.

Les illustrations de la Vie Moderne sont pitoyables et c’est publié d’une manière stupide ; on coupe une prose avec des petits bonshommes imbéciles. Je rage contre Bergerat. Quant aux deux vues de Croisset, contrairement à votre avis, chère belle, je trouve que dans la première, la maison, loin d’être trop petite, est encore trop grande. Car n’ayant pas de recul, il a fallu prendre ces vues de l’autre côté de l’eau et la pauvre maison se trouve écrasée par la colline de Canteleu.

Polycarpe est maintenant perdu dans la Phrénologie et les méthodes d’enseignement. Si bien que je n’ai pas encore commencé mon dernier chapitre. Quand sera-t-il fini ? Peut-être pas avant quatre grands mois ! et il m’en faudra six pour le second volume ! Je traîne un fardeau abominable.

Mille tendresses. Je vous baise les deux mains bien longuement et puis les deux yeux et puis… tout ce que vous voudrez, permission qui me ferait le plus grand plaisir.

Et du fond du cœur

Votre Gve.

Houzeau s’est fait couper les cheveux et porte des cravattes très basses avec des cols rabattus. Il ressemble maintenant à un vieux mignon d’Henri III (sic).

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Croisset, samedi 28 février 1880.

J’ai reçu la boîte de raisins hier soir, ma chère belle, et je vous en remercie, la bouche pleine, une douceur de plus envoyée à ce pauvre Polycarpe, êtes-vous assez gentille !

Eh bien, pour votre récompense, je vais vous apprendre quelque chose que vous fera plaisir. Les affaires de Commanville, ce soir peut-être, seront définitivement terminées ! Son acte sera signé au plus tard lundi ou mardi. Je vous expliquerai tout quand nous nous verrons. Enfin, je ne vais donc plus entendre parler d’argent ! et y songer ! Et nous allons tous les trois sortir de la gêne et des angoisses qui m’étranglent depuis quatre ans ! J’ai avalé, non des coupes, mais des tonneaux d’amertume ! Comment n’en suis-je pas crevé ? Voilà ce qui m’étonne. Mais j’ai des inquiétudes sur la santé de ma nièce Caro, cette tension de la volonté contre le sort l’a bien fatiguée.

Vous connaissez l’histoire de Guy. Il paraît que ma lettre dans le Gaulois lui a servi. Tant mieux, savez-vous qu’elle a eu du succès à Rouen. O prodige !

Depuis avant-hier, j’ai des re-embêtements pour la fontaine Bouilhet. Tout était décidé et on allait se mettre à l’œuvre. Pas du tout ! Le Conseil municipal ajourne la continuation des travaux.

Reçu ce matin une lettre du bon Georges, m’annonçant qu’il va vous voir là-bas ! Que n’y suis-je ?

Mille tendresses, ma bonne et chère amie.

Votre Polycarpe, qui vous baise sur le bec, franchement et longuement.

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Croisset, Mi-Carême, jeudi 4 mars 1880.

Je ne savais pas que ce fut si grave l’affection de Guy ! Votre lettre, que je reçois à la minute et qui m’apprend l’opinion d’Abadie, me bouleverse ! Encore une angoisse de plus ! Si Georges est près de vous, ou même s’il n’y est pas, priez-le instamment de m’éclairer là-dessus.

Je me méfie du cœur de mon disciple, mais devenir aveugle !… Vos lettres sont des caresses, ma chère amie. Je vous bécotte comme une nourrice.

Gve Flaubert.

Quand revenez-vous à Paris ? Voilà notre amie engagée par le grand artiste nommé Koning (une syllabe de trop).

Est-ce que vous manqueriez à tous vos devoirs en ne venant pas à Rouen pour la Saint Polycarpe ?

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Lundi soir, 11 heures.

Ce n’est pas mercredi que je pourrai dîner chez Me Lepic, mais jeudi, à moins d’événements impossibles à prévoir ?

Prévene- le ! du reste, je lui écris en même temps qu’à vous. Je me réjouis d’avance à l’idée de cette « petit fête de famille ».

Vous, Me Lapierre et Me Lepic ? Mais ce sera un dîner d’Anges ! J’aurais bien envie (ou plutôt besoin) que Lapierre fut des nôtres.

Tout à vous (vous le savez),

Votre

gros

chérubin.

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Chère Belle,

Certainement, j’irai chez vous samedi.

Quant à la semaine prochaine, arrangez-vous pour que ce soit vendredi ou samedi.

Ce soir, vers 5 ou 6 heures, j’irai peut-être vous dire, avec l’espoir d’un baiser, que je suis toujours

Votre

St Polycarpe.

Jeudi matin.

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Mercredi matin 16.

C’est convenu, n’est-ce pas, ma belle et chère amie ? Vous dînez aujourd’hui chez

Votre

Gve Flaubert.

Amenez-vous votre héritier ?

À quelle heure voulez-vous vous mettre à table et que voulez-vous manger ?

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81

Ma chère belle amie,

C’est demain que je dîne chez MeLepic. Vous y verra-t-on ? Oui ! n’est-ce pas ?

En tous cas, à samedi 2 heures.

Et à vous

Gve.

Jeudi matin.

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Ma belle Amie, Comment allez-vous ?

Je n’ai pas eu le temps hier d’aller chez vous et aujourd’hui, je ne peux pas sortir parce qu’il faut que je renvoie la copie de ma pièce.

C’est jeudi, ou peut-être mercredi, que je fais la lecture aux acteurs.

Quant à moi, ça va mieux, je re-dors.

Mille tendresses de

St Polycarpe.

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Lundi matin, 10 heures.

Demain mardi, chère belle, ne venez pas avant 4 heures, parce qu’il faut que j’aille à St-Gatien, un peut-être en retard ! Vous pourriez être chez moi avant mon retour et ne pas me trouver. Je serais désespéré.

Mais à quatre heures, je compte sur vous.

Votre Polycarpe

qui vous chérit.

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Donc, à mardi prochain !

Comme j’ai envie de vous voir ! de vous bécotter ! mais les Autres me gêneront.

D’ici là, un long baiser sur chacune de vos paupières.

Gve.

Jeudi, 4 heures.

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Mardi, 7 heures.

Êtes-vous comme moi ? Je déteste les surprises. Ceci est donc pour vous prévenir, que demain, mercredi, je me présenterai chez vous vers 2 heures.

En attendant, mille tendresses

de votre

Gve.

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5 h. 3/4.

Expédiez un domestique dès que vous voudrez (tout de suite) à l’Odéon.

Je vous engage même à en envoyer un ce soir même.

La carte ci-incluse suffira. Mme Laurent, que je n’ai pas encore vue, a été charmante.

Que le diable emporte votre plume, ma belle amie. Elle arrête l’essor de mon génie.

Demain, à 8 heures du matin, je prends le chemin de fer pour aller visiter une Ferme modèle.

Quand vous trouver, ange introuvables ?

Si je n’étais pas attendu par mon cher Tourgueneff à 6 heures, je resterai dans la compagnie peu excitante de votre camériste jusqu’à 15 heures du soir, afin de pouvoir vous contempler une minute et de baiser ne serait-il que le bout de vos pieds…

devant lesquels ou auxquels je demeure

Votre vieux

St Polycarpe.

Je me débauche, je vais ce soir à Marion Delorme ! ! !

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Ma belle amie,

Il faut s’attendre à la visite du Cher Petit qui, à partir de mardi prochain (4 h. 20) embellira de sa présence la Capitale.

Il ira vous voir dès mardi soir.

Et d’ici là, vous baise les pieds.

Gve.

Dimanche, 5 heures.

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Nuit de dimanche.

J’ai l’estomac chargé de jambon et le cœur plein de reconnaissance.

Voilà tout ce que j’ai à vous dire, ma chère belle.

Qu’est-ce que vous osez me soutenir ? Vos yeux n’ont plus d’expression ! Je n’en crois rien, rien du tout.

Je les baise bien tendrement, ces pauvres quinquets, et leur support aussi.

Votre

Polycarpe.

 

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Chère Belle,

J’ai vu hier au soir Tourgueneff.

Il se réjouit à l’idée de dîner chez vous samedi prochain, d’aujourd’hui en huit.

Mais où irais-je ? Que ferais-je en sortant de la triple excitation que vous m’offrez !

Je vous attends demain, selon votre bonne promesse, bien que j’eusse préféré un jour où il n’y a point d’hommes. Car « tout pour les dames », telle est ma devise.

À vos pieds,

votre vieux

Polycarpe

Samedi soir.