Correspondance de Gustave Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1957 – Bulletin n° 11 – Page 49

 

Correspondance de Gustave Flaubert

 

Lettre à la Vicomtesse Lepic

M. Gaston Bosquet, l’un de nos fidèles amis, s’est rendu acquéreur, lors de la vente qui a eu lieu les 11 et 12 décembre 1956, Salle Drouot à Paris (salle n° 7), d’une lettre inédite, écrite par Gustave Flaubert à la Vicomtesse Lepic (fille du Préfet de l’Eure, Janvier de la Motte), en date du : … jeudi 17 (vraisemblablement octobre 1875) (1).

M. Bosquet nous autorise à en reproduire le texte :

Croisset, Jeudi 17.

Chère Madame,

Quelle gentille et bonne lettre que la vôtre — et comment y répondre dignement ? Je ne vois pas d’autre manière que de vous baiser sur les deux joues, sans façon, et très fortement. Cela étant fait, je vous expose mes perplexités.

Je viens d’envoyer un télégramme au bon d’Osmoy pour savoir oui ou non s’il va venir. — et Tourgueneff retenu dans son lit par la goutte remet son voyage de jour en jour. Donc NE SAIS-JE, quand je serai libre pendant toute cette fin d’Octobre.

De plus au commencement de 9 bre je dois lire à Boulet (de la Gaîté) notre sempiternelle Féérie — et à Carvalho, une comédie de Bouilhet ou il y a de grands changements à faire. Jusques à quand restez-vous à Rabodange ?

Vous voyez COMME QUOI j’ai peur de n’y pouvoir aller, et je le regrette, car j’imagine que je m’y plairais beaucoup. Je ne connais pas de compagnie agréable comme la vôtre et nous passerions ensemble de bonnes heures, j’en suis sûr !

À quoi employez-vous votre temps ? Travaillez-vous bien ? Moi, je lis du matin au soir sans désemparer, en prenant des notes pour un formidable bouquin qui va me demander cinq ou six ans. Ce sera une espèce d’encyclopédie de la Bêtise moderne. Vous voyez que le sujet est illimité.

Dites pour  moi à M. Lepic tout ce que vous pourrez trouver de plus aimable — en en gardant une bonne part pour vous, – et croyez-moi, chère Madame,

Votre très affectionné

G. Flaubert.

 

(1) Lettre adjugée 14.000 francs.