Flaubert et la Légion d’Honneur

Les Amis de Flaubert – Année 1958 – Bulletin n° 12 – Page 51

 

Flaubert et la Légion d’Honneur

Faire un compte rendu dans un journal — ce qu’en terme de métier on appelle « un papier » — n’est pas toujours chose aisée, et l’on doit, à l’évidence, excuser ceux des gens de plume qui, talonnés par les exigences et les horaires d’un tirage rapide, involontairement, commettent des erreurs.

Gustave Flaubert n’a pas échappé à cette infortune ! Une première fois, dans le compte rendu de l’Exposition Centenaire Bovary du Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu de Rouen (Décembre 1956 – Janvier 1957), notre ami M. M. déclarait que Flaubert n’était point décoré de la Légion d’Honneur (« Paris-Normandie » du 3 janvier 1957). Un de nos adhérents, le très regretté François Peaucelle, signala que Flaubert avait été décoré du ruban rouge le 15 août 1866, et le journal où le compte rendu avait paru inséra, le samedi 5 janvier 1957, un rectificatif sous le titre : Gustave Flaubert était chevalier de la Légion d’Honneur, remerciant même M. Peaucelle de son intervention.

Dans le compte rendu de l’Exposition Centenaire Bovary à la Bibliothèque Nationale de Paris, le même journal (20 décembre 1957) s’étonna fort, sous la plume du rédacteur A. R., que le peintre Giraud, en son célèbre portrait-charge (date vraisemblable 1867) eût mis à la boutonnière de Gustave Flaubert le ruban rouge, affirmant que le grand rouennais n’avait point la Légion d’honneur (erreur ou fantaisie du peintre) et qu’à l’annonce de cette nouvelle, les flaubertistes ne manqueraient pas de s’assembler autour de leur saint patron pour y fêter la Saint-Polycarpe !

M. Toutain-Revel écrivit au directeur du journal (20 décembre 1957), en signalant, comme l’avait fait une première fois M. Peaucelle, que Flaubert avait parfaitement le droit de porter la Légion d’honneur, comme l’ayant reçue (voir ci-dessus) le 15 août 1866. Fort obligeamment, le journal inséra un rectificatif, le 23 décembre 1957, à peu près dans les termes du premier. Nous remercions vivement l’administrateur de Paris-Normandie de ce geste qui, pour être le deuxième en la matière, n’en est pas moins plus précieux à l’égard de Flaubert et de notre Société.

Dans son pittoresque éditorial du dimanche 28 décembre 1957, le Liberté-Dimanche, en relatant brièvement le double avatar échu à la mémoire du grand Flau, pronostique : « Mais attention, jamais deux sans trois ! ».

Ô destin des grands hommes, comme ton lustre est parfois malaisé à défendre !