Questions et réponses

Les Amis de Flaubert – Année 1958 – Bulletin n° 13 – Page 50

 

Questions et réponses

Sommaire :

Quand Flaubert vit-il pour la première fois la Princesse Mathilde ? Qui l’a présenté ? p. 50

‒ Quand Flaubert a-t-il connu l’Empereur et l’Impératrice ? p. 50

‒ Que faisait Flaubert pendant la Révolution de 1848 ? p. 51

‒ Où Flaubert a-t-il vu pour la dernière fois Mme Schlésinger et à quelle date ? A-t-il été à Bade ? Est-elle venue à Croisset ? p. 51

‒ Où Flaubert voyait-il Victor Hugo à Paris ? p. 51-52

‒ Quelles étaient les relations de Flaubert avec Raoul Duval ? p. 52

‒ Pourquoi Bouvard et Pécuchet a-t-il été publié chez Lemerre, alors que depuis 1874 toutes ses œuvres étaient éditées chez Charpentier ? p. 52-53

‒ Savez-vous quelles faïenceries Flaubert a visitées en février 1866 pour les « pots » d’Arnoux ? p. 53

‒ Dans un de ses voyages en Normandie, George Sand a visité la Cité de Limes. Où se trouve cette localité ? Quelle est son histoire ? p. 53

‒ Pourrais-je avoir les titres des ouvrages de George Sand envoyés à Flaubert ? Où sont ces ouvrages ? p. 54

‒ Sur Cadio, p. 54

‒ Où se procurer une bonne reproduction du portrait de Gustave Flaubert ? p. 54

QUESTIONS et RÉPONSES

De Mme Nicole SALVATERRA. Chaville (Seine-et-Oise).

I. Quand Flaubert vit-il pour la première fois la Princesse. Mathilde ?

Qui l’a présenté ?

RÉPONSE. — Flaubert vit pour la première fois la Princesse Mathilde chez elle, lors d’une grande soirée donnée par la Princesse, le mercredi 21 janvier 1863. Il y avait été invité après la parution de Salammbô (novembre 1862) et prétexte pris de cet ouvrage par l’intermédiaire de Camille Doucet (1812-1895), lequel était, à l’époque, Directeur de l’Administration des Théâtres. Camille Doucet fut membre de l’Académie Française en 1865 et secrétaire perpétuel en 1876.

L’Empereur Napoléon III et l’Impératrice Eugénie assistaient à la soirée chez leur cousine la Princesse Mathilde.

(Voir : Lettre de Flaubert à Th. Gautier du lundi 19 janvier 1863 : « Ne viens pas mercredi, je suis invité, le soir, chez la Princesse Mathilde ». Lettres de Flaubert à la Princesse Mathilde, avec préfaces du Comte Primoli et de la Princesse Mathilde. Journal des Goncourt, année 1863, janvier).

Flaubert devait souvent, avec les Goncourt et Gautier, revoir chez elle, à ses dîners et à ses soirées, la Princesse Mathilde.

 II. Quand Flaubert a-t-il connu l’Empereur et l’Impératrice ?

RÉPONSE. — Comme dit ci-dessus, Flaubert vit pour la première fois l’Empereur et l’Impératrice le 21 janvier 1863 chez la Princesse Mathilde,

leur cousine. Il fut invité aux Tuileries en avril 1864, puis à Compiègne en novembre 1864, et, depuis, régulièrement jusqu’en juillet 1870.

 

III. Que faisait Flaubert pendant la Révolution de 1848 ?

RÉPONSE. — Flaubert était à Paris en février 1848 lors de la Révolution. Il était devant l’Hôtel de Ville de Paris dans la soirée du 24 février 1848 avec Maxime du Camp et Louis de Cormenin.

Il vit les premières escarmouches et assista de loin ou de près aux premières fusillades du Boulevard des Capucines.

II est infiniment probable qu’il assista de près ou de loin aussi aux émeutes qui eurent lieu aux Tuileries, car il a, comme vous le savez, raconté le tout dans l’Éducation Sentimentale (Frédéric Moreau).

Il ne séjourna pas à Paris et rentra à Croisset dès que la Révolution fut terminée.

Maxime du Camp a raconté l’épisode dans l’ouvrage paru récemment Souvenir d’un demi-siècle, tome I, page 84.

Flaubert fit partie, pour un temps très bref d’ailleurs, de la garde nationale de Paris (vraisemblablement avec Maxime du Camp) en mars 1848.

Nous n’avons guère de renseignements précis à ce sujet.

En juin 1848, Flaubert quittant Rouen où venaient de se dérouler des troubles sérieux en avril 1848, séjourna à Forges-les-Eaux, chez le notaire Beaufils, avec sa mère et sa nièce Caroline, fuyant aussi bien les troubles révolutionnaires de Rouen que les troubles mentaux du sieur Hamard, qui, père de la petite Caroline devenue Caroline Commanville, alors âgée de 2 ans, cherchait à reprendre cette enfant.

IV. Où Flaubert a-t-il vu pour la dernière fois Mme Schlésinger et à

quelle date ? A-t-il été à Bade ? Est-elle venue à Croisset ?

RÉPONSE. — Mme Schlésinger est venue à Croisset en août 1866, y est revenue le 8 novembre 1871 et ne paraît pas y être revenue depuis.

Gustave Flaubert fut à Baden-Baden dans un hôtel meublé, situé Allée-Haus 280.

Il est signalé sur le relevé hebdomadaire de fiche d’hôtel le 15 juillet 1865 et le 23 juillet 1865.

Il n’est plus signalé au 30 juillet, ce qui laisse supposer qu’il avait quitté Baden-Baden à cette date.

De son côté, M. et Mme Schlésinger habitaient à Baden-Baden dans le haut de la ville.

Elisa Schlésinger quittait sa maison le 15 mars 1862 pour être internée à la maison de santé d’Illenau, entre Strasbourg et Baden-Baden.

Elle en ressort le 24 août 1863. Elle y rentre définitivement le 8 juillet 1875 pour y mourir le 11 septembre 1888.

(Voir à ce sujet un article de M, Bauchard dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France, de janvier-mars 1953.

V. Où Flaubert voyait-il Victor Hugo à Paris ?

RÉPONSE. — C’est en 1844, chez les Pradier, que Flaubert vit pour la première fois Victor Hugo. Ils se revirent fréquemment jusqu’en 1852, date de l’exil du poète à Jersey et à Guernesey.

Pendant le séjour de Hugo hors de France, la correspondance Flaubert (et réciproquement la correspondance Hugo) parvenaient à l’un et à l’autre par le double intermédiaire d’abord de Louise Colet, puis de Juliet Herbert, gouvernante de Caroline Hamard, future Commanville, alors à Croisset et qui retourna à Londres quand Caroline fut mariée (1864), et pour laquelle Gustave Flaubert avait gardé de tendres sentiments.

A la chute du Second Empire (septembre 1870), les relations littéraires entre Flaubert et Victor Hugo furent fréquentes ; mais Hugo n’assista point aux obsèques de Flaubert.

VI. Quelles étaient les relations de Flaubert avec Raoul Duval ?

Relations très suivies entre les deux familles depuis 1868, date de leur connaissance réciproque. La Correspondance d’entre Flaubert et Raoul Duval a été d’ailleurs publiée par son petit-fils Edgar-Raoul Duval, demeurant au Vaudreuil (Eure), et figure abondamment dans la Correspondance Flaubert, de 1870 à 1880.

Voici une notice biographique sur Raoul Duval : Raoul Duval, né le 9 avril 1832 à Laon. Études au lycée de Rennes puis de Nantes. Son père est procureur général à Dijon, où Raoul Duval fait ses études de Droit. Clerc d’avoué chez Me Lairé, avoué à Bordeaux, puis avocat à Bordeaux, Procureur impérial à Nantes en 1856. Se marie en 1856 avec Catherine Fœrster, fille d’un négociant au Havre, dont il eut quatre enfants.

En 1860, Avocat général à Angers, puis Avocat général à Rouen en 1867. Achète alors sa propriété du Vaudreuil (Eure), près de Rouen, demeurée propriété de famille, existe encore. Fait la connaissance de Lapierre, directeur du Nouvelliste de Rouen, et de Gustave Flaubert, en octobre 1868, et d’autres Rouennais.

Est élu Conseiller municipal de Rouen le 10 août 1870, participe à la défense de Rouen contre l’invasion allemande en décembre 1870 et janvier 1871.

Élu député de la Seine-Inférieure (Rouen) le 2 juillet 1871, siège au centre droit, prend part aux tentatives de restauration monarchique.

En 1876, se porte député de l’Eure, à Louviers, ville près de laquelle se trouve le Vaudreuil, propriété de Raoul Duval. Puis, après le 16 mai 1876, il se représente à la députation, mais est battu. En 1884, est élu député de Bernay, dans l’Eure.

Meurt le 10 février 1887, alors qu’il séjournait sur la Côte d’Azur.

Raoul Duval connut les Flaubert, à Rouen, en 1868.

Gustave Flaubert est demeuré en correspondance très suivie avec Raoul Duval.

VII. Pourquoi Bouvard et Pécuchet a-t-il été publié chez Lemerre, alors

que depuis 1874 toutes ses œuvres étaient éditées chez Charpentier ?

RÉPONSE. — De son vivant et après avoir cessé toutes relations avec l’éditeur Lévy, Flaubert a publié alternativement chez Charpentier et chez Lemerre. (Madame Bovary, éd. Charpentier en 1873, éd. Lemerre en 1874. – Salammbô, éd. Charpentier, 1874, éd. Lemerre, 1879).

Voir en sus, Bibliographie Gustave Flaubert, par R. Dumesnil, page 69 : « Lemerre était en pourparlers avec Flaubert bien avant que celui-ci eût choisi Charpentier pour remplacer Lévy. ».

Dès le début de 1880, les relations d’auteur à éditeur s’étaient aigries entre Flaubert et Charpentier. Lettre de Flaubert à Charpentier, 2 mai 1880 : « Vous me paierez cela mon bon, je vous en préviens… ». Lettre de Flaubert à Maupassant, 4 mai 1880 : « Si la Maison Charpentier ne me paie pas immédiatement ce qu’elle me doit et ne m’aboule pas une forte somme pour la Féérie, B. et P. iront ailleurs… ».

Il est donc vraisemblable que (Flaubert mourut le 8 mai 1880) le soin de publier Bouvard et Pécuchet, incombant à Caroline Commanville et à Guy de Maupassant, et l’éditeur Charpentier n’ayant pas « aboulé la forte somme… », la nièce et le disciple ont été porter B. et P. chez Lemerre, ceci d’autant plus qu’en 1881, Guy de Maupassant publie chez Lemerre La Maison Tellier, alors qu’en 1879, à la demande de Flaubert, la Maison Charpentier avait publié Des Vers de Guy de Maupassant.

VIII. Savez-vous quelles faïenceries Flaubert a visitées en février 1866 pour les « pots » d’Arnoux ?

RÉPONSE. — Flaubert visita, non pas en février 1866 comme demandé, mais en mars 1867 (nous n’avons pas la date exacte) la faïencerie de Creil (Oise), pour se documenter pour son roman, alors en préparation, l’Éducation Sentimentale.

(Réponses communiquées par M. Jacques Toutain-Revel, président de la Société, avec la collaboration de Mlle Gabrielle Leleu).

 

De M. A.-P. JACOBS, de Leevwarden (Pays-Bas).

1. Dans un de ses voyages en Normandie, George Sand a visité la Cité de Limes. Où se trouve cette localité ? Quelle est son histoire ?

RÉPONSE. — Cité de Limes : Célèbre « Camp de César », situé dans le département de la Seine-Maritime, communes de Bracquemont et de Neuville-Le Pollet, à 3 kilomètres de Dieppe, immédiatement au-dessus et au Nord de Puys, station de bains de mer. Il borde à 60 mètres environ d’altitude une falaise de la Manche. Continuellement érodé par la mer, il devait avoir jadis une superficie beaucoup plus considérable que sa superficie actuelle dépassant à peine 50 hectares. Il offre la figure d’un triangle rectangle dont le côté oblique est déterminé par la falaise et dont les deux autres sont formés l’un au Sud par la valleuse du Puys, l’autre à l’Est par la tranchée artificielle qui la sépare de Bracquemont.

On a trouvé dans cet espace des restes d’habitations, de sépultures gauloises, romaines et mérovingiennes et des haches en silex, ce qui indiquerait une origine pré-celtique. Il est à croire que la Cité de Limes, appelée aussi dans quelques vieux documents Cité d’Olyme, renferma jusqu’au Moyen-Age un fort noyau de population, diminué par les premiers accroissements de Dieppe et plus tard dispersé. Le titre paroissial de « Curé de Limes » existait encore, mais exclusivement honorifique au XVe siècle.

La Cité dont s’agit abritait notamment un Fanum (au pluriel des Fana) qui devait être ( ?) un petit temple romain.

Il est donc probable que le voyage de George Sand en Normandie se rapporte à une excursion qu’elle fit à la Cité de Limes, près de Dieppe, à une date que notre correspondant n’a point précisée.

Voir pour la documentation ci-dessus :

Dictionnaire Géographique de la France, Joanne, Lettre L.

Manuel d’archéologie Gallo-Romaine, 3e partie, par Grenier (faisant suite au même ouvrage de Déchelette).

Les Fana, dans la région Normande, par de Vesly (Rouen, 1909), Bulletin de la Société Normande d’études préhistoriques, année 1926, tome 26, page 57 et suivantes.

2. Pourrais-je avoir les titres des ouvrages de George Sand envoyés à Gustave Flaubert ? Où sont ces ouvrages ?

RÉPONSE — Les ouvrages de George Sand envoyés à Gustave Flaubert sont en dépôt à la Bibliothèque Flaubert, à Croisset.

Il v a tout d’abord une série incomplète de ces ouvrages (reliés) qui ont été envoyés de leur vivant mutuel, par George Sand à Gustave Flaubert, et dont quelques-uns sont dédicacés.

Ci-dessous la liste de ces ouvrages avec mention des dédicaces

Il y a ensuite une série complète des œuvres de George Sand, paraissant de venue plus récente, et non dédicacées.

Voici la liste des premiers ouvrages avec dédicace éventuelle :

 — Cadio. Non dédicacé, édition de 1868.

— Les Don Juan de Village. — À mon Ami Gustave Flaubert.

— Monsieur Sylvestre. — À mon Ami Gustave Flaubert.

— La Coupe. — À Gustave Flaubert, sa vieille amie.

— Ma Sœur Jeanne. – À mon cher Gustave Flaubert, son vieux

Troubadour.

— Manon. — À mon ami de cœur Gustave Flaubert.

— Pierre qui roule. — Non dédicacé.

— Mademoiselle Merquem. — Non dédicacé.

— Le dernier Amour. — À mon ami Gustave Flaubert son vieux.

— La Confession d’une Jeune Fille. — Non dédicacé.

— La Confession d’une Jeune Fille. — Second exemplaire, non

dédicacé.

 

3. Dans une de ses lettres à George Sand, Flaubert, en parlant de Cadio, le roman de G. Sand qu’il vient de recevoir, lui dit son admiration pour la page 161. Or, dans l’édition normale de l’ouvrage de l’époque, la page 161 ne contient que la fin d’une scène et le début d’une autre, peu intéressante en soi. Flaubert avait-il reçu une édition spéciale ? De quoi s’agit-il dans ce cas à la page 161 ? Le livre est-il dédicacé ? Y a-t-il des notes en marge, de la main de Flaubert ?

RÉPONSE — L’ouvrage dont on parle figure bien effectivement parmi les œuvres de George Sand reçues de leur vivant mutuel par Gustave Flaubert (vraisemblablement dès la parution de Cadio). Il se retrouve à la Bibliothèque Flaubert, à Croisset, mais (contrairement aux autres œuvres de George Sand) ne comporte aucune dédicace. Il n’y a aucune annotation de la main de Flaubert, et la page 161 est celle qui se rapporte à la fin de la scène V et au début de la scène VI, sans qu’on sache le motif de l’admiration de Flaubert pour cette page.

De M. Marcel Dumont, à Gimont (Gers). Où se procurer une bonne reproduction du portrait de Gustave Flaubert ?

RÉPONSE. — Il y a un portrait de Gustave Flaubert, par Mme F. Sabatier paru dans l’Illustration du 10 décembre 1921. Le portrait est particulièrement ressemblant et Mme Franklin-Grout, nièce de Flaubert, l’affirmait, le meilleur. S’adresser à l’Illustration pour le cliché éventuel, ou reproduire à ses frais le portrait dont référence ci-dessus.

Il y a aussi le portrait de Daliphard, dont l’original se trouve a la Bibliothèque de Rouen. C’est le portrait classique, reproduit fréquemment, mais les traits en sont, à notre avis, moins fins que dans le portrait Sabatier.

 

Flaubert était aussi Champenois p. 41

Dans le Figaro Littéraire du samedi 12 juillet 1958, M. André Billy, de l’Académie Goncourt, en rendant compte, du point de vue littéraire, de la fête de Nogent-sur-Seine (29 juin 1958), où, sur la maison Parain, fut inaugurée la plaque Flaubert, rappelle fort opportunément que Flaubert était tout autant Champenois que Normand. L’article est rempli de précieux détails sur l’ascendance paternelle de Gustave.

A la poursuite de Maupassant sur la côte Normande p. 42

Notre ami Jehan le Povremoyne qui, peut-être en sa qualité, lui aussi, de conteur normand, a consacré à Guy de Maupassant, le disciple de Gustave Flaubert, un véritable culte, évoque en trois articles parus dans Paris-Normandie (27, 28, 29 août 1958) et aussi dans le Liberté-Dimanche de la même époque, la vie et l’œuvre cauchoises, toutes deux de Guy de Maupassant. Les confidences de François Tassart, le domestique de Maupassant, servent de base à ces révélations qu’on lit avec le plus grand profit.