L’Ascendance Champenoise de Gustave Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1959 – Bulletin n° 15 – Page 22

 

L’Ascendance Champenoise de Gustave Flaubert

Né à Rouen, Flaubert est bien Normand par sa mère, Aimée-Justine-Caroline Fleuriot, née à Pont-l’Evêque en 1793, mais son père et tous ses ascendants paternels étaient champenois.

— Père de Flaubert : Achille-Cléophas, né à Maizières-la-Grande-Paroisse dans l’Aube, le 14 novembre 1784. Très studieux, il devint un illustre médecin, savant et homme de bien. Il devint chirurgien-chef de l’Hôtel-Dieu de Rouen, charge qu’il exerça pendant 34 ans. Quand il mourut en 1846, il était encore directeur de l’École de Médecine à Rouen.

De famille besogneuse, on a, à son sujet, ce document du 18 Messidor, an VIII (Archives de l’Aube. L. 527) :

« Au citoyen Soupréfet de la commune de Nogent-sur-Seine », Nicolas Flaubert expose « que depuis quatre ans, il épuise toutes ses ressources pour suivre l’éducation de son fils âgé de quinze ans et demi et le mettre à même d’être utile en société ; que ce fils est déjà versé dans la partie des mathématiques et dans celle du dessin, ainsi que dans les autres sciences premières qui sont la base d’une instruction solide… « devra faire abandonner les études de son fils… » si le gouvernement ne vient pas à son secours, en admettant son fils gratuitement, soit à l’École d’Alfort, soit dans une école Polytechnique… Vous rendriés un service signalé et puissant à un père qui ne cesse de se donner toutes les peines possibles pour être util par son art à ses concitoyens ». La requête sera admise par le sous-préfet.

— Grand-père de Flaubert : Nicolas, né à Saint-Just (Marne), le 15 août 1754, marié en 1774 avec Marie-Apolline Millon, était entré à l’école vétérinaire d’Alfort le 2 novembre 1775. Diplômé en 1780, il était installé à Bagneux (Marne). À son sujet, on a retrouvé cette appréciation « Bon, mais sujet à faire des frais, présente toujours des mémoires de dépenses outrés ». C’est probablement à la suite de ces dépenses exagérées qu’il eut des démêlés avec l’intendant de Champagne et qu’il vint s’installer à Nogent, permutant avec son frère Jean-Baptiste qui partit à Bagneux. Royaliste militant, il fut emprisonné par les soins du Comité local de Salut Public, emmené à Troyes, transféré à Paris, traduit devant le Tribunal Révolutionnaire qui, le 27 février 1794, le condamna à la déportation. Sauvé par Thermidor, il revint à Nogent ou il mourut le 7 mai 1814, très probablement des suites des mauvais traitements que lui firent subir les soldats des armées alliées, après le combat du 30 mars 1814. Avait eu 3 enfants, dont Achille-Cléophas était le dernier.

— Arrière grand-père de Flaubert : Constant Jean-Baptiste, né à Bagneux le 14 octobre 1722, avait épousé Hélène Marcilly, dont il eut trois enfants, trois vétérinaires, Nicolas (ci-dessus), Jean-Baptiste et Antoine (ci-dessous). Il était « maréchal-expert » c’est-à-dire vétérinaire. Son père, Michel Flaubert, né à Bagneux, était aussi maréchal-expert.

— Grand-oncle de Flaubert : Jean-Baptiste, frère de Nicolas, né à Saint-Just le 17 février 1750, entré à Alfort le 14 mars 1774, en sortit diplômé le 31 mars 1776. « Artiste vétérinaire » à Bagneux, puis en 1780 à Nogent, enfin à Bagneux où il mourut en 1832. On possède une observation de Bourgelat sur lui « a été longtemps malade, ce qui lui a fait perdre beaucoup de temps ». Sa femme, Hélène Marchand, avait protesté contre la Révolution avec une ardeur comparable à celle qui avait failli coûter la vie à Nicolas, son beau-frère. Elle menait propagande par toute la région, prêchant sur les places, parcourant les rues en hurlant des cantiques. On l’appelait « la Mère Théos ». En 1793, à Sézanne, elle fut incarcérée, et son mari eut bien de la peine à lui éviter le martyre.

Jean-Baptiste et la mère Théos eurent 5 enfants, dont le dernier naquit à Nogent-sur-Seine le 8 juin : Hilaire-Jean-Baptiste ; vétérinaire aussi, il étudia à Alfort d’avril 1808 à octobre 1811, fit la campagne de Russie comme vétérinaire du 2e cuirassiers. Il fut vétérinaire au 2e Dragons en 1820, puis vétérinaire civil à Arcis en 1824. Il fut toute sa vie en démarches perpétuelles pour retrouver son diplôme de vétérinaire qui avait été perdu, puis retenu.

Antoine, frère de Jean-Baptiste, né à Bagneux le 15 mars 1759, admis à Alfort le 14 juillet 1779, exerça sa profession à Arcis-sur-Aube, ensuite à Sens, où il mourut le 10 janvier 1806. Il était réputé pour « prolonger les maladies et abuser onéreusement des drogues ».

Il y a donc 5 vétérinaires et 1 médecin dans ce lignage.

D’autre part, le nom de Flaubert serait l’un des plus répandus de Champagne, au moins dans 60 communes.

En 1696, un Nicolas Flaubert était Procureur du Roi en l’Hôtel de Ville de Troyes et il a fait enregistrer ses armoiries auxquelles il avait droit bien que non noble ; d’azur à un chevron d’or accompagné en chef de deux flammes de même, et en pointe d’un lis de jardin, aussi d’or, soutenu d’un croissant du même et un chef de gueules chargé de deux étoiles d’or.

Enfin, en 1669, le syndic de Bagneux était un certain Denis Flaubert, son fils, Jean, est « un des hommes les mieux faits, les plus vigoureux de la paroisse ».

Gustave Flaubert reconnaissait, dans une lettre de janvier 1852 : « Il y a en moi deux bonshommes distincts, un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui creuse et qui fouille tant qu’il peut, qui aime à accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses qu’il reproduit ». On voit sans peine, dans ces deux bonshommes, quel est le Normand et quel est le Champenois.

Références :

— G. Reibel. – Les Flaubert, vétérinaires champenois. 1913.

J. Chevron. – À propos des ancêtres champenois de G. Flaubert, dans la Revue historique de la Révolution. Octobre- Décembre 1923.

Chaboseau. – Les ancêtres de G. Flaubert, dans Mercure de France. 1922.

R. Dumesnil. – Flaubert, son hérédité, son milieu, sa méthode. 1905.

Bulletin des Écrivains de Champagne.

XVI. 16e année, 1958-1959. Nouvelle série, n° 3.