La Maison du fou à Croisset

Les Amis de Flaubert – Année 1959 – Bulletin n° 15 – Page 56

 

La Maison du fou à Croisset

Paul Vauquelin, le dynamique et sympathique maire de Maromme et Conseiller Général du Canton de Maromme, fervent flaubertiste et membre de notre Société, contait l’autre jour la savoureuse histoire que voici :

— Je suis un gosse de Croisset. Quand j’allais à l’école, les vieilles gens qui avaient connu Flaubert déclamant dans son gueuloir, me disaient avec terreur : « Et puis, ce soir, en rentrant de classe, ne t’arrête pas devant la maison du fou ». C’est ainsi que vers 1905-1910, on appelait ce qui restait de l’ancienne propriété de l’auteur de Madame Bovary.

Les habitants de Croisset, à quelques exceptions près, n’avaient pas varié d’opinion sur Flaubert. Ils se souvenaient de ses étranges visiteurs les écrivains les plus célèbres de Paris. Mais surtout, ils lui reprochaient vingt et trente ans après sa mort, ses baignades en Seine.

— Le fou, il se baignait nu, ou presque.

Flaubert, en effet, aimait nager, tenu par une corde par son valet ou un ami qui le suivait en barque.

Vers 1910, lorsque « Les Amis de Flaubert » accomplissaient en char à banc, une ou deux fois l’an, un pèlerinage à Croisset, les riverains se montraient du doigt les hommes à barbe et haut de forme et répétaient leur malédiction :

— Ça, c’est les fréquentations du fou.

Liberté Dimanche, dimanche 21 juin 1959.