Une correspondante de Flaubert : Melle Leroyer de Chantepie

Les Amis de Flaubert – Année 1960 – Bulletin n° 16 – Page 3

 

Une correspondante de Flaubert :

Mademoiselle Leroyer de Chantepie

Vers l’an 1880, les Angevins voyaient fréquemment passer dans les rues de leur ville une calèche attelée tantôt d’un cheval blanc, tantôt d’un cheval gris pommelé, que conduisait un cocher sans livrée. Derrière les panneaux vitrés, on reconnaissait une silhouette familière, et plusieurs saluaient d’un sourire ironique cette apparition surannée. C’était une vieille fille de quatre-vingts ans dont le visage encore frais et rose était encadré de cheveux toujours bruns, coiffés en bandeaux plats. Les élégantes du jour, qui visaient à la beauté par le moyen des frisettes et de la tournure, fille rétrécie de la crinoline, se scandalisaient qu’elle eût gardé le paletot-sac et la jupe ronde 1830. Des fleurs, le plus souvent des roses, éclataient sur son cabriolet de velours noir. C’était comme une cocarde de jeunesse qu’elle arborait pour ses sorties. Ses mains fines, qu’elle ne voulut jamais couvrir de gants, faisaient une tache claire sur la robe sombre.

Mlle de Chantepie vivait ses dernières années dans l’allégresse et dans une agitation bienfaisante.

Elle allait à l’église, au théâtre, au concert, aux expositions de peinture ou d’horticulture. Son équipage stationnait parfois près d’un Quinconce, et les fanfares volaient du kiosque à musique jusqu’à elle, par dessus les camélias coniques et les fusains taillés en boule. Car elle ne descendait pas de voiture pour entrer dans le jardin, le plein air lui étant pernicieux. Plus volontiers, elle se rendait au cirque en bois, bâti près de la Maine, où débutaient alors les concerts classiques qui sont encore le charme et l’honneur de la cité angevine. Elle en était membre fondateur. Je ne crois pas qu’elle en troublât jamais la religieuse audition. Mais au théâtre, son émotion ne pouvait se contenir et ses exclamations bruyantes tournaient vers sa loge des visages indignés ou réjouis.

Elle faisait beaucoup parler d’elle. On ne trouvait pas séant qu’elle eût la passion des arts et de la littérature, et qu’elle employât plusieurs heures de sa journée et de sa nuit à écouter des lectures, à écrire, à se faire jouer par ses amis des trios, des quatuors, ou même de petits opéras.

Et puis ne s’imaginait-elle pas, à son âge, d’ouvrir toute grande sa maison du boulevard des Lices, de donner des soirées, d’accueillir étudiants, jeunes filles, jeunes ménages, de laisser le flirt et la danse s’installer audacieusement dans ses salons jusqu’à l’aube ! Oh ! ces réceptions de Mlle de Chantepie, quels gais souvenirs elles ont laissés à ceux qui en furent ! Mais aussi quelles réticences pudiques, quels sous-entendus, quelles accusations chez ceux qui n’y furent pas conviés !

Enfin, la maîtresse de maison qui bénissait de pareils ébats était notée comme un transfuge du monde aristocratique où sa naissance l’avait classée : elle était libérale ! Elle frayait avec les fonctionnaires de la République ! Bien qu’elle observât toutes les prescriptions de la religion catholique, elle ne se croyait pas tenue de ne fréquenter que les vieilles dames abandonnées à la dévotion et aux saintes médisances. Protestants, juifs, libres penseurs se rencontraient chez elle avec des catholiques fervents. Si, par hasard une discussion trop vive s’élevait entre des esprits si divers, elle y mettait le holà avec une grâce et une autorité dignes des grandes dames du dix-huitième siècle : « Chez moi, on ne parle ni politique ni religion, vous le savez bien, disait-elle en souriant. Est-ce qu’il n’y a pas d’autres sujets de conversation plus agréables ? ». Et la musique ou la littérature rétablissait la paix.

Sévère pour elle-même, elle était d’une parfaite aménité pour tous. Car, c’est un point que lui accordent ses plus injustes détracteurs ; elle avait reçu en partage la bonté, la vraie bonté, celle qui ne distingue pas, celle qui ne veut pas juger, celle qui ne croit pas au mal, celle qui trouve à toute force une explication ou une excuse.

Que certains en aient abusé, cela est bien possible ; elle-même avait pu s’en plaindre dans le temps passé. Mais sans doute avait-elle pris son parti de ne plus répandre autour d’elle que la joie.

Toutefois, au milieu de ce tardif épanouissement, sa sérénité paraissait compromise à deux époques de l’année, aux approches de Pâques et de Noël. Son grand front se plissait, un nuage obscurcissait le bleu foncé de ses yeux, elle s’agitait, ne dormait plus. Et il est bien vrai que les deux grandes fêtes de l’église étaient toutes les raisons de son inquiétude. Elle souhaitait de les célébrer dignement. Mais pour cela il fallait se confesser. Or, la confession avait été l’épouvante, le cauchemar, le tourment de toute son existence. Après bien des luttes entre ses répugnances et son devoir religieux, elle avait dû y renoncer. En dépit des rassurantes boutades de sa fidèle majordome, Nanette, qui était un esprit fort, et qui avait pris la direction de sa conscience comme de sa maison, elle était assaillie de remords. C’étaient des derniers grondements des orages qui avaient bouleversé son âme et qui avaient fait d’elle, pendant plus de cinquante ans, une pauvre créature exténuée, en quête partout de remèdes à des misères morales dont elle avait cru périr cent fois.

Marie-Sophie Leroyer de Chantepie fut bien de la génération romantique, par les tempêtes réelles ou imaginaires de sa vie, par les tendances de son esprit, par ses prétentions littéraires.

C’est à Château-Gontier, le 31 octobre 1800, que sa mère, âgée de quarante-huit ans,  « lui infligea la vie ». Elle tombait dans une famille déjà pourvue de cinq enfants mais venus de deux sources. Le père, en effet avait apporté de premières noces subies à vingt ans au milieu des larmes, deux filles déjà fort grandes. Quant à la nouvelle Mme de Chantepie elle tenait d’un vieillard « méchant débauché et ladre », qu’elle avait épousé de force à dix-sept ans, un garçon et deux filles. Ces deux victimes d’une même contrainte s’étaient rencontrées. Lui était veuf. Elle, mourante, quitta son vieux mari, revint à la santé, puis se réfugia dans un couvent que la Révolution n’avait pas encore dépeuplé. La loi du divorce, votée par la Convention et considérablement élargie par la suite, lui permit d’épouser, civilement du moins, M. de Chantepie. Mais cette union, qui contentait du moins son cœur, alarmait sa conscience chrétienne. S’ajoutant aux misères passées, aux terreurs que la chouannerie entretenait dans la région, ses scrupules ne lui laissèrent plus de repos.

Marie-Sophie, fruit tardif, inespéré et irrégulier, fut pourtant accueillie avec joie. Relatant plus tard tous ces détails, elle dit : « Je me ressentis des frayeurs de ma mère ; j’eus une sensibilité excessive, des terreurs extrêmes. J’étais née sous de tristes auspices ». Elle faillit d’abord mourir de faim chez sa nourrice : « Je commençai ma vie par le jeûne ». C’est d’ailleurs assez l’usage, dans le monde romantique, d’avoir son cercueil près de son berceau.

Elle avait sept ans quand son père, cédant sa place d’inspecteur des Domaines, vint s’installer à Angers dans une maison triste du triste quartier d’Outre-Maine, au milieu des couvents, des églises en ruines et des foyers dévots. Il paraît qu’on fit là beaucoup d’économie, et que l’intérieur évoquait à l’avance celui que Balzac dépeindra dans Eugénie Grandet. L’enfant tomba dans une grande mélancolie. On avait confié son éducation à une vieille fille fanatique et presque folle, son instruction à des religieuses qui n’étaient guère allées au-delà de leur Croix de par Dieu, sa direction à un prêtre ignorant et borné, tout juste un peu moins fanatique que la vieille fille. Quand ce régime l’eut rendue tout à fait malade, à l’âge de treize ans, on fit appel à un médecin ignorant. En sorte que son âme et son corps furent également mal traités, et qu’à deux ou trois reprises elle put se demander si elle allait mourir prématurément du prêtre ou du médecin.

En fait elle ne guérit jamais parfaitement, et la maladie, sans doute héritée de sa mère, le scrupule, s’installa dans sa cervelle et brouilla pour longtemps ses vues et ses démarches. Son intelligence n’en resta pas moins fort éveillée.

L’ingénieuse parcimonie de son père ayant ajouté le charme d’une petite fortune à sa beauté et à ses talents naturels, elle ne manqua pas de soupirants. Le père étant mort, le nombre des prétendants ne fit qu’accroître : « On me demandait continuellement en mariage, dit-elle, mais il suffisait qu’on voulût m’épouser pour me déplaire ». Marie-Sophie jugea le mariage établi sur des bases injustes, incompatibles avec la loyauté de son caractère. Sans doute l’histoire de sa mère, assez exceptionnelle pourtant, lui servait-elle de leçon et de prémisse à une conclusion trop générale. Et puis, appartenir à quelqu’un, n’importe à quel titre, lui inspirait « une répugnance instinctive et insurmontable ». Elle avait été peu instruite, mais je croirai volontiers qu’elle avait déjà commencé à réparer en lisant, en dévorant tous ces beaux livres dont on l’avait écartée jusqu’alors ? Elle se formait elle-même. Entreprise généreuse, assurément, mais conduite sans discipline et par conséquent fort hasardeuse. Il est permis de reconnaître dans ses jugements l’influence de l’individualisme dont la littérature alors était imprégnée.

Une fois pourtant elle aima celui qui l’aimait. Pourquoi ne l’épousa-t-elle pas ? Il faut ici invoquer, avec ses idées sur le mariage, son état d’esprit particulier, son impuissance à prendre une décision : « Le rendrai-je heureux ? Me rendra-t-il heureuse ? ». Sur ce point d’interrogation son âme demeura suspendue, ainsi que sa destinée.

Elle se dévoua à soigner sa mère, qui ne devait mourir tout à fait qu’en 1835. Maîtresse de ses heures sans soutien, sans conseil, Mlle de Chantepie fut contrainte de se créer une vie personnelle. Comme elle était très bien douée et que ses premières études n’avaient pas, tant s’en faut, épuisé tout son désir de savoir, elle donna pâture à son imagination. Elle butina, amassa miel et cire, mais laissa la réalité s’arranger autour d’elle un peu au petit bonheur.

Son père, qui ne prêtait pas, avait placé son cher argent en solides fonds de terre. Il avait acheté, dans les environs d’Angers, en plusieurs lots, de petites propriétés qui formèrent au total un assez vaste domaine. Ce sont au flanc des collines qui descendent de la route de Nantes vers la Maine, des maisons entourées de jardins, en bordure d’un chemin parallèle à la rivière. Le faubourg est encore tout proche, des talus de verdure en guise de trottoirs et des haies vives annoncent la pleine campagne, mais une campagne angevine toute aimable, parsemée de fleurs, de villas, de vergers.

Un vieux mur d’ardoise, crevassé, trapu, porte une lourde couronne de lierre, comme un dieu rustique. Il laisse voir les cimes des poiriers bien taillés, et les cônes des cyprès plus hardis et plus sombres. Au-delà d’un portail, voici un petit bâtiment à long toit aigu, survivant du quinzième siècle, et qui fut l’écurie d’une auberge à l’enseigne de la Licorne. Ici logea, dit-on, en passant, François 1er. Dans la cour, une margelle de puits s’abrite sous une niche tapissée de plantes grimpantes, un arbuste presque centenaire dégage de cette masse touffue, son feuillage délicat. Tous les ans, à l’automne, on y voit pendre des grenades roses que la douceur du climat conduit à la maturité. Le fond de la cour est fermé par la maison d’habitation, qui n’a rien de seigneurial, ni même aucun cachet d’architecture. Sur la façade de pierres blanches se superposent un rez-de-chaussée, un étage et des fenêtres de grenier en saillie sur le toit. Elle est interrompue en son milieu par une sorte de demi-tourelle ronde percée de deux fenêtres à meneaux. C’était la loggia des oiseaux.

Des hauteurs de la propriété, l’on peut suivre, au pied des collines, la Maine qui coule parmi les prés et souvent les inonde. Elle s’en va sans hâte vers la Loire, dont la large vallée élargit à droite l’horizon bleuté. Le coteau d’en face est plus âpre, mais presque toujours estompé de brume. Vers la gauche, il porte toute la majesté de la ville, avec l’enceinte garnie de tours de son énorme château fort, la massive tour Saint-Aubin et les deux clochers pointus de sa cathédrale, au-dessus d’un quai aux vastes bâtiments réguliers.

Mlle de Chantepie préférait cette habitation à sa maison de ville, bâtie de pierres tombales sur l’emplacement d’un cimetière, sans horizon, sévèrement meublée, et remplie pour elle de souvenirs attristants.

D’ailleurs la campagne ne fut pas pour elle la solitude. Elle ne tarda pas à y être entourée d’une petite colonie. C’est d’abord d’une servante de confiance, dont la progéniture viendra offrir à la vieille fille son dévouement et aussi ses petits ennuis à partager, ses misères à soulager. Des parentés spirituelles relèvent ces liens de domesticité ; la maîtresse accepte un filleul. Elle se charge de son éducation. Celui-ci amènera plus tard sa femme et ses enfants. Pour l’instant c’est son professeur de latin qui devient l’homme de confiance, le régisseur du domaine. La vraie famille est représentée par un cousin, ancien notaire, à qui la rédaction des contrats semble bien n’avoir laissé ni l’argent ni l’honneur et une nièce contrefaite de corps et d’esprit. De temps à autre, on voit paraître une amie avec son enfant, qui cherche un port entre deux tempêtes. Enfin, le classique réfugié Polonais se trouve là, on ne sait comment, généreux, obligeant, chevaleresque et gueux. À certaines époques, la compagnie montera, jusqu’à dix-huit personnes. Et je ne compte pas les chiens qui n’étaient ni les moins aimés ni les moins reconnaissants.

Une telle cour est toute à l’honneur de celle qui la rassembla. Car, domestiques à part, quel autre motif pouvait avoir Mlle de Chantepie de s’intéresser à ces divers personnages, que le désir de leur épargner la disette ou la suprême déchéance ? Elle n’en reçoit même pas le bienfait d’une société ; elle garde la sensation de l’isolement intellectuel, parmi des gens qui lui sont si inférieurs. Elle leur sacrifie son repos et une part de sa fortune. Elle est entraînée à jouer son rôle dans la mesquine tragédie où chacun se débat.

Le filleul, choyé comme un vrai fils, devient charmant comme un enfant gâté. Après avoir essayé dix métiers sans succès et sans beaucoup de zèle, il se fait proscrire au Deux-Décembre. La marraine le cache dans les parages de Baupreau, chez des parents à elle, dont le fervent royalisme ne peut être soupçonné de complicité. Enfin, elle parvient à démontrer au procureur impérial d’Angers, qui se trouve être son cousin, que le jeune républicain a été calomnié et n’en veut ni à la personne de l’Empereur, ni à la magistrature du nouveau régime. Revenu à la lumière, le martyr n’est pas plus sage. Il s’obstine à contracter un mariage peu reluisant et qui n’est pas du tout ce qu’on avait rêvé pour lui. La marraine s’en désole. À trente-six ans, il est atteint d’une tumeur au cerveau qui le paralyse à moitié, et dès lors il promène à travers le logis son désœuvrement, et une bonne humeur qui n’est pas inaltérable.

L’ex-professeur de latin, versé dans la médecine, se rend tellement nécessaire que l’on songe à l’épouser. Mais l’on s’aperçoit à temps que les goûts intellectuels ne concordent pas. De plus, il a un grave défaut : il boit, et il est incorrigible .En vain toute la maison est mise au régime de l’eau claire pour lui épargner la tentation : il s’en va se réconforter chez lui, tandis que les autres le maudissent. À cinquante ans, il germera dans sa tête échauffée le dessein d’épouser une petite servante de dix-huit ans ; et la maîtresse de céans, faisant abstraction de ses sentiments intimes, accepta la perspective d’un nouveau ménage à héberger. Inépuisable amitié qui se dépensera enfin pendant une longue maladie et qui restera désemparée après la mort de ce compagnon de trente années.

Le roman le plus complet est celui de la nièce, fille d’une fille de Mme de Chantepie. Elle s’appelle Agathe, elle n’a rien pour plaire. Enfant disgraciée, bientôt orpheline de mère, odieuse à sa famille, la maladie en fait une jeune fille difforme, honteuse d’elle-même, opiniâtre dans ses extravagances. Sa tante la recueille, la soigne, supporte ses humeurs fantasques, la défend contre son père qui la veut faire enfermer, ou tout au moins interdire. Passe un fatal ténor, alors au début de sa carrière, et qui plus tard devait entrer à l’Opéra. Il fait tourner la tête des dames « et même des marchandes de poisson ». La déplorable Agathe s’éprend pour lui d’un amour absolu, idéal, chimérique et tout ensemble effectif. Car elle s’obstine à lui offrir la seule chose qu’elle possède de bien : quarante-huit mille francs hérités de sa mère. L’artiste ne les refuse pas ; même il la remercie, comme il se doit, par une héroïque demande en mariage. On se contentera de sa bonne intention. Cependant, le ténor continue sa vie nomade, emportant toutes les pensées de la pauvre infirme. Il part pour l’Amérique. Dans le même moment le vieux père d’Agathe qui prévoit, mais ne peut se faire à cette idée, que son héritage à lui aussi ira encourager les beaux-arts, obtient du tribunal la constitution d’un conseil judiciaire. Cette défaite et l’absence du bien-aimé achèvent de détraquer la malheureuse fille. Elle languit encore deux ans. Enfin, après un hiver de silence et d’angoisse, une lettre arrive qui annonce pour juillet le retour du cher attendu. C’est le printemps. Agathe se ranime. Elle sème des fleurs, achète une robe, un chapeau. Oh ! avoir la force d’attendre ce mois de juillet ! Hélas ! le 17 mai, après une belle journée, au crépuscule, elle expire.

On ne saurait croire de quel cœur Mlle de Chantepie s’unissait à toutes ces infortunes. Non contente d’en souffrir elle-même par sympathie, elle se désolait de ne pouvoir empêcher les sottises, aplanir les difficultés, apaiser les chagrins. Et chaque fois que la mort frappait un nouveau coup dans son entourage, elle en ressentait une impression intense et prolongée de regret, de révolte, d’horreur et d’effroi.

Ces drames, qui n’étaient pas sans écho dans le public, cette excessive sensibilité qui s’exerçait sans choix, quelques essais littéraires publiés dans les journaux : tout cela constituait une existence de vieille fille peu conforme aux idées reçues et aux disciplines sociales. De très bonne heure autour d’elle s’amoncela une atmosphère de malveillance et d’ironie qu’elle ne chercha pas à dissiper. Des bruits calomnieux, d’une imposante précision, et d’ailleurs contradictoires, comme il en naît autour des vierges d’allure indépendante, furent répandus, et l’on prétendit encore les justifier plus tard par l’indulgence extrême qu’elle accordait à tous les péchés d’autrui. En un mot, Angers, qu’elle détestait, le vieil Angers bien pensant du second Empire, ne lui fut pas accueillant. On la traitait d’originale, de bas bleu, de bohème, de dupe, et pour tout dire, de toquée. Et on ne peut pas nier qu’elle ne le fut un peu, mais non point à la façon dont le vulgaire en avait décidé.

Cette folie avait quelque chose de trop intime pour être divulguée, de trop honorable pour qu’on eût le bon esprit de la deviner. Toute la vie intellectuelle et morale de Mlle de Chantepie était alors occupée par une crise religieuse dont les angoisses avaient sur sa santé même une influence désastreuse.

Catholique de tradition, d’instinct, de volonté, elle discute cependant. Il y a des dogmes qu’elle ne peut pas admettre ; des solutions hétérodoxes la séduisent. Dans son esprit, elle se construit une religion qui la satisfait sans éclaircir tous les mystères, tandis que son cœur reste attaché aux pieuses pratiques enseignées par sa mère. La lutte se concentre autour de la confession. Non pas qu’elle y oppose d’abord des objections doctrinales ou historiques : elle s’y croit toujours strictement obligée. Mais quand il faut s’exécuter, elle éprouve une répulsion insurmontable, une sueur d’agonie. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui une phobie. Au moment de l’examen de conscience, elle n’arrive pas à supputer ses fautes d’un regard simple et clair. Il se produit en elle un phénomène de dédoublement, une hallucination. Une autre Chantepie surgit des profondeurs du subconscient et se substitue à la vraie. Celle-là se présente chargée de toutes les fautes de l’humanité. Elle s’affirme coupable des péchés les plus énormes, les plus étranges, les plus ridicules. Impossible d’écarter ce noir génie qui s’empare de son âme. De là des souffrances sans nom, la persuasion qu’elle est abandonnée de Dieu, la certitude de l’enfer, les tourments de la damnation dès cette vie.

Quelles étaient ces choses « aussi impossibles à dire qu’affreuses à penser « ? Elle ne s’en est pas expliquée autrement. Mais, comme il lui est arrivé de déclarer qu’elle se croit coupable de tous les crimes dont elle entend parler, il devient inutile de s’arrêter à tel ou tel ordre d’idées : le champ est illimité. Aussi il y a certains péchés qu’elle sent toujours sur sa conscience, qu’elle veut confesser et qu’elle ne peut jamais retrouver. Dans le domaine moral, elle est comme ces imaginatifs déréglés qui se figurent avoir toutes les maladies que l’on décrit devant eux, ou dont ils entendent seulement le nom.

Assurément cet état, qu’on appelle scrupule, tentation du désespoir, hallucination, trouble nerveux, hystérie, est bien connu de ceux qui s’occupent des affections de l’âme ou du corps, des prêtres et des médecins : autre chose est d’y trouver remède durable. Et certes, Mlle de Chantepie n’avait pas manqué de consulter les uns et les autres. À dire vrai, elle ne déroge pas à la coutume de pareils malades, qui est de harceler ceux dont ils attendent la guérison, d’épuiser toute leur sagesse et leur bonne volonté, de lasser leur patience, puis de les accuser d’ignorance ou de dédain, et enfin de recourir à des sommités et à des charlatans. Son médecin l’envoie à la campagne qui ne la calme point, ou bien à Paris où elle ne peut se rendre avec son inséparable smalah. Son confesseur, sans doute découragé, ne lui dit rien. Elle écrit à deux prêtres de Paris qui ne lui répondent pas. Elle s’adresse à un vicaire de la Madeleine, l’abbé Bessières, qu’on lui a indiqué, et qui veut bien recevoir sa confession écrite. Elle l’envoie toute farcie de ses rêveries insensées. Mais à l’avance elle désespère de la guérison ; elle est presque sûre de n’être pas comprise, ou de ne se voir appliquer que des lieux communs inutiles.

C’est au plus fort de ces orages qu’elle entre en relations avec Flaubert,

Madame Bovary finissait de paraître dans la Revue de Paris, en décembre 1856. Mlle de Chantepie avait du goût : elle discerna le chef-d’œuvre. « J’ai trop souffert pour pleurer facilement : eh bien ! j’ai pleuré trois jours au dénouement de Madame Bovary ». Sans doute ces pleurs de pitié ne sont pas les nobles larmes que souhaite Chateaubriand comme récompense du talent de l’écrivain. Mais enfin, si elle reconnut avec tant d’émotion dans Emma une sœur de son âme chimérique et désenchantée, c’est que l’auteur avait dépeint une héroïne parfaitement vraie. Elle ne put se retenir de le lui dire, et comme quoi son livre était ce qui lui avait paru de plus remarquable depuis trente ans de lectures assidues. Marie-Sophie s’exprima certainement en toute sincérité et sans prétention. Aussi bien avait-elle l’habitude de converser avec les grands écrivains, puisqu’elle entretenait déjà correspondance avec George Sand. Sa première lettre à Flaubert n’a pas été conservée. On doit supposer qu’elle trouva les mots persuasifs, puisque l’écrivain ne craignit pas d’encourager cette admiratrice de province, qui se présentait comme un confrère, et menaçait même d’envoyer ses œuvres. Il répondit aimablement : la chaîne était rivée. À dater de février 1857, s’établit un commerce qui n’eut son terme que le 15 juin 1876, mais que les événements de 1870 avaient à peu près rompu ; car des soixante-neuf lettres qui sont la part de Mlle de Chantepie, trois seulement se placent au-delà de cette époque.

Quand on lit la correspondance publiée de G. Flaubert (3e et 4e séries), il est impossible de ne pas remarquer que ses réponses à Mlle Leroyer de Chantepie n’ont pas le même ton que les autres lettres. Avec ses amis, le bon géant est d’une cordialité profonde certes et délicate, mais sans gêne dans l’expression, parfois bourrue, mais volontiers truculente, une cordialité à gros mots et à coups de poing dans le dos. Avec George Sand, il est camarade, il discute, il cause librement, hardiment, comme avec un homme. Mme Roger des Genettes, avant d’être une vieille amie, lui inspira, vers 1858, un sentiment plus vif, un impatient désir de possession tout au moins intellectuelle, que révèlent certaines discussions religieuses, que plusieurs phrases déclarent sans équivoque. Gardons-nous d’interpréter les points de suspension dont le texte a été discrètement émaillé !

Il n’est pas douteux qu’il n’ait éprouvé pour Mlle de Chantepie une respectueuse et tendre affection. « Vous tenez dans mon âme une place très haute et très pure, lui écrivait-il le 26 décembre 1858 ; car vous ne sauriez croire l’émerveillement sentimental que m’ont causé vos premières lettres. Je vous dois de m’être senti, à cause de vous, à la fois meilleur et plus intelligent ». Ce n’est pas là une vaine parole. Il me semble bien que, si ces lettres à Mlle de Chantepie n’avaient pas été inspirées parmi les autres, nous aurions de Flaubert une idée complète. Je ne dis pas qu’il s’y montre plus sincère ou plus naturel, mais moins exubérant, plus contenu, plus grave, plus intime, plus facilement reconnaissable à ceux qui l’ont le mieux connu ou qu’il a le mieux aimés.

Il la jugea digne d’entendre ses opinions sur Dieu et sur l’humanité, sur la science et la littérature, sur la société et la politique. Il lui fit confidence de ses travaux, de ses projets, de ses efforts et de ses affres d’écrivain jamais satisfait.

Comment se l’imagina-t-il tout d’abord ? Peut-être avec l’illusion flatteuse de tout auteur novice qui reçoit les éloges délicats d’une femme encore invisible. Et il n’est pas défendu de soupçonner qu’il se laisse aller à une petite tentative d’épate, quand il lui écrit en mars 1857, d’un ton assez cavalier « qu’il a voyagé à pied et à dromadaire… qu’il s’est perdu dans les neiges du Parnasse… que son rêve est d’acheter un petit palais à Venise sur le Grand Canal, …qu’il a des épaules de portefaix et une irritabilité nerveuse de petite maîtresse, …enfin, qu’il est célibataire et solitaire ». Là-dessus, elle lui répond, bien simplement, qu’elle est une vieille fille, qu’elle a vingt ans de plus que lui, et qu’elle marche avec le siècle.

On ne peut même pas dire qu’elle ait parfaitement compris l’œuvre qui déchaîna son enthousiasme. Elle suppose que c’est une histoire vécue, elle déclare qu’il faut avoir été acteur ou témoin intéressé d’un pareil drame pour l’écrire avec tant de vérité. Elle insiste : « Quel que soit le talent d’un auteur, il est impossible de créer rien d’aussi vrai, d’aussi parfait ». D’autre part, elle ne dégage pas assez l’ironie profonde, l’énorme blague un peu insultante qui est à l’arrière-plan de toutes ces peintures d’âmes bourgeoises ou paysannes. Ce qui la frappe et la retient, c’est évidemment la partie sentimentale, toute la série d’expériences, des déceptions, des détresses de Mme Bovary ; c’est l’écrasement de cet idéal exigeant, qui souffre d’être inassouvi et de ne pouvoir même pas se définir. Pour elle, Emma n’est pas « un caractère de femme naturellement corrompu », ainsi qu’une fois au moins l’a jugée son auteur, c’est une martyre.

Et tout de même Mlle de Chantepie fut une excellente lectrice. Si elle ne se rend pas compte de la cause qui est, au dire de Flaubert, précisément et au contraire l’impersonnalité de l’œuvre, du moins subit-elle la très vive et très poignante impression que l’auteur a voulue. Elle ne se trompe guère sur les beaux paysages qu’il faut citer. Et enfin, tandis qu’une certaine opinion se scandalise et que la magistrature impériale traîne l’écrivain en correctionnelle, la noble Angevine estime que le livre est éminemment moral, plus efficace que le sermon le plus catholique. Il y a là, avouons-le, de quoi satisfaire un artiste sincère. Ce sont des témoignages qui sonnent juste parmi les contradictions, les éreintements, ou les compliments sirupeux.

Mais, ce thème épuisé, elle aurait pu l’importuner, lui paraître un peu ridicule. Car, après lui avoir énuméré toutes les beautés qu’elle découvrait dans Mme Bovary, elle en vint au sujet qui nous tient généralement le plus à cœur, sans pour cela être fort palpitant pour les autres, elle parla d’elle-même. Oh ! elle ne s’en était pas abstenue tout d’abord, et ses premières pages contiennent déjà l’essentiel des chapitres qu’elle développera à satiété par la suite, celui de ses chagrins particulièrement. Quand elle fut assurée de la sympathie de Flaubert, elle ajouta la reconnaissance et tout de suite une humble et confiante amitié à l’admiration sans limite qu’elle avait conçue pour l’écrivain. L’homme qui avait si bien décrit les rancœurs d’Emma devait avoir un remède, tout au moins des consolations puissantes pour toutes les maladies d’âme des femmes. Au premier épanchement de Flaubert, elle répondit par une autobiographie complète. Elle, qui n’arrive pas à bien mener ses confessions religieuses, la voilà qui se confesse tout d’un trait à celui qui s’intitulera plaisamment plus tard, peut-être en son honneur, le R. P. Cruchard, des Barnabites, directeur des Dames de la Désillusion ! Et toutefois, c’était un Barnabite bien laïque !

Par les ennuis et les aspirations, elle est une Mme Bovary. Mais il n’y a eu dans sa vie ni Léon, ni Rodolphe, ni même un Bovary ; car elle est spiritualiste avant tout. Donc, point de promenade en fiacre, point de chambre d’hôtel : aucune faute matérielle. Tous ses maux sont purement intellectuels. Le R. P. Cruchard va se trouver, comme ses vénérables confrères, en face, non pas d’un cas précis, mais d’un état complexe, permanent, insaisissable. Là où les prêtres et les médecins et aussi G. Sand ont échoué, le romancier ne réussira pas davantage. Comment le pourrait-il ? Sans doute il a le prestige d’un homme très intelligent, très savant et très bon. Qu’il veuille bien se tourner vers les misères d’une pauvre fille, qu’il essaye de les dissiper c’est un honneur une condescendance dont elle goûte toute la douceur. Mais Flaubert n’est pas religieux ; ses jeunes années n’ont même pas laissé dans son âme un petit coin parfumé d’encens. Que proposera-t-il à une chrétienne qui croit que Dieu est réellement présent dans l’hostie, et dont le plus grave souci consiste à ne jamais se sentir assez purifiée pour être digne de le recevoir, au moins une fois l’an comme il est prescrit ?

On voit très bien ici le rôle d’un prêtre intelligent et ferme, assez cultivé pour lui être un serviteur agréable, et cependant la dominant de toute son autorité spirituelle, lui imposant les décisions d’en haut sur ses fautes imaginaires ou exagérées et la menant comme par la main à l’autel, et le plus souvent possible, pour la paix de sa conscience. Elle prétend n’avoir jamais rencontré que l’abbé Bournisien. Allait-elle donc, à soixante ans, se mettre sous la férule de M. Homais ? Car enfin tant que son cœur resterait attaché, ne fût-ce qu’à la croyance en l’immortalité de l’âme, elle demeurait inaccessible aux consolations qu’elle sollicitait. Il était logique de la détourner d’abord de la métaphysique, et, au nom de la science, de ramener son horizon aux limites de ce monde périssable. Flaubert était enclin à soutenir cette thèse, mais non pas sur le ton de son célèbre pharmacien ? « Il n’est pas possible d’avoir la moindre sérénité avec l’habitude que vous avez de creuser incessamment les plus grands mystères. Vous vous tuez le corps et l’âme à vouloir concilier deux choses contradictoires, la religion et la philosophie. Le libéralisme de votre esprit se cabre contre les vieilleries du dogme, et votre mysticisme naturel s’effarouche des conséquences extrêmes où la raison vous conduit. Tâchez de vous cramponner à la science, à la science pure… ».

Il essaya d’un autre moyen, il exposa ses propres idées, qui sont que la distinction de l’âme et du corps ne correspond à aucune réalité — ici il tombait bien mal, s’adressant à une personne à qui il arrivait parfois de voir son corps et son âme nettement séparés — que le monde évolue sans fin et probablement sans but, qu’il faut s’abstenir de conclure en aucune matière et ne s’attacher qu’aux faits ; c’est, en un mot, un scepticisme assez fier, mais fort peu souriant. Pour le reste, il lui donna d’excellents conseils : elle devait se dégager d’elle-même et nourrir son âme d’aliments plus solides que les rêveries et les scrupules. En somme, il l’exhorta à s’étourdir. Elle avait, comme lui, deux passions : l’étude et l’art. Il les lui proposa comme d’honorables dérivatifs.

Ces opinions et ces avis furent accueillis avec un grand respect et une gratitude attendrie, mais non pas sans objections. Voici ce qu’elle lui répond : « Vous comprenez qu’ayant suicidé ma vie en ce monde, j’ai dû en chercher la réalisation dans l’autre. Mais je n’ai pas votre assurance, rien ne m’épouvante comme l’inconnu. Comme vous, je n’aime pas la vie, mais je crains la mort, c’est-à-dire la vie que j’ignore… La religion vous attire, me dites-vous, pour moi, hors de là je ne trouve que le néant ; il me faut une religion… Je sais bien, je sens bien que j’ai vécu en dehors de la destinée des autres femmes et que ma sensibilité n’a pas trouvé à s’exercer. Vous me conseillez d’étudier ; j’ai la passion de l’étude, du savoir ; mais dites-moi ce qu’il faut que j’étudie, ce que je dois lire, quel travail je dois entreprendre… Vous me dites de renoncer à me tourmenter de confessions par amour de moi… et dans l’intérêt de ma conversation intellectuelle ; mais il y a quelque chose de plus fort que l’intérêt de l’existence même de la raison, et c’est l’accomplissement du devoir… j’ai lu beaucoup… Byron, Lamartine, Hugo. Pour l’économie politique et sociale, j’aimerais autant lire du latin, que je ne comprends pas… Je crois, comme vous, au progrès, mais toujours il faudra se séparer, souffrir, mourir, et cette prévision seule suffira pour empêcher d’être heureux ; alors il faut chercher ailleurs l’immortalité, l’union indissoluble, le bonheur… Je crois comme vous à l’évolution perpétuelle [de] l’humanité sur notre globe, mais voilà pour le temps, mais au-delà, mais ailleurs ! Que se passera-t-il et que trouverons-nous ? Voilà le grand, l’éternel problème auprès duquel le problème social disparaît… Ne croyez pas que je m’occupe de moi, de ma vie [ : elle] s’est passée et se passe dans un dévouement continuel, souvent à des indifférents… La réalité m’est insupportable, je voudrais une existence purement spirituelle, une innocence parfaite depuis la naissance jusqu’à la mort, je souffre de la vie matérielle… Je voudrais vivre d’air, de parfums et d’harmonie ».

« …Je ne serai jamais ni avec Sainte Thérèse ni avec Voltaire. Tous deux en religions me sont également antipathiques. L’une me ferait haïr la religion, l’autre l’impiété… Mon cher Monsieur et Ami, n’ayez jamais la pensée désespérante du néant ; vous me dites que peut-être il n’y a rien eu derrière le rideau noir, cela me fait de la peine, je vous aime trop pour vous laisser un pareil doute ! Croye- moi, croyez en votre conscience et votre cœur, la vie est immortelle, nous existerons toujours et j’espère bien vous retrouver un jour dans un monde meilleur… Je vais lire Montaigne, que vous me prescrivez ».

Elle ne lut pas Montaigne ; elle garda ses convictions. Sans entamer de controverse avec un homme dont elle jugeait l’intelligence trop supérieure à la sienne, elle ne manqua pas de relire avec chaleur toutes ses raisons sentimentales « d’attendre désespérément » une autre vie. Aussi bien c’était son idée fixe : certaine du fait, elle ignore comment il se réalisera, et cet avenir ténébreux l’épouvante.

D’ailleurs elle ne peut admettre l’éternité des peines de l’enfer, pas plus qu’elle n’approuve la peine de mort dans la société civile. Elle se proclame hardiment hérétique, sur ce point, présentant comme une conclusion de sa raison ce qui est surtout un penchant de son bon cœur.

(À suivre ).

Daniel Brizemur.

Revue Hebdomadaire, 18 octobre 1919.