Poèmes sur Flaubert et Maupassant

Les Amis de Flaubert – Année 1961 – Bulletin n° 19 – Page 60

 

Gustave Flaubert

 

Qu’il peigne Bovary, le prudhommesque Homais,

Le calvaire d’Emma, l’âme sentimentale,

Qu’en de sombres tableaux le réaliste étale

L’illusoire désir des cœurs mal satisfaits ;

Ou, soit que d’un coup d’aile il s’élève aux sommets

De l’art, et que Carthage, énorme capitale,

La fille d’Hamilcar si perverse et fatale,

À nos yeux éblouis rayonnent désormais ;

Soit qu’il évoque enfin Jean, victime d’Hérode ;

Saint Antoine du désert où le Tentateur rôde ;

Ces deux simples d’esprit : Bouvard et Pécuchet.

Partout coule la phrase impeccable, superbe,

Qui vibre et chante ainsi que sous un coup d’archet :

La phrase du puissant Flaubert, dompteur du Verbe !

 

 

Antonin Lavergne

Professeur d’École Normale.

 

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Guy de Maupassant

Celui-ci fut un fort : il a pour piédestal

L’œuvre amère où revit toute l’âme normande

Où de nos appétits hurle la folle bande ;

Où le cœur humain saigne ainsi que sur l’étal.

À fouiller nos douleurs de son scalpel brutal,

Il eut soif d’idéal et, clamant sa demande,

Il ébranla du poing la porte : toute grande

Elle s’ouvrit devant le Mystère fatal.

Alors, sombre duel, le Rêve eut sa revanche,

Prit l’homme tout entier, et, sur la page blanche,

Jaillit d’un cauchemar le Horla triomphant !

Pauvre cerveau hanté d’âpre mélancolie,

Le robuste écrivain fut tel qu’un faible enfant

Et le colosse chut au vent de la Folie.

 

Antonin Lavergne.

Professeur d’École Normale.

Anthologie des Instituteurs poètes,

par MM. Besson et Abadie, Paris.

Bibliothèque de l’Association. 1897, pages 168 et 169.