Les Comices Agricoles de Ry de 1961

Les Amis de Flaubert – Année 1961 – Bulletin n° 19 – Page 83

 

Les Comices Agricoles de Ry de 1961

évoquent ceux de Madame Bovary

Le dimanche 18 juin 1961, se sont tenus à Ry, les Comices Agricoles. Les organisateurs en ont profité pour évoquer — notamment par les costumes d’une centaine de figurants — d’autres Comices Agricoles plus lointains et que Gustave Flaubert a dépeints dans Madame Bovary.

Sous la signature de Jehan le Pôvremoyne, le Paris-Normandie du mardi 20 juin 1961 a donné, comme suit, le compte rendu de cette manifestation qui ne manqua pas d’éclat :

Il s’agissait, bien sûr, d’un concours centenaire et, pour faire plaisir aux organisateurs, à la municipalité de Ry, au Comité des fêtes, au bureau du Comice et à son président, M. Michel Cabot, agriculteurs, éleveurs et exposants de matériel agricole avaient décidé d’en faire un concours exceptionnel. Il y ont réussi. Ce Comice 1961 égalait un concours départemental.

La présentation des bovins — plus de 150 et d’une homogénéité presque parfaite — était sensationnelle. Ajoutez-y les chevaux, les porcs, les moutons, l’aviculture, voire les chiens. Imaginez cette prairie, en pente douce, dominant le vallon et le bourg, transformée en un parc extraordinaire dont le centre était occupé par une très remarquable présentation de machines modernes et couronnée, en lisière du bois, par une reconstitution de la Grand’Rue de Ry en 1851.

Le grand moment de cette manifestation fut-il celui de la visite de M. le Préfet, entouré d’un nombre imposant de personnalités, députés, sénateurs, anciens ministres, conseillers généraux, maires, présidents des grands organismes agricoles, etc…, formant un cortège impressionnant qu’avaient accueilli à l’entrée du Comice le président Cabot et M. le maire Asselin ?

Fut-il, au contraire, celui de la signature du Livre d’Or dans la mairie pavoisée de Ry ou bien — c’était inattendu et ce fut un coup de maître réalisé là par M. Burgaud, président du Comité des fêtes et M. Defresne, adjoint — la réception des autorités par les personnages d’autrefois, adorablement « interprétés » par les enfants costumés ? Ils nous régalèrent de deux discours prononcés (seul anachronisme, mais il faut vivre avec son temps) devant le micro, sur le podium faisant face à cette grand’rue longue d’une portée de fusil où l’on croit marcher sur les pas d’Emma Bovary, de Rodolphe, de Charles…, de M. Homais, de M. Lheureux, de Léon et de l’abbé Bournisien !…

La fanfare (qui n’était point celle de Buchy…), bannière de velours grenat au vent, tambours battant et tous cuivres étincelants, prit la tête du cortège officiel.

Il y eut, dans la salle des fêtes, un banquet qui se voulut, lui aussi, digne de ses devanciers. Il le fut. On y retrouva même les « six fricassées de poulet » du mariage d’Emma et de Charles et les « agneaux » du père Rouault. Il ne fut ni long, ni bruyant, ni mal servi. Tout au contraire, remarquablement servi, aimablement joyeux et trop court, puisque M. le Préfet, devant présider une autre « solennité » à Aumale pour 15 heures, il fallut commencer les discours avant le gigot.

M. Asselin, dont Flaubert eût aimé l’élégance du style, dit lui aussi l’honneur et la joie qu’il ressentait à voir son joli pays si magnifiquement honoré, tant de personnalités et tant d’amis réunis pour cette journée avec — et pour la première fois dans l’histoire de Ry — M. le Préfet. Il tint à remercier notamment son collègue et voisin, M. Henri Savalle, maire de Darnétal, ancien député, qui avait accepté, à cause du Centenaire, qu’exceptionnellement le Comice de l’arrondissement de Rouen ne se tînt pas au chef-lieu de canton…

Dehors, la foule montait vers le comice. Elle allait y assister à la « représentation » de pages éblouissantes de Madame Bovary, mimées par les enfants en costume, sur les textes mêmes de Gustave Flaubert, enregistrés sur bande magnétique et diffusés par haut-parleur. Tous les personnages du grand roman animaient la rue fidèlement restituée et même au trot de ses chevaux, l’Hirondelle qui dévalait la côte !

« Ils étaient, en effet, arrivés ces fameux Comices » et le Fanal de Rouen  vendu dans la foule eût pu imprimer, non pas la phrase de M. Homais : Constatons qu’aucun événement fâcheux n’est venu troubler cette réunion de famille, mais plutôt « ce fut une journée comme on n’en devrait jamais connaître d’autres puisqu’elle était une journée de fête ».

 

Jehan Le Povremoyne.