Le Pavillon de Croisset au temps de Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1964 – Bulletin n° 25 – Page 44

 

Le Pavillon de Croisset au temps de Flaubert

Le Pavillon de Croisset — celui qui est reproduit sur notre couverture — ce qui demeure debout du domaine acheté par le père du romancier, a toujours intéressé les flaubertistes. René Descharmes en avait parlé longuement dans un numéro du Figaro de juin 1911. La nièce de Flaubert écrivit au journal pour rectifier quelques erreurs. Sa lettre fut reproduite dans le Journal de Rouen du 3 juillet 1911. On continue aujourd’hui encore à considérer que du vivant de Flaubert, on y entreposait des outils de jardinage. Aussi, est-il de notre devoir de la publier dans notre bulletin pour essayer de rectifier l’opinion des visiteurs du pavillon.

Monsieur le Directeur,

Je lis ce matin dans le supplément littéraire du Figaro, un article signé René Descharmes, fort intéressant bien qu’il contienne quelques erreurs.

Il est étrange que toutes les personnes qui ont écrit sur le Pavillon de Croisset ne lui aient jamais donné sa véritable attribution. M. René Descharmes a raison de renverser la légende qui voudrait faire de cette pièce, le cabinet de travail de Gustave Flaubert, mais il se trompe en disant que du temps de ma grand-mère, elle servait de débarras.

« Le petit salon », tel était le nom que nous lui donnions, a toujours été un lieu de réunion. Il était situé au bout de la longue terrasse de tilleuls qui n’escaladent pas la colline, mais qui lui est adossée ; on y menait dans la journée les visiteurs, et le soir, par les temps de lune, mon oncle assis sur le balcon, aimait à y contempler les eaux tranquilles de la Seine.

« Le petit salon » était meublé d’un mobilier d’Empire acajou et drap rouge ; ses quatre fenêtres avaient des rideaux de calicot blanc bordés de rouge : deux bibliothèques remplies de livres avaient été faites pour s’adapter aux deux côtés de la porte d’entrée et un large bureau se dressait au milieu de la pièce. Sur ce bureau, mon oncle n’a jamais écrit, mais il n’en est pas de même de son ami Louis Bouilhet, qui, à plusieurs reprises pendant son séjour à Croisset, se retirait dans le petit salon pour travailler.

Ni Guy de Maupassant, ni Louis le Poittevin n’ont joué dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Pavillon Flaubert.

Contemporaine de ces deux hommes et n’ayant jamais quitté Croisset, je me souviendrais des jeux auxquels j’eusse participé, comme je me souviens des vacances passées à Fécamp, chez leur grand-mère et dont j’ai longuement parlé dans mes « souvenirs intimes ».

Émile Colange a été longtemps au service de mon oncle, non, comme chef proprement dit, mais comme valet de chambre faisant la cuisine et il s’en est acquitté remarquablement bien.

À l’heure actuelle, on aime tellement les détails que vous ne trouverez pas puéril de ma part de vous donner ceux-là, qui au moins ont le mérite de l’exactitude et j’espère, Monsieur le Directeur, que vous, vous voudrez bien les faire connaître à vos lecteurs.

Recevez l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

Caroline Franklin-Grout.