Nouvelle datation de lettres de Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1965 – Bulletin n° 27 – Page 32

 

Nouvelle datation de lettres de Flaubert

(Suite)

N° 931  À LA PRINCESSE MATHILDE.
(Placée dans le courant de septembre 1867). Croisset, jeudi.

Erreur de neuf mois.

« Je ne bougerai pas (de ma solitude) de tout cet été, sauf pour aller à Saint-Gratien, bien entendu », chez la Princesse. S’exprime-t-on ainsi au milieu de septembre quand l’été s’achève ?

« J’ai été très content du discours de Sainte-Beuve ». S’exprime-t-on ainsi trois mois ou quatre mois après que le discours a été prononcé ? Trois mois s’il s’agit de celui que Sainte-Beuve lut au Sénat le 25 juin 1867, sur les Bibliothèques populaires. Quatre mois s’il s’agit de ceux qu’il prononça successivement les 7 et 19 mai 1868 sur la loi sur la presse et sur la liberté de l’enseignement.

Si cette lettre n° 931 est de 1867, il faudra la dater du « jeudi » 27 juin au plus tôt, en se référant au discours de Sainte-Beuve. Mais il quitta peu après sa « solitude », à cause des peintres qui l’avaient envahie, et se réfugia à Rouen où il demeura plusieurs semaines. Ensuite, presque tout le mois d’août et une partie de septembre à Paris, à Saint-Gratien et en Champagne.

Il semble que la juste année soit 1868. Il était revenu de Paris à Croisset le 21 mai. Le dernier discours de Sainte-Beuve est du 19. Et le « jeudi » de notre lettre serait le 28 mai, ce qui rend compte de la phrase : « Je ne bougerai de tout l’été ». Le « sauf pour aller, etc. » se vérifie par une absence du 12 juillet au 10 août.

Nous maintenons cependant un point d’interrogation.

Croisset, jeudi (28 mai 1868 ?)

 

N° 936  À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, jeudi (1867).

Flaubert remercie la Princesse de lui avoir donné des nouvelles de Sainte-Beuve, dont il était inquiet (v. le n° 939).

De plus, il lui annonce qu’il ira à Paris « dans une huitaine de jours ». Même annonce de ce voyage est faite à George Sand le vendredi 1er novembre 1867 (v. n° 938), mais avec précision de dates : « du 7 au 10 novembre ». Il alla effectivement à Paris du 7 au 11, ayant « besoin de flâner dans Auteuil pour y découvrir des petits coins » en vue de son roman l’Éducation sentimentale.

Le n° 936 peut donc et doit se dater :

Croisset, jeudi (31 octobre 1867).

 

N° 937  À LA PRINCESSE MATHILDE.
Jeudi (1867).

« Mon indisposition persistante m’a fait revenir de Champagne à Paris et de Paris à Croisset plus tôt que je ne l’avais projeté ». Flaubert était revenu de Champagne à Paris le mercredi 4 septembre, et de Paris à Croisset le samedi 7 septembre ; et il avait déjà été question, dans le n° 929 (qui est du samedi 7, jour de son départ de Paris) de cette « indisposition grotesque ».

D’autre part, d’après ce n° 937, la Princesse vient de lui écrire une lettre charmante le « 26 », à laquelle il répond ce jeudi-ci, qui ne peut être que le 3 octobre.

(Croisset) jeudi (3 octobre 1867).

 

N° 939  À LA PRINCESSE MATHILDE.
(Placée dans une série de novembre 1867, sous la seule mention :

(1867).

Erreur de deux mois.

Dans la lettre n° 867, que nous avons pu dater du 22 septembre 1867 (v. Bulletin du Bibliophile, juillet 1947), Flaubert dit à Amélie Bosquet : « J’attends la semaine prochaine des parents de Champagne, et vers le milieu d’octobre George Sand ».

Nous lisons mêmement dans celle-ci, à la Princesse : « J’ai actuellement la compagnie de trois cousines et d’un cousin de Champagne… Dans quelques jours peut-être j’aurai celle de George Sand ».

Le n° 939 est donc de très peu postérieur au n° 867, et ne peut descendre plus bas que le 26 ou 27 septembre ; car la Princesse lui écrivit le 26 une lettre charmante, à laquelle il répondit quelques jours plus tard (v. n° 937).

(Croisset, 26 ou 27 septembre 1867).

 

N° 943  À AMÉLIE BOSQUET.
(Croisset) samedi soir (novembre 1867).

Flaubert a reçu le Roman des ouvrières d’Amélie Bosquet. Il lui dit : « En quoi, dans le domaine de l’art, MM. les ouvriers sont-ils plus intéressants que les autres hommes ? Je vois maintenant, chez tous les romanciers, une tendance à représenter la caste comme quelque chose d’essentiel. Exemple : Manette Salomon ».

Cette lettre est donc postérieure de quelques jours à la lettre suivante, n° 944, où il écrit aux Goncourt son impression de Manette Salomon, qu’il a lue le jour même où il l’a reçue.

(Croisset) samedi soir (8 novembre 1867).

 

N° 944  À EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
(Croisset) nuit de mercredi, 2 heures (novembre 1867).

« J’ai reçu les deux volumes ce matin, à 11 heures, et je viens de le finir ». Il s’agit de Manette Salomon, parue ou tout au moins mise en vente le 7 novembre.

On peut donc préciser :

(Croisset) nuit de mercredi, 2 heures (5 novembre 1867).

 

N° 955. À ERNEST FEYDEAU.
Croisset, samedi soir (fin janvier – début de février 1868).

Flaubert, arrivé à Paris le 29 janvier 1868, vient de terminer la seconde partie de l’Éducation sentimentale (v. n° 954). Or. dans cette lettre-ci, à Feydeau, il n’annonce pas encore son départ pour Paris, et dit en avoir encore pour un mois avant d’avoir terminé cette seconde partie. On pourrait donc dater, au plus tard.

Croisset, samedi soir (4 janvier 1868).

 

N° 959  À LA PRINCESSE MATHILDE.
Mars (1868).

Erreur d’un an.

Il est question, dans ce court billet, de la vente d’une ferme. Il s’agit de la Cour Maraille, au village de Courtavant, propriété champenoise des Flaubert. Cette vente eut lieu le 17 mars 1867, si elle eut lieu ; car des lettres ultérieures reparleront de Courtavant et de ventes.

(Paris, début de) mars (1867).

 

N° 964  À LA PRINCESSE MATHILDE.
(Placée dans une série parisienne de mars 1868).

Nuit de samedi (mars 1868).

Erreur d’un an.

Cette lettre, manifestement écrite à Croisset, ne peut pas être de 1868 : en février, mars, avril de cette année, Flaubert séjourna continûment à Paris. La phrase : « Moi, j’attends Pâques avec impatience ; car, à ce moment-là, je vous verrai » semble bien rattacher cette lettre à l’année 1869. Flaubert vint en effet à Paris à Pâques. Vide supra le n° 836, et dans mon édition des Lettres de Flaubert à Tourgueneff, n° 9, du mercredi 17 mars, et n° 10, du jeudi 25 mars. On peut donc dater avec vraisemblance :

(Croisset) nuit de samedi (6 ou 13 mars 1869).

 

N° 970  À GEORGE SAND.
Samedi soir (juin 1868).

Juin se justifie : « Je serai seul une bonne partie de l’été et me propose de piocher vigoureusement ». La lettre est d’ailleurs presque entièrement consacrée à Cadio, le roman de George Sand qui venait de paraître, le 25 avril.

D’autre part : « Ma mère va, dans quelques jours, s’en aller à Dieppe, chez sa petite-fille ». Elle y est allée le 2 juillet, si la lettre n° 973, annonçant son départ, est bien datée : 30 juin. Celle-ci ne peut donc être que du samedi 27.

(Croisset) samedi soir (27 juin 1868).

 

N° 975  À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, dimanche (juillet 1868).

« Je compte… user de votre hospitalité dans la dernière semaine de ce mois. J’espère néanmoins vous voir d’ici là. Dans une huitaine de jours, j’irai vous faire une petite visite ». Il alla en effet à Paris vers le 12 juillet, et cette lettre est indubitablement du dimanche 5.

Ajoutons le calendrier de ses déplacements à partir du 12. Après sa « petite visite » à la Princesse, il alla à Fontainebleau. Dès le 15, il était revenu à Paris, où il demeura plus d’une dizaine. Puis Saint-Gatien la fin de juillet et jusqu’au 5 août. Le 6, Paris. Le 7, second voyage à Fontainebleau. Le 8 et le 9 août, Paris. Le 10, Dieppe, chez sa nièce.

Croisset, dimanche (5 juillet 1868).

 

N° 1011 À GEORGE SAND.
(Croisset) jeudi soir (7 janvier 1869).

Dans la lettre suivante n° 1012, qui est du 7 janvier, Flaubert dit avoir été la veille à Rouen, pour le mariage de Mlle Leroy, fille du préfet. Dans celle-ci, y avoir été la semaine dernière, pour ce mariage. Il convient donc de la postposer au jeudi 14.

À noter que George Sand y répondit le 17, sans retard, vu la rupture de Sainte-Beuve et de la Princesse Mathilde, dont il est question ici.

(Croisset) jeudi soir (14 janvier 1869).

 

N° 1018  À LA PRINCESSE MATHILDE.
Mardi soir (1869).

Nous avions daté cette lettre de mars 1869 (v. Bulletin du Bibliophile, août-septembre 1947). Mais elle semble avoir été écrite l’avant-veille du n° 836 (vide supra). Elle serait donc de février, vraisemblablement du mardi 16 ou 23. Cette date rend d’ailleurs meilleur compte de la phrase : « Dans six semaines, je commencerai le dernier chapitre » de l’Éducation sentimentale.

(Croisset) mardi soir (16 ou 23 février 1869).

 

N° 1028  À SA NIÈCE CAROLINE.
(Croisset, entre le 20 et le 30 juin 1869).

« Monseigneur (Louis Bouilhet) a dû revenir aujourd’hui de Paris, où il a été lire à Chilly (directeur de l’Odéon) son Aïssé ». Cette lecture eut lieu le 12 juin. Le 30 juin, on expédiait, à Vichy, Bouilhet presque moribond. Réduire l’approximation de date :

(Croisset, entre le 22 et le 25 juin 1869).

 

N° 1033  À LA PRINCESSE MATHILDE.
(Placée dans la série de juillet 1869).

Dimanche matin (1869).

Erreur d’un an.

« Puis-je venir à Saint-Gratien jeudi matin ? » Et Flaubert ajoute qu’il n’est revenu au boulevard du Temple que depuis quatre jours. Or, s’il est bien revenu à Paris, le samedi 17 juillet 1869, il en est reparti précipitamment deux jours après, à l’annonce de la mort de Bouilhet.

Le même billet dit qu’il va, deux fois par jour, voir un ami malade, et une note désigna Bouilhet. Or, Bouilhet n’était pas alors à Paris : il se mourait à. Rouen.

Il semble qu’on puisse refouler ce billet en 1868. Le dimanche 5 juillet 1868 (v. le n° 975), il annonce, de Croisset, à la Princesse qu’il viendra à Paris dans une huitaine. Il ajoutait : « J’ai peur de retrouver encore les maçons… (boulevard du Temple). Mais la perspective de Saint-Gratien me calmera ». Et dans le billet que voici : « … J’y suis revenu depuis quatre jours. Les ouvriers aussi y sont revenus ! Ce ne sont plus les maçons, mais les serruriers ! » L’ami malade était Jules Duplan.

Nous proposons donc :

(Paris) dimanche matin (19 juillet 1868).

 

N° 1039  À SAINTEBEUVE.
Vendredi matin (23 juillet 1869).

Date exacte. Mais ce n° 1039 du « matin » doit être placé avant le n° 1038, lequel a été écrit « le soir » du même jour.

 

N° 1042  À ERNEST FEYDEAU.
Juillet 1869.

Sur la mort de Bouilhet, Flaubert a rapporté « aujourd’hui » chez lui tous les papiers du mort. Ce fut le 22, comme l’atteste le n° 1037 adressé à Du Camp.

(Croisset, jeudi 22) juillet 1869.

 

N° 1043  À PHILIPPE LEPARFAIT.
Lundi matin, 9 heures.

Ce n° est postérieur au n° 1049. Dans le n° 1049, Flaubert avait dit à Philippe : « Rédige-moi la lettre que je dois t’envoyer… Envoie-la moi tout de suite, je la copierai et tu la recevras lundi soir ». Il s’agit d’une lettre à montrer aux sœurs de Bouilhet, « les rosses de Cany ».

Dans ce n° 1043, il envoie la dite lettre recopiée, sans doute retouchée, et dont la « troisième page » est cruelle.

D’autre part, comme il ne pourra « aller à Dieppe avant trois semaines », et qu’il dit dans le même temps à sa nièce (v. n° 1044) : « dans les premiers jours de septembre », on peut dater le n° 1043 :

(Paris) lundi matin, 9 heures (9 août 1869).

 

N° 1049  À PHILIPPE LEPARFAIT.
(sans date).

C’est dans cette lettre-ci que Flaubert avait demandé à Philippe un texte à recopier, pour être montré « aux rosses de Cany ». Il dut le recevoir le dimanche, puisqu’il la renvoya recopié de sa main dès « le lundi matin, 9 h. ». À cause de l’urgence, on peut croire que cet appel du n° 1049 avait été adressé à Philippe le jeudi.

Il y a d’ailleurs une mention identique dans les n° 1049 et 1043 : la féerie du Château des cœurs revient sur l’eau.

(Paris, jeudi 5 août 1869).

 

N° 1051  À GEORGE SAND.
Paris (deuxième quinzaine d’août 1869).

Cette lettre répond à une lettre de George Sand du 14 août. Comme il écrit : « …tout ce que j’ai ressenti depuis un mois », c’est-à-dire depuis la mort de Bouilhet, on peut donner l’approximation.

Paris (environ le 18 août 1869).

 

N° 1052  À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, lundi matin (août 1869).

Erreur de deux ans. Cette lettre, et le n° 1056 qui en est la suite, ne contiennent rien sur les affaires d’août 1869 : succession littéraire de Bouilhet et Aïssé, déménagement du boulevard du Temple à la rue Murillo, correction d’épreuves de l’Éducation sentimentale. Mais la mère de Flaubert a fait un petit séjour excellent à Paris près de son fils, et ce ne fut pas en août 1869. Ce fut en août 1867 : ils étaient arrivés à Paris le 6.

Flaubert dit qu’il s’en ira « demain passer une douzaine de jours à Londres », (mais il n’y alla pas), puis quelques autres jours à Nogent-sur-Seine, et qu’il rentrera à Croisset le 1er ou le 2 septembre. Ce fut en vérité le 7). Ce seul lundi où l’on puisse annoncer un tel programme est le 12. Le 19 serait trop tardif.

Paris, lundi matin (12 août 1867).

 

N° 1056  À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, lundi soir (fin août 1869).

N. B. — Je signale ici un lapsus que j’ai commis en datant le n° 1055, dans le Bulletin du Bibliophile (année 1947). Il faut lire « jeudi 19 août 1869 », et non jeudi 20 août.

Paris, lundi soir (26 août 1867).
(A suivre).