Nouvelle datation de lettres de Flaubert. VI

Les Amis de Flaubert – Année 1967 – Bulletin n° 31 – Page 34

 

Nouvelle datation de lettres de Flaubert

 

(Suite)

No 1493 – À GEORGES CHARPENTIER.

Paris, jeudi matin [septembre 1874].

Erreur de deux mois.

D’après les lettres nos 1515, 1518, 1522, du 23 novembre au 26 décembre 1874 que nous croyons bien datées, on peut suivre l’histoire d’un article que Renan va faire, fait, et a fait sur la Tentation de Saint-Antoine. Le no 1493, daté de Paris, est évidemment le premier de cette série et doit se dater du 19 novembre. Flaubert, qui avait quitté Paris avant le jeudi 17 septembre, y était revenu le 16 novembre.

Paris, jeudi matin [19 novembre 1874].
 

No 1494 – À GEORGES CHARPENTIER.

[Paris, septembre 1874]

Erreur de quatre mois.

Flaubert va regagner sa « maison des champs » et il demande que l’on mette Salammbô à l’impression le plus vite possible. (3o éd. originale, parue chez Charpentier en 1874). Or, dans la lettre no 1492, qui est du 13 septembre, il annonce : « Je viens de finir, aujourd’hui même, de corriger la dernière épreuve de Salammbô ». Ce no 1494, où il ne s’agit encore que de mettre à l’impression, doit être refoulé beaucoup plus haut, avant le retour de Flaubert à Croisset, du 15 mai précédent.

Flaubert dit d’ailleurs dans ce billet, outre qu’il ira chez Charpentier à la fin de la semaine : « Je m’absente de Paris pour deux ou trois jours » ; et il est dit dans une lettre de « Croisset, 20 mai » au même Charpentier : « Je suis éreinté par deux jours de carriole et de chemin de fer…, dès que je serai remis, je commencerai l’analyse de Frœhner pour votre Salammbô ».

Si l’on tient compte du calendrier contenu dans le billet parisien 1494, et qui absorbe une dizaine de jours, on le datera approximativement d’un début de semaine :

[Paris, lundi ou mardi, 4 ou 5 mai 1874].
 

No 1544 – À SA NIECE CAROLINE.

[Croisset], vendredi 5 heures [23 juillet 1875].

Caroline vient passer (v. no 1546) un mois à Croisset, jusqu’au milieu d’août. « Est-ce demain que tu reviens ?… Demain matin, j’espère avoir une lettre m’annonçant ton arrivée, tout au moins pour dimanche ». Et le samedi 17 (v. le no 1543, qui est daté), il reçoit la lettre désirée, à quoi il répond aussitôt : « Je t’attends demain soir bien impatiemment ».

Il convient donc de refouler le no 1544 au vendredi précédent.

[Croisset], vendredi 5 heures [16 juillet 1875].
 

No 1546 – À LA PRINCESSE MATHILDE.

Mardi [juillet 1875].

La nièce Caroline est arrivée à Croisset le dimanche 18 juillet (v. no 1543) et elle y restera « un mois », jusqu’à la mi-août. Indications qui permettent de dater cette lettre-ci :

[Croisset], mardi [20 juillet 1875].
 

No 1560 – À MADAME ROGER DES GENETTES.

Concarneau, [octobre 1875].

« Dans mes moments de désœuvrement…, je lis quelques passages d’un Saint-Simon qu’on m’a prêté, et pour la millième fois les contes de ce polisson de Voltaire, et puis régulièrement le Siècle, le Temps, le Phare de la Loire ; car ici… on est très radical et libre penseur… La pluie tombe à vrac et je reste au coin de mon feu… »

Les mêmes phrases, les mêmes expressions figurent dans la lettre 1559 du jeudi 21 octobre, adressée à sa nièce. Le no 1560 peut donc se dater du même jour.

Concarneau, [jeudi 21 octobre 1875].
 

No 1562 – À GUY DE MAUPASSANT.

Jeudi soir [novembre 1875].

Flaubert a quitté Concarneau le lundi 1er novembre avec G. Pouchet et est arrivé à Paris à 11 h. du soir. Il semble donc que ce billet, écrit de Paris, doive se dater du 4.

[Paris], jeudi soir [4 novembre 1875].
 

No 1571 – À MADAME ROGER DES GENETTES.

[Croisset, du 13 au 18 mars 1876].

Date approximative juste, (mort de Louise Colet). Mais « Croisset » est une erreur. Flaubert se trouvait alors à Paris.

[Paris, du 13 au 18 mars 1876].
 

Supplément no 845 – À GEORGE SAND.

Samedi soir [15 avril 1876].

Répétition de la lettre du 6 avril à Edmond Laporte (Supplément no 844). « Malgré mon zona, je me décide à partir après demain pour Pont-l’Evêque et Honfleur ». A la quête de souvenirs pour la composition d’Un cœur simple. Il partit de Paris le 11. Donc, refouler cette lettre d’une semaine.

[Paris], samedi soir [8 avril 1876].
 

Supplément no 850 – À ERNEST RENAN.

Samedi [mai 1876].

Lettre en connexion étroite avec les nos 1579 et 1580 de l’édition Conard, toutes deux datées du samedi 3 juin, l’une adressée à Mme Maurice Sand, bru de George Sand, l’autre à la princesse Mathilde ; un télégramme de Nohant, puis une lettre le rassuraient un peu sur l’état de la romancière. Et il écrit aussitôt à Renan qu’il ira avec lui à Saint-Gratien le lundi 5. (George Sand devait mourir le 8).

[Paris], samedi [3 juin 1876].
 

Supplément no 853 – À MADAME BRAINNE.

[Croisset], lundi matin 17 juin [1876].

Flaubert est rentré à Croisset le lundi 12 juin, après neuf mois d’absence. Madame Brainne était venue, le dimanche 11, à Paris, lui dire adieu. Il faut donc lire ici 19 juin. Le 17 est un lapsus de Flaubert, ou une mauvaise lecture de ses chiffres.

[Croisset], lundi matin 19 juin [1876].
 

No 1591 – À PENNETIER.

[Croisset, juillet 1876].

Flaubert alla, en effet, le samedi 15 juillet, voir le docteur Pennetier à Rouen, comme l’indiquent un passage de la lettre suivante à sa nièce Caroline et un autre du 22 juillet à la même. On peut donc dater approximativement celle-ci :

[Croisset, vers le 10 juillet 1876].
 

Supplément no 879 – À EDMOND LAPORTE.

[Paris], lundi soir [4 septembre 1876].

Nous croyons qu’il faut reculer la date au lundi 11 septembre. Il est arrivé à Paris le samedi 2 au soir. Il ne peut dire, dès le lundi 4, qu’il est « exténué par (ses) séances à la Bibliothèque nationale », puisqu’il les a commencées ce lundi-là.

[Paris], lundi soir [11 septembre 1876].
 

Supplément no 883 – À JUDITH GAUTIER.

[Paris, septembre 1876].

Il demande à Judith l’adresse de l’orientaliste Ganneau, et il fait sa visite à Ganneau le 7 septembre (v. no 1606 de l’édition Conard). Le billet à Judith doit donc être du 4 ou du 5.

[Paris, 4 ou 5 septembre 1876].
 

No 1607 – À GUY DE MAUPASSANT.

[Septembre 1876] mercredi soir.

Flaubert a demandé à Raoul Duval, le 10 septembre (v. supplément no 882) d’admettre le jeune Maupassant dans son journal la Nation. « Raoul Duval m’a répondu ce matin. Je crois qu’il y aura moyen de vous introduire dans sa feuille ». On peut donc préciser le quantième du jour :

[Paris], mercredi soir [13 septembre 1876].
 

No 1615 – À GUY DE MAUPASSANT.

Croisset, mardi [octobre 1876].

« Maintenant que la session (parlementaire) est ouverte, R. Duval doit être à Paris. Attendez néanmoins jusqu’à vendredi, car il passe peut-être les deux jours de la Toussaint au Vaudreuil ». En 1876, les deux jours de la Toussaint étaient un mercredi et un jeudi. Le « mardi » de cette lettre-ci ne peut être que le 31 octobre, puisque la lettre antérieure adressée à Maupassant est du mercredi 25 octobre. Vaudreuil était le château de Raoul Duval, près de Rouen.

Le Supplément a publié, no 896, une lettre à Raoul Duval, où Flaubert lui présente Maupassant : lettre datée du 1er novembre et devant être jointe à celle du 31 octobre, pour être présentée par Maupassant au député lorsqu’il se présenterait chez lui.

Croisset, mardi [31 octobre 1876].
 

Supplément no 922 – À MAXIME DU CAMP.

[Paris], samedi 4 heures du soir [3 mars 1877].

« Ouf ! j’ai fini mon triste travail ! Toute notre jeunesse vient de défiler devant moi, je suis brisé ». Ce triste travail, c’est la destruction des lettres que Du Camp et lui s’étaient écrites de 1840 à 1857, plus loin peut-être ; et c’est la publication des Lettres de Mérimée à une inconnue qui leur avait inspiré de commettre leur autodafé.

Auriant, qui a procuré ce billet en inédit, l’a placé en 1869 ; et les Lettres de Mérimée ne parurent que le 29 novembre 1873. Nous-même (v. Bull, du Bibliophile 1949) l’avons classé : fin mai-début de juin 1874, ne maniant d’ailleurs, pour fixer ce moment, qu’un peu de logique et le calendrier. Nous nous trompions. L’émotion qui avait poussé Du Camp et Flaubert, après la publication des Lettres à une inconnue, n’agit que trois ans plus tard, en 1877. Deux lettres de Flaubert attestent ce moment différé, toutes deux du 3 mars 1877, l’une à Mme Brainne, l’autre à Mme Roger des Genettes (Supplément nos 926 et 927). Mais le même 3 mars imputé ici au billet de Gustave à Maxime est erroné de huit jours.

Flaubert à Mme Brainne : « …La semaine dernière… a été tout entière remplie par une triste besogne. Moi et Du Camp, nous avons brûlé nos anciennes lettres… L’exemple de ce qui est arrivé à Mérimée nous ayant induits à cette mesure prudente » (3 mars 1877).

Flaubert à Mme Roger des Genettes : « La semaine dernière a été prise par une occupation sinistre… Moi et Du Camp…, nous avons brûlé toutes nos lettres pour qu’elles ne soient pas livrées à l’odieux On. L’exemple de Mérimée est instructif ». (3 mars 1877).

La semaine dernière, c’est donc le 24 février, pour le billet à Du Camp.

Preuve complémentaire : Hamard, père de la fameuse nièce Caroline, et beau-frère de Flaubert, était mort le 28 février. Flaubert l’annonce le 3 mars à Edmond Laporte, à Mme Brainne, qui n’ont pas connu Hamard. Il l’eût annoncé à Du Camp, lui-même ancien compagnon de Hamard, et le billet en question eût été aussi du 3 mars. Donc :

[Paris], samedi 4 heures [24 février 1877].
 

Supplément no 924 – À MADAME ROGER DES GENETTES.

[Paris], vendredi [mars 1877].

Cette courte lettre fait une suite évidente et comme un post-scriptum à la lettre du 3 mars (Supplément no 927). « Vous ai-je dit que l’autre soir avec Maxime Du Camp nous avons relu et brûlé toutes nos lettres de jeunesse… ». On peut donc préciser :

[Paris], vendredi [9 mars 1877].
 

No 1678 – À SA NIÈCE CAROLINE.

[Croisset, début de juin 1877].

Il est rentré à Croisset le jeudi 31 mai. Les deux premiers jours, 1er et 2 juin, il les a consacrés à des travaux d’architecture pour Mme Pelauze. « Hier », il s’est remis à Bouvard et Pécuchet. Et aujourd’hui il écrit à sa nièce. On peut donc préciser :

[Croisset, lundi 4 juin 1877].
 

Supplément no 960 – À EMILE ZOLA.

[Croisset], nuit du 15 juillet [1877].

Erreur, disons plutôt lapsus.

L’Assommoir de Zola parut en feuilleton dans le Bien public en juin 1876 partiellement, et s’acheva dans la République des Lettres. Flaubert n’a pu attendre treize mois pour informer Zola, comme il le fait dans ce billet, qu’il ne l’a pas lu dans ces périodiques, (se réservant pour le volume). Le volume parut le 15 janvier 1877, et Flaubert en a beaucoup écrit, dans ses lettres de janvier, février, mars de cette année. Rectifions le millésime :

[Croisset], nuit du 15 juillet [1876].
 

No 1712 – À EMILE ZOLA.

Croisset, mardi [octobre 1877].

Lettre écrite le même jour que le n » 1711 à Goncourt.

Croisset, mardi [9 octobre 1877].
 

No 1713 – À LA PRINCESSE MATHILDE.

Lundi [octobre 1877].

Flaubert n’a pas encore eu de réponse à sa lettre du vendredi 5 octobre (no 1706). Il commente, sous le coup de la première surprise, les élections qui viennent d’avoir lieu, le dimanche 14 octobre. Il semble que cette lettre-ci soit du lendemain même.

[Croisset], lundi [15 octobre 1877],
 

No 1819 – À LA PRINCESSE MATHILDE.

Vendredi [mars 1879].

« Popelin viendra me voir la semaine prochaine ». Il vint en effet à Croisset le mardi 11 mars et y passa la nuit (v. no 1821), ce qui permet de dater cette lettre-ci :

[Croisset], vendredi [7 mars 1879].
 

No 1838 – À MADAME ROGER DES GENETTES.

[Croisset, avril 1879].

Flaubert rouvre sa lettre, parce qu’il vient d’en recevoir une de Mme Roger, datée du 5, après la réception de Renan à l’Académie française (3 avril 1879). Vu la distance de Villenauxe, où habitait Mme Roger, on peut dater la réponse :

[Croisset, 7 avril 1879].
 

No 1874 – À MADAME GEORGES CHARPENTIER.

[Août 1879, entre le 20 et le 28].

Flaubert attend les Charpentier à déjeuner. Dans le no 1873, qui est du mercredi 20 août, il leur avait dit : « ce dimanche, lundi ou mardi prochain », c’est-à-dire le 24, le 25 ou le 26, « parce que mercredi je m’absente de Croisset », et ils avaient répondu : le mardi 26. Flaubert n’a donc pu leur envoyer ce mot-ci avant le 22 ni après le 24. Resserrer l’énonciation :

[Croisset, du 22 au 24 août 1879].
 

No 1890 – À GEORGES CHARPENTIER.

Croisset, samedi matin [septembre-octobre 1879].

Cette lettre et la suivante peuvent se dater grâce aux deux qui les encadrent : celle du 23 septembre à Emile Bergerat et celle du 8 octobre à la nièce Caroline. Les mêmes thèmes y courent : mutisme de Bergerat, le Château des cœurs, la Vie moderne, etc. Il semble évident que le no 1890 est du 27 septembre.

Croisset, samedi matin [27 septembre 1879].
 

No 1891 – À GEORGES CHARPENTIER.

Mardi soir [Croisset, septembre-octobre 1879].

Et il semble évident que celle-ci, plus impatiente, soit du 30 septembre.

[Croisset], mardi soir [30 septembre 1879].
 

Gérard-Gailly.