Lettres de Marie-Sophie Le Royer de Chantepie à Michelet

Les Amis de Flaubert – Année 1968 – Bulletin n° 33, page 29

 

Trois lettres de Marie-Sophie Le Royer de Chantepie

à Michelet.

Marie-Sophie Le Royer de Chantepie fut l’une des correspondantes de Flaubert. Née en 1800, à Château-Gontier, elle vécut presque toute sa vie à Angers, où elle mourut en 1889. Vie curieuse et romantique, notre bulletin a republié (no 16 et 17) un article de Daniel Brimezur, paru en octobre 1919, dans la Revue Hebdomadaire.

Elle avait publié quelques ouvrages imprimés à ses frais, lesquels ne connurent pas la célébrité. Or, à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, nous avons retrouvé, dans la correspondance de Michelet, trois lettres d’elle, qui expriment bien le caractère de cette femme intelligente et désœuvrée, se croyant malade, et qui écrivait beaucoup. Michelet lui répondit. Selon son habitude, il souligna une partie de ses lettres.

L’ouvrage, consacré par Michelet à la Femme, paraît aujourd’hui bien démodé et très anachronique. La lecture de ces lettres montre qu’il était cependant dans la vérité de son siècle. Mais comme ce monde bourgeois avait l’air de s’ennuyer, et la femme fragile comme un biscuit de Sèvres. Jouait-elle la comédie, pour se faire plaindre et admirer ? La femme d’aujourd’hui, malgré ses toilettes, s’est fortement virilisée, si bien que l’on a peine à croire que des générations de femmes ont ainsi vécu, au milieu du siècle dernier.

A. D.

Angers, route de Nantes, commune d’Angers.

Angers, ce 12 août 1859.

Monsieur,

Il y a un an, à pareille époque, je lisais L’oiseau, puis L’insecte ; je vous exprimais alors l’admiration, la vive sympathie que m’avaient inspirées ces deux ouvrages. Aujourd’hui, monsieur, je cède au besoin de vous dire combien cette sympathie s’est encore augmentée par la lecture que je fais de votre révolution française ! que c’est beau ! quel admirable livre ! je pleures avec difficulté ! et pourtant j’ai versé bien des larmes au récit de ces événements que je retrouves tels que je les ai souvent entendus raconter à ma mère.

Vos appréciations sont les mêmes. Jamais roman ne m’a si vivement impressionnée ! C’est si vrai, si vivant, on croit vivre avec les personnes que vous faites sortir de la tombe. On les voit, on assiste aux drames dont ils furent les héros, les victimes et souvent, hélas ! les bourreaux !

Je partages dans ce livre vos sentiments et vos pensées. Déjà, vos précédents ouvrages m’avaient inspiré, pour votre beau caractère, une admiration, une estime mêlée d’une confiance, qui me donnes la hardiesse de venir vous demander l’appui moral qui me manques. Je suis une vieille fille de 58 ans, malade depuis que j’existe, plus souffrante encore de l’âme que du corps. J’ai passé vingt ans de ma vie à soigner ma mère que j’aimais plus que je n’aimerai jamais personne en ce monde. Je ne me suis pas mariée, d’abord parce que le mariage tel que nos lois et notre état social l’ont fait me paraît une injustice, ensuite je me serais mariée par amour, et j’ai vu, hélas, que ce sentiment ne peut subsister sans illusions. J’avais besoin d’affection. Je me suis attachée à une famille pauvre dont j’ai élevé les enfants et dont j’élèves encore les petits enfants. Je les aimais tous, mais ils n’ont ni mon cœur et mon âme, ce n’est pas la famille, telle que je l’aurais désirée. Je n’ai que des neveux éloignés de seconds mariages de mes pères et mères, ce sont des collatéraux, qui pensent à mon héritage. N’ayant en ce monde ni affections capables de remplir mon cœur, ni bonheur dans le présent, ni dans l’avenir, tout mon espoir s’est reporté sur la vie future.

Elevée dans le catholicisme par des personnes fanatiques et bornées, j’en ai suivi les pratiques. Déjà, dans mon enfance, les scrupules religieux faillirent me rendre folle. Aujourd’hui, depuis la crise de 52, dans laquelle j’ai beaucoup souffert, surtout pour l‘exil de ceux que j’aimais, depuis cette époque la cruelle maladie des scrupules est revenue avec une force qui me privez de raison. La confession à laquelle je me crois obligée me rend presque folle, alors j’éprouves des hallucinations morales, je crois être coupable de toutes les fautes qui se présentent à mon imagination, et à cet égard les choses les plus odieuses, les plus incroyables me saisissent, ce sont des choses impossibles à dire que je ne connais pas et qui m’épouvantent et me désoles nuit et jour, c’est mon idée fixe. Ah ! monsieur, quelque malheureux qu’on soit, personne ne l’est autant que moi ! J’ai écrit il y a quelques années plusieurs romans. Depuis ma cruelle obsession, je n’ai plus d’inspiration, ni d’idée ! Le médecin a été consulté, il m’a prescrit un voyage. Je ne suis jamais sortie de ma province. J’habites la campagne et ma santé est telle qu’un déplacement est difficile. Je ne connais pas Paris, mais c’était bien loin, j’ai choisi Nantes, et je n’ai pas encore eu le courage d’y aller. Je ne scais quel remède apporter à un mal si étrange, le prêtre auquel je me confesse est bon et très tolérant, mais il ne me dit rien du tout. Je suis donc sans secours aucun, n’osant dire un malheur qui ne serait pas compris, ensuite je crains qu’on me croyes folle. J’ai pensé à vous, cher monsieur, comme à l’intelligence la plus élevée et le meilleur cœur, je vous aimes sans vous connaître, ainsi que votre charmante femme qu’on dit si bonne. J’ignores si ma lettre vous ira. Si cela est, je vous écrirai avec plus de détails. Recevez, cher monsieur, l’expression de toutes mes sympathies.

Votre dévouée

Marie Leroyer de Chantepie.

 

Route de Nantes, commune d’Angers.

(Papiers Michelet : correspondance, tome XI (fo 137-38).

Angers, ce 2 7bre 1859.

Cher monsieur,

C’est à mon tour de vous dire que je suis touchée et profondément reconnaissante du désir que vous voulez bien m’exprimer de m’être utile. Je ne m’attendais pas moins d’un cœur si sensible à toutes les misères humaines ! La mienne est moralement la plus grande de toutes, la plus digne de pitié ! Je crois en effet que mes facultés aimantes et pensantes sont restées jeunes. J’ai quelquefois pensé que si je pouvais me passionner pour quelqu’un, ou quelque chose, ce serait un remède à mes maux ! Mais je ne suis plus jeune, et lors même que je le serais, je sens que je pourrais plus m’attacher à personne ! Il me faudrait l’admiration enthousiaste qu’on éprouves que dans l’idéal intérieur et qui s’évanouit en présence de la réalité. Je le sens, je le sçais. J’en suis arrivée à ne m’intéresser à rien, à moi-même moins qu’à tout le reste. J’ai vu que rien ne valait la peine de vivre. Déjà morte pour ce monde, j’ai voulu placer mon espoir dans l’autre. Elevée dans le catholicisme, j’en ai suivi ces pratiques.

Je tombais malade à l’âge de treize ans et jamais je n’ai recouvré la santé de l’âme ni du corps. Le soin de l’une fut confiée à un prêtre, ignorant et fanatique, celui de l’autre à un médecin incapable qui faillit me tuer avec ses remèdes. Presque folle de scrupules religieux, je fus ainsi deux ans, ce temps m’est encore pour moi obscur et peu distinct, mieux portante j’eus le bonheur de rencontrer un prêtre éclairé qui me rendit le calme. Depuis vingt ans, je me confesse à un autre prêtre, un homme d’esprit, très tolérant, mais qui ne me dit absoluement rien, c’est-à-dire qu’il ne me fait ni bien ni mal. Livrée aux illusions les plus terribles, créés par mon imagination, je travaille sans cesse sur la donnée des fautes, que je ne connais pas bien et qui peut-être sont impossibles. Je me crois coupable de toutes celles dont j’entends parler ou qui me viennent en pensée, lors -même que, matériellement, ces choses sont impossibles. J’en souffres d’autant plus qu’il me semble que mon âme reste souillée de la simple supposition de ces fautes. Il y a des instans où je me crois perdue corps et âme, je tombes dans des abymes et désires la paix du néant dont je n’aurais jamais voulu sortir. La confession est obligatoire, je me reproches de ne pas remplir ce devoir, et lorsque j’y parviens, je suis malade, et presque folle longtemps après. Je me crois obligée de dire tout ce que je crains avoir fait, et là, mon imagination ne s’arrêtes plus. Ce sont des choses qui blessent ma délicatesse de femme, et que je ne puis m’expliquer, ni comprendre sans horreur. Jugez de mon supplice. Je ne dis cet état moral à personne. J’en suis humiliée comme d’une infirmité. Je crains qu’on me croyes coupable ou folle. Je vis ainsi avec ce mal cruel qui ne me quittes ni jour ni nuit. Je souffres bien plus dans les ténèbres. J’ai souvent des crises affreuses, je n’ai pas de maladie. Si ce n’est de violents maux de tête et l’estomac ne fait pas ses fonctions, je manges très peu.

Mon médecin est un homme éminent de science, il prétend qu’on m’a perdu l’estomac à force de purgatifs. Il sait mes souffrances et croit qu’elles viennent de l’âme et du corps. Il voulait m’envoyer à Paris comme distraction, je ne suis jamais sortie de ma province, je n’ose voyager. J’ai loué à Nantes une petite maison où je dois aller dans 15 jours, l’air de Nantes me nuit ordinairement, mais cette ville est la plus rapprochée d’Angers, la seule où il y ait de l’opéra et la musique me fait beaucoup de bien. Je me suis constamment préoccupée de la vie future. Surtout en perdant ce que j’aimais plus que moi-même, ma mère, mes compagnes d’enfance. Je sais, je sens que ces êtres si chers existent. Je crois sentir leur présence invisible autour de moi ! mais c’est en vain que je veux connaître ce mode d’existence, sans la forme ! Je me plonges par la pensée dans ce monde inconnu ; je me demandes ce que je vais voir et trouver en sortant de ce monde ! ceux que j’aimais existent, mais où et comment !

Cette grande question, qui suffirait à troubler à jamais la vie ! Les reverrai-je ? Ne serai-je pas à jamais séparée d’eux et de Dieu ! Voilà l’objet de mes méditations. J’ai lu Leibnitz qui est obscur, terre et ciel de Beauregnaud est le livre qui m’a fait le plus de bien ! Que ne suis-je née, au temps où il viendra un culte nouveau ! Car j’y crois et je l’espères. Maintenant, je ne puis vivre sans un culte, une religion, je ne puis sortir du catholicisme où j’ai été élevée, et malgré tous les efforts de ma volonté, je ne puis le pratiquer ! Je suis donc sans religion, sans abri, sans appui. Si le sort du temple m’écrase et qu’il me faille en sortir, où trouverai-je un refuge ! Tenez, monsieur, je vous le dis, j’ai tant souffert par ces idées que la vue d’un prêtre, le son d’une cloche me rend malade ! à la moindre migraine, je crois voir le prêtre près de mon lit, je ne crains pas la mort, mais le prêtre, les cérémonies funèbres. J’ai vu tout cela pour les miens ! c’est une inquisition, c’est pire. Il me semble parfois que je suis morte, qu’un autre vit et agit, à ma place ou que moi-même je continues la vie d’un autre. Ceci est réel, sensible, évident pour moi !

Cher monsieur, j’achève votre Histoire de la révolution. Toutes les convictions que vous exprimez sont les miennes ! quel admirable livre vous avez écrit là ! Lorsque je l’aurai fini, je ne pourrai plus relire, je vais tâcher d’avoir la surprise, s’il y en a une de vous ! Ça me consolera un peu du malheur de lire un écrivain aussi éminent, aussi inimitable que vous ! Je veux lire vos autres ouvrages ! Ce que vous dites de Nantes, de son air peu salubre m’a frappée, moi qui me dispose à y aller. Je n’aimes pas la vie, mais je crains l’inconnu. Je vous écrirai si vous le permettez. Sans trop attendre vos réponses, car vos moments sont tous précieux. Quoique inconnue de vous et de Mme Michelet, permettez-moi de me dire, votre toute dévouée.
M. Leroyer de Chantepie.

Mon adresse est la même : route de Nantes, commune d’Angers (fo 139-42).

 

fo 142

petit papier.

La maison louée pour moi à Nantes est très petite, je ne l’ai pas vue, elle est rue bonne-louise, 16, il y a un petit parterre. Je ne sçais si je m’accoutumerai en ville, étant à la campagne.

 

fo 143

Angers, ce 16 7bre 1859.

Monsieur,

Je suis bien reconnaissante de la patiente bonté avec laquelle vous voulez bien m’écouter. Je suis malade depuis huit jours, et cela m’empêches un peu de me livrer aux idées si cruelles dans l’obsession desquelles je vis depuis des années. Lorsqu’on est coupable d’une faute, on le sçait, mais d’imaginer des sottises désolantes, des détails à dire d’abord et dire à soi-même, cela n’est pas, ne peut être, puis en venir sinon à croire, du moins à douter, si ce qu’on imagines est vrai ou faux, cela est terrible, le doute seul est peut-être plus affreux en pareille matière que la certitude. Je suis comme une aveugle qui s’efforces de voir la lumière. Je tombes souvent dans un état de rêves qui n’est pas le sommeil. Alors, j’ai comme une intuition, une impression des idées qui vont me tourmenter, et sitôt que je commences à penser, mes intuitions se changent en imaginations cruelles. Je cherches la cause de cet état et je la trouves dans la crainte excessive de la confession, ou du moins dans celle de ne pas bien remplir ce devoir. Alors je m’en abstiens, mais ici nouveau tourment, puisque je m’y crois obligée. Je relis en ce moment la vie de ma chère et bien-aimée G. Sand. J’ai vue que vous l’admiriez, que vous l’aimiez comme moi. Cela doit être elle, comme vous si bonne ! Ah ! de grands cœurs, des intelligences comme les vôtres, tout à coup, sont l’image de Dieu sur la terre ! j’ai eu autrefois des accès de spleen et de violentes tentatives de suicide. On me conseillait le travail des jardins, dans mes désespoirs religieux. J’ai aussi tant souffert que j’ai été tentée de mourir avant l’heure. J’habite presque toute l’année une ferme, où se trouve une maison, le tout est situé à un quart de lieue des faubourgs. Il y a un grand jardin que je me réserve, une prairie, des champs, qui composent la ferme. L’air est salubre, la vue est superbe sur la Maine, et un paysage fort étendu.

J’ai à Angers une vieille maison, située tertre Saint-Laurent, en face de l’ancien cimetière de ce nom : c’est un quartier de dévotes et de gens arriérés. Ma maison est située entre cour et jardin, ce dernier est rempli d’arbres. Je les aimes et ne voudrait pas qu’on les abattît. J’ai passé là ma vie, une bien triste vie, allez ! On ne voit rien de la maison qu’une vue éloignée de la ville. Toute triste et sombre qu’elle est, cette maison ne manques pas d’une sorte de poésie ; on la dit peu saine, à cause du défaut d’air et j’y éprouve toujours des névralgies. J’ai avec moi une ancienne domestique qui ne m’a pas quittée depuis 40 ans. Elle s’est mariée chez moi, elle a son mari, j’ai élevé tous ses enfants. L’aîné, mon filleul a 35 ans. Il est marié et père d’un enfant de deux mois, il n’a pas d’occupation, pas d’état. Il a épousé une femme qui n’a rien ; je suis chargée de ce ménage qui vient me voir presque tous les jours. J’ai avec moi la sœur de mon filleul, une bonne fille qui me rend bien service, mais qui peut-être se mariera. J’ai encore non loin de chez moi un ancien professeur de mon filleul qui passe son temps à la maison, ou me fait des lectures et s’occupes des affaires. Enfin, j’ai chez moi, depuis plusieurs années un réfugié polonais, un parfait honnête homme qui attend l’occasion de rentrer dans sa patrie. J’ai quelques amis de mon âge qui s’occupent des soins du ménage et n’aiment ni l’étude, ni la littérature. J’aime ceux qui m’entourent, mais ce n’est pas la famille. Ils sont bons, mais je n’ai point d’appui moral. J’avais élevé un enfant abandonné qui sans moi n’existerait pas, il m’a quittée pour aller à Paris aussitôt qu’il l’a pu. J’ai eu plusieurs demoiselles chez moi. La première était une ancienne artiste, tête folle qui ne pouvait se fixer nulle part : elle sortait de l’hospice, elle y est retournée souvent depuis sa sortie de chez moi. La seconde était une toute jeune fille sans éducation que j’avais un peu éduquée. Sa mère la reprit, je le crois, dans de mauvaises intentions, et n’ai jamais sçu ce qu’elle était devenue. J’ai eu ensuite une demoiselle dévote qui m’a causé beaucoup de chagrin. Je me suis promis de ne plus admettre d’étrangère dans mon intérieur. Enfin, j’avais reçu comme amie une dame de 35 ans et son enfant, ils étaient malheureux, et quoique j’eusses eu à me plaindre de la mère, j’avais oublié ses torts, elle est restée huit ans chez moi, son fils s’est élevé, il a douze ans. Eh bien ! après tout ce que j’avais fait pour elle, cette dame m’a quittée tout à coup pour retourner à Paris l’an passé, et cela au moment où je venais de perdre une parente que ma mère avait élevée et qui habitait avec moi depuis 35 ans. Je l’avais vue mourir dans la chambre où j’avais vu mourir ma mère ! Je la soignais depuis un mois sans la quitter un instant. Elle était malheureuse, pauvre fille J’ai au moins la consolation d’avoir éloigné d’elle à ses derniers moments tout ce qui aurait pu la tourmenter ! Je la regrettes bien ! vous connaissez à présent monsieur, mon existence parfaitement. Me livrer à l’étude, je l’aimerais de passion, mais j’ai appris bien juste à lire et à écrire, d’ailleurs apprendre pour mourir demain ! à quoi tout cela sert-il ? si c’était utile aux autres, je le comprendrais, j’aurais un but, mais que puis-je faire pour les autres, donner plus que j’en ai, c’est ce que je fais ! si je pouvais travailler utilement, ce serait mon bonheur. J’ai écrit des romans imprimés à mes frais, je n’en ai rien retiré. J’écris quelques articles littéraires que j’ai des peines infinies à placer gratuitement. Je ne dénis qu’une science, celle de savoir quel mode d’existence est réservée à ceux que j’aimes et que j’ai perdus, m’occuper de jardinage, puis-je semer une fleur avec la pensée que je ne la verrai pas s’épanouir ! Une loi fatale de souffrance et de mort ne se retrouve-t-elle pas, et dans toute la création peut-on être heureux, lorsqu’on voit tous les êtres autour de soi condamnés à souffrir et à mourir ! soit que nous ayons commencé par la perfection, soit que nous devions y arriver, que le point de départ soit différent, le but devrait être le même, le bonheur et la perfection, soit que nous devions y arriver, que le point de départ soit différent le but devrait être le même, le bonheur et la perfection, mais en attendant que voyons-nous, plutôt une loi de haine, qui nous condamnes à l’expiation qu’une loi d’amour. Ah ! que nous sommes malheureux de vivre sur une terre où règnes même dans l’ordre naturel la mort et la souffrance ! et si nous arrivons aux institutions humaines, c’est bien pire ! J’acceptes, cher monsieur, avec reconnaissance l’offre si bonne que vous me faites de m’adresser à Nantes à quelques bons cœurs. Je connais le docteur Guépin, nous avons été amis, nous nous sommes perdus de vue, mais je sais qu’il me gardes un bon souvenir. C’est un cœur excellent, une haute intelligence, il n’a que le tort de vouloir impérieusement imposer ses idées à ses amis. Je suis aussi l’amie de la famille Mauguin depuis 20 ans, ce sont eux qui ont inséré mes premiers articles dans leur journal. Je connais à Nantes, la Giraudaie, mon parent, mais qui n’a ni mes idées, ni mes opinions. Je suis tourmentée de me voir malade, la saison avancée, ma maison louée à Nantes depuis le 20 juin. Je crains de ne pouvoir en profiter si je suis malade, sans mon médecin ordinaire. Je serai comme une folle. Mes yeux ne me permettent ni de lire, ni d’écrire longtemps, le moindre froid, l’air du soir me donnes des rhumes, des névralgies tout l’hiver. Je ne puis sortir presque de ma chambre. Le travail manuel me donnes des douleurs de côté et l’inaction m’est insupportable. Je pense que vous quittez bientôt Royan. Je vous en prie donnez-moi votre adresse à Paris, car je vous regarde comme un ami. Je vous écrirai en partant pour Nantes.

Adieu, votre dévouée
M. de Chantepie.