Opinion sur Bouilhet

Les Amis de Flaubert – Année 1969 – Bulletin n° 34, page 46

 

L’opinion de Maupassant sur Bouilhet.

Deux hommes par leurs enseignements simples et lumineux m’ont donné cette force de toujours tenter : Louis Bouilhet et Flaubert… Bouilhet, que je connus le premier d’une façon un peu intime, deux ans environ avant de gagner l’amitié de Flaubert, à force de me répéter que cent vers, peut-être moins, suffisent à la réputation d’un artiste, s’ils sont irréprochables et s’ils contiennent l’essence du talent et de l’originalité d’un homme même de second ordre, me fit comprendre que le travail continuel et la connaissance profonde du métier peuvent, un jour de lucidité, de puissance et d’entraînement, par la rencontre heureuse d’un sujet concordant bien avec toutes les tendances de notre esprit, amener cette éclosion de l’œuvre courte, unique et aussi parfaite que nous pouvons la produire.

Je compris ensuite que les écrivains les plus connus n’ont presque jamais laissé plus d’un volume et qu’il faut, avant tout, avoir toute chance de trouver et de discerner, au milieu de la multitude des matières qui se présentent à notre choix, celle qui absorbera toutes nos facultés, toute notre valeur, toute notre puissance artiste.

Préface de Pierre et Jean (1887).