Nos disparus : Gabrielle Leleu

Les Amis de Flaubert – Année 1971 – Bulletin n° 38 – Page 48

 

NOS DISPARUS

Gabrielle LELEU

(1893-1971)

Tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre littéraire de Flaubert, apprendront avec peine la disparition de Mlle Gabrielle Leleu, qui était aux yeux de tous l’une des personnes les plus averties sur la vie du romancier rouennais.

Ancienne élève de l’École Normale d’Institutrices de Rouen (1910-13) elle fut durant quelques années institutrice à Fontaine-le-Bourg et Malaunay. De santé très fragile dans sa jeunesse, elle dut à son regret abandonner la carrière enseignante, alors que sa sœur aînée, avec qui elle vivait et qui l’avait élevée, dirigeait à Rouen l’école Marie-Houdemare, près de la Bibliothèque municipale. C’est alors que son directeur, M. Labrosse, l’incita à devenir bibliothécaire. Sous-bibliothécaire de 1927 à 1941, bibliothécaire adjointe à cette date, nommée conservateur en 1953, elle dut demander sa retraite en 1956, à la suite de troubles cardiaques importants. Ses sorties devinrent rares, mais ses amis rouennais la retrouvaient chez elle, où elle les accueillait avec joie quand sa santé le lui permettait. Depuis quelques années, nous la savions diminuée physiquement, sa vie tenant à un fil, mais avec une énergie remarquable et une observance rigoureuse, elle se maintenait à notre surprise, conservant jusqu’à la fin toutes ses qualités intellectuelles.

À ceux qui ne la connaissaient guère, elle pouvait apparaître rude, hautaine, pointilleuse avec les règlements, mais ceux qui composaient son cercle d’amitié familiale et littéraire, savent la belle franchise, l’aide et le dévouement dont elle était capable. Fonctionnaire d’élite, soucieuse du travail bien et régulièrement fait, intelligente, fort cultivée, elle était la providence de tous les chercheurs qui venaient travailler sur les manuscrits de Flaubert ou à d’autres sujets à la bibliothèque municipale. Aussi, après son départ, combien parmi eux, revenant à Rouen, tenaient à aller lui rendre visite dans son appartement de la rue Saint-Maur, où elle les accueillait avec plaisir et reconnaissance, ce qui pouvait lui faire oublier les mesquineries professionnelles qu’avec d’autres elle avait connues.

La connaissant depuis fort longtemps, elle m’avait confié un jour qu’elle aurait aimé se pencher sur divers auteurs du XVIIIe siècle, pour lesquels elle avait une prédilection personnelle et qui correspondait fort bien avec ses idées voltairiennes. M. Labrosse l’avait incitée à se pencher sur les manuscrits de Flaubert qu’elle avait à sa portée, ce qu’elle fit avec beaucoup de conscience. Combien, sans les citer, ont eu recours à son avis, à son aide et à ses renseignements précis et toujours donnés avec un évident plaisir.

Aussi, comme Rouennais et Flaubertistes, bien que sachant son état de santé fort précaire et sans espoir, nous avons tous été fort attristés d’apprendre son décès au début de cette année. Tous ceux qui ont fréquenté la bibliothèque municipale jadis, ceux qui ont lu ses ouvrages, les membres de notre association, regretteront avec nous cette femme d’élite, convaincante, qui a si bien servi les recherches littéraires et Flaubert en particulier.

 

André Dubuc.

Ses travaux :

1° Flaubert (G.). — Œuvres posthumes. Madame Bovary. Ébauches et fragments inédits recueillis d’après les manuscrits…, par Gabrielle Leleu. (Paris L. Conard, 1936, 2 vol.).

2° Flaubert (G.). — Madame Bovary. Nouvelle version précédée de versions inédites. Textes établis sur les manuscrits de Rouen, avec introduction et des notes par Jean Pommier et Gabrielle Leleu .(Paris, Corti, 1949).

Une source inconnue de Madame Bovary : le document Pradier. (Revue d’histoire littéraire de la France, juillet-septembre 1947).

La mort de Madame Bovary. (Annales de Normandie, mai 1954).