A propos de Martine Dunet

Les Amis de Flaubert – Année 1975 – Bulletin n° 46 – Page 3

 

Martine Dunet
Éditorial

La plus grande partie de ce bulletin est consacrée à deux articles d’une jeune étudiante de la faculté des Lettres de Rouen qui, pour obtenir sa maîtrise-ès-lettres, a choisi pour sujet : « La présence normande dans l’œuvre de Flaubert », sous la direction de M. Bailbé, maître de conférences, que nous remercions bien sincèrement de nous permettre la publication d’une partie de ce mémoire qui intéressera vivement nos lecteurs habituels.

Mlle Martine Dunet est également normande et l’on s’en apercevra facilement en la lisant, ce qui n’est pas un reproche, au contraire. Elle a passé sa jeunesse entre Neufchâtel et Foucarmont, où la pression séculaire flamande et picarde se fait sentir dans l’architecture de certaines fermes ou manoirs et surtout dans le patois fortement mâtiné d’expressions picardes. Les Brayons parlent haut et vivement, les Cauchois bas et lentement. La région n’a pas longuement impressionné Flaubert, s’il est venu exceptionnellement à Forges et à Neufchâtel. Et l’on remarquera, que venant des marches de la province où l’on a longuement guerroyé jusqu’à Louis XIV, et où la Bresle est plus large et plus longue que le Couesnon, Mlle Dunet est profondément normande de cœur, fière et enthousiaste, comme on le demeure aux approches des frontières séculaires.

Elle a présenté son mémoire en octobre 1974, après une année de recherches et de lecture attentive, époque où nous l’avons connue. Elle s’est bornée à l’œuvre romanesque de Flaubert, de ce qu’il voulait seulement être connu du public et elle a laissé de côté la correspondance et les œuvres de jeunesse.

Nous lui avions proposé de publier l’essentiel de ses recherches, avec un peu de recul, toujours nécessaire pour clarifier sa pensée et mieux se faire comprendre des profanes qui ne sont pas nécessairement des professeurs davantage virtuoses.

Le premier article, m’a-t-elle écrit : « développe l’importance de notre province dans la majeure partie de l’œuvre flaubertienne et fait apparaître une psychologie normande, observée par l’auteur. Le second s’attache à mettre en valeur la vision poétique du paysage normand… »

Les initiés flaubertiens goûteront particulièrement ce second article qui fait apparaître : « les multiples lieux communs de l’esthétique flaubertienne et celle du mouvement impressionniste ». Mlle Dunet nous révèle ce parallélisme intemporel. Voilà donc Flaubert promu prophète de l’école impressionniste, laquelle attire toujours les foules aux expositions !

Flaubert, élevé près des malades et des mourants de l’Hôtel-Dieu de Rouen, des brouillards de Déville et de Croisset, a connu enfant la baie de la Seine, sur sa rive gauche. On est toujours surpris, pour ceux qui l’abordent, de rencontrer et de découvrir cette luminosité étrange et renforcée qui a attiré tant de jeunes peintres préférant aller travailler au chevalet sur le terrain que de composer dans des ateliers fermés. Aucune surprise donc que Flaubert ait, de ses yeux de myope, précédé la naissance de l’impressionnisme pictural.

Il faut toujours faire confiance à la plus grande partie de la jeunesse, de celle qui n’intéresse pas les journaux ou les revues à grand tirage, préférant l’exemple mauvais à la confirmation de la règle morale et travailleuse du plus grand nombre. Nous aimons les jeunes d’aujourd’hui différents mais si peu de ce que nous avons été à leur âge ; nous avions beaucoup moins de problèmes à résoudre qu’eux. Nous sommes donc heureux de publier la première œuvre littéraire d’une future professeur de lettres. Nous souhaitons donc que des cas semblables se présentent dans les diverses universités francophones, soit sur Flaubert, soit sur Maupassant, et nous publierons avec plaisir leurs découvertes, leurs recherches et leurs impressions.

Au centième congrès des sociétés savantes qui vient de se tenir à Paris sur le thème des sociétés de ce genre, sur leur action à venir, maintes fois on a déploré que de bons devoirs de maîtrise ne soient pas publiés en entier ou réduits dans des revues de sociétés savantes, au lieu de s’endormir pour un temps ou à jamais dans des placards d’universités. Dans le domaine de la recherche approfondie, rien ne doit être oublié, égaré ou enterré. Déjà, nous avons publié d’autres travaux semblables comme Flaubert à Nogent-sur-Seine ou Flaubert et la presse. Et maintenant, nous attendons le prochain étudiant qui désirera nous faire confiance ?

André Dubuc