Présence normande dans l’œuvre de Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1975 – Bulletin n° 46 – Page 5

Présence normande dans l’œuvre de Flaubert

I

« Nous étions à l’étude quand le proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent ; et chacun se leva comme surpris dans son travail… » (1)

Même les premières lignes toutes anodines de Madame Bovary constituent ce que l’on nommerait en jargon cinématographique, un « flashback ». Flaubert éprouve le besoin de revivre quelques instants l’atmosphère du Collège Royal de Rouen, dans l’enceinte duquel il esquissait déjà sa personnalité littéraire. Alfred Le Poittevin écrit des poèmes ; plus âgé que Flaubert, il contribue à lui donner le goût de la littérature. Avec Louis Bouilhet, puis plus tard le neveu de Le Poittevin : Maupassant, ils formèrent une école littéraire rouennaise. Flaubert et ses camarades au temps du Collège imagineront ce pantin trépigneur,« Le Garçon » , épouvantail créé à l’image du bourgeois rouennais. « Le garçon » aura une présence constante dans l’œuvre du maître de Croisset. Il sera la caricature des filateurs qui se pavanent au Théâtre des Arts dans Madame Bovary, et il trouvera en la personne du pharmacien Homais un cousin germain. Bouvard et Pécuchet pourront revendiquer les liens d’une parenté beaucoup plus proche.

Les jeunes lycéens rouennais qui se rendent à la foire Saint-Romain après les cours n’ont pas aujourd’hui la chance de pouvoir s’arrêter devant la baraque du père Legrain, le montreur de marionnettes où, dit-on, Flaubert enfant a été émerveillé par le mystère de Saint-Antoine.

N’est-ce pas la cathédrale de Rouen qui recèle ce vitrail rappelant la légende de Saint-Julien ? Notre cité gothique représente une source incontestable de l’œuvre flaubertienne. La Normandie s’avère une grande inspiratrice. Flaubert transpose dans Un Cœur simple ses vacances heureuses avec Caroline à Trouville. Élisa Schlésinger sur cette même plage, fera naître la passion dans le cœur du jeune adolescent. Le brillant romancier qu’il deviendra n’oubliera pas cet amour retracé dans L’Éducation sentimentale. Il rend souvent visite à une tante à Pont-L’Évêque, où grandissent Paul et Virginie. C’est en revenant de cette ville, qu’en 1844, il est frappé d’une crise d’épilepsie similaire à celle de Félicité. En ce qui concerne Madame Bovary, il écrit à Louise Colet le 10 avril 1853 : « La seule chance que j’aie de me faire reconnaître, ce sera quand Bovary sera publiée ; et mes compatriotes rugiront, car la couleur normande du livre sera si vraie qu’elle les scandalisera ».

Lorsque la nostalgie apparaît dans ses notes de voyage et dans sa correspondance, l’évocation de Croisset lui est nécessaire : « Là-bas, sur un fleuve plus doux, moins antique, j’ai quelque part une maison blanche dont les volets sont fermés, maintenant que je n’y suis pas. Les peupliers sans feuilles frémissent dans le brouillard froid, et les morceaux de glace que charrie la rivière viennent se heurter aux rives durcies. Les vaches sont à l’étable, les paillassons sur les espaliers, la fumée de la ferme monte lentement dans le ciel gris ». (2)

Notre province sert de décor à la plus grande partie de l’œuvre et peut même être considérée comme un personnage principal dans Madame Bovary. Grâce à une observation précise, il a dégagé une psychologie normande. Coutumes et rites sont évoqués avec une grande indulgence.

La vision poétique et artistique qui émane de nos paysages, repose sur une réelle étude géologique. Il s’exprime souvent en spécialiste du sol ; il parle comme un fermier : « La culture y est coûteuse, parce qu’il faut beaucoup de fumier pour engraisser ces terres friables pleines de sable et de cailloux ». (3)

Cette terre joue un rôle fondamental dans l’évolution de l’esthétique flaubertienne. Elle agit comme un catalyseur sur le pessimisme foncier de l’auteur et de son œuvre littéraire. Elle sert de drogue dont l’effet mène à l’extase de la création.

Sous le pinceau de l’artiste, elle apparaît voilée de brume et ruisselante de lumière. Caressant ces plaines infinies et ces vallonnements herbeux, l’esprit de l’auteur s’exaspère quelquefois devant sa verdure excessive et sa platitude monotone. Il aime flatter le mal qui le torture et puise dans les paysages normands son opium. Dans ses tableaux, nous percevons la technique d’un grand maître et le talent affirmé d’un peintre, fanatique plagiaire de la réalité.

Des artistes contemporains copieront la nature avec le même souci de vérité. Leurs excursions à la recherche de décors champêtres, les mènent vers nos horizons brumeux. Monet, leur aîné, guide ses amis à travers cette contrée où il a eu le bonheur de vivre. Il leur montre que la Normandie possède cette lumière particulièrement exceptionnelle sous le faisceau duquel tous les éléments du paysage se métamorphosent et s’animent.

Le mouvement impressionniste et la transposition d’art flaubertienne ont en commun des lieux et des techniques. Ses contemporains firent asseoir Flaubert sur le banc des prévenus au tribunal correctionnel. Ce sont ces mêmes âmes « sensibles » qui se voilèrent la face, qui s’esclaffèrent devant les toiles impressionnistes. La peinture de la réalité pour l’artiste qui prend la responsabilité de la représenter, constitue au XIXe siècle une erreur fatale.

Attachement de Flaubert à sa province natale.

Ses vacances d’enfant et d’adolescent ne l’éloignent pas de nos vertes campagnes. Sa famille l’oblige à faire son droit à Paris. Mais n’ayant aucun goût pour l’éloquence du barreau, il préfère rester à Rouen. Après quelque temps passé à Paris avec Chevalier et Le Poittevin, il revient à Croisset en 1843. Sa maladie lui servira désormais d’alibi pour ne pas quitter la vieille cité normande. En 1846, après deux deuils successifs, il s’installe définitivement dans la maison blanche dont les fenêtres donnent sur le fleuve.

Entouré de Le Poittevin, puis de Bouilhet et de Maupassant, il formera un cénacle littéraire.

Il vivra désormais en solitaire après son voyage en Orient et ne se déplacera plus qu’à travers la campagne normande pour y étudier les coutumes et les mœurs de ses compatriotes.

Il utilisera essentiellement ces documents pour la constitution de son œuvre maîtresse Madame Bovary, puis afin de retrouver son enfance dans Un Cœur simple, il fera un pèlerinage en Basse-Normandie. Il se penchera sur les caractéristiques géologiques de nos terrains Jurassiques dans le but d’y intéresser Bouvard et Pécuchet.

II — ITINÉRAIRE NORMAND

Madame Bovary :

Pays de Caux : Tôtes.

Notre travail ne consiste pas à découvrir les modèles présumés des personnages principaux, d’ailleurs de telles recherches s’avèrent fastidieuses et inutiles. Cependant le décor de ce roman renvoie à une réalité très précise. La bourgade de Tôtes où les Bovary s’installent tout d’abord existe réellement. Bien que Flaubert ne lui prête aucune consistance, les quelques précisions qu’il nous donne sont exactes : Tôtes est un carrefour routier important sur le plateau de Caux. Emma flâne non loin de la grand’route où les mareyeurs qui vont à Dieppe passent sous ses fenêtres : « Et elle les suivait dans sa pensée, montant et descendant les côtes, traversant les villages, filant sur la grand’route à la clarté des étoiles » (4)

Ry : Yonville-l’Abbaye.

Flaubert fait de Yonville-l’Abbaye une description topographique : « est un bourg à huit lieues de Rouen, entre la route d’Abbeville et celle de Beauvais, au fond d’une vallée qu’arrose la Rieule, petite rivière qui se jette dans l’Andelle… » (5)

On peut presque d’une manière certaine calquer Yonville sur Ry, bourg situé dans la basse vallée du Crevon, affluent de l’Andelle à environ vingt-deux kilomètres à l’Ouest de Rouen. La vallée de l’Andelle marque le sol profondément et divise réellement deux pays distincts de végétation et de sous-sol : « La rivière qui la traverse en fait comme deux régions de physionomie distincte : tout ce qui est à gauche est en herbage, tout ce qui est à droite est en labour » (6)

Mais Flaubert n’a pas respecté la distance séparant Ry de l’endroit où l’Andelle modifie la région en deux parties. Il a groupé deux détails vrais afin de mieux tromper ses lecteurs.

L’Andelle a fait tourner des moulins, on a vu s’installer le long de sa vallée des usines de textiles comme Homais et Léon, partis voir, « à une demi-lieue d’Yonville, dans la vallée, une filature de lin que l’on établissait ». (7)

On dit encore que la ferme des Bertaux est celle de Delphine Couturier, située à Blainville-Crevon. Il nous semble que rien ne permet de vérifier cette hypothèse. Il est vrai qu’une loi datant de 1835, voulait assurer de meilleures communications à travers la campagne et que Ry a pu profiter de cet arrêté : « Jusqu’en 1835, il n’y avait point de routes praticables pour arriver à Yonville, mais on a établi vers cette époque un chemin de grande vicinalité qui relie la route d’Abbeville à celle d’Amiens… » (8)

Rouen

L’itinéraire de l’Hirondelle passait bien par Quincampoix puis atteignait la ville par Bois-Guillaume : « Enfin les maisons de briques se rapprochaient, la terre résonnait sous les roues, l’Hirondelle glissait entre des jardins, où l’on apercevait par une clairevoie des statues… Puis, d’un seul coup d’œil, la ville apparaissait ». (9)

La diligence descendait la route de Neufchâtel puis arrivait place Beauvoisine devant un hôtel quelconque. On peut encore voir en bas de la côte une plaque indiquant un relais de chevaux.

Le quartier Beauvoisine reste encore à l’heure actuelle celui des couvents : « Ils entendirent huit heures sonner aux différentes horloges du quartier Beauvoisine, qui est plein de pensionnats, d’églises et de grands hôtels abandonnés ». (10)

Le couvent d’Ernemont où l’abbé Bournisien a oublié son parapluie existe toujours. Rouen n’a pas changé, on la découvre « noyée dans le brouillard, s’élargissant au-delà des ponts, confusément ». On lui a adjoint quelques ponts enjambant la Seine et une odieuse préfecture qui gâche le tableau de Corot : « Ainsi vu d’en-haut, le paysage tout entier avait l’air immobile comme une peinture ; les navires à l’ancre se tassaient dans un coin, le fleuve arrondissait sa courbe au pied des collines vertes, et les îles… » (11)

Il est aisé de suivre la folle randonnée du fiacre dément à travers la cité : « Elle descendit la rue Grand-Pont, traversa la place des Arts, le quai Napoléon… du côté d’Oyssel… Elle s’élança d’un bond à travers Quatre-Mares, Sotteville… la rue d’EIbeuf… » (12)

Seuls, quelques noms de rues ont été modifiés.

Bouvard et Pécuchet

 

Les excursions de l’auteur en Basse Normandie achèveront de l’épuiser, mais il tient à trouver un décor idéalement stupide, où ses deux « bonshommes » transpireront de bêtise. Il se décide à placer Bouvard et Pécuchet entre « la vallée de l’Orne et la vallée d’Auge, sur un plateau stupide entre Caen et Falaise ». Avide d’un savoir presque universel, il fait des recherches géologiques et archéologiques, consignées ensuite sur de nombreuses fiches. Le sol normand observé avec cette minutie, est l’objet d’un intérêt démesuré de la part des deux compères. L’agriculture constitue également une activité à laquelle ils s’essaieront fébrilement sans résultat valable.

La vallée de l’Orne

Comme Flaubert l’a constaté, la Basse Normandie offre une diversité remarquable de terrains et de sols. On perçoit nettement l’effort d’une documentation précise. La délimitation des lieux ne laisse aucun doute quant à leur existence réelle. Les indications sont classées comme dans un carnet de voyages : « Après une heure de marche, ils arrivèrent sur le versant d’un coteau qui domine la vallée de l’Orne. La rivière coulait au fond avec des sinuosités. Des blocs de grès rouges s’y dressaient de place en place… » (13)

La structure chaotique du relief distingue ces terrains où le grès apparaît parmi la campagne.

Le Bessin

La passion des fossiles entraîne Bouvard et Pécuchet vers la portion côtière, proche de Port-en-Bessin. Dans un enchevêtrement de roches différentes, conséquence d’un mouvement violent de l’écorce terrestre, l’océan a recouvert la terre. Flaubert s’est intéressé aux traits originaux, qui font du Bessin un centre de recherches inépuisables : « Des vallonnements herbeux découpaient la falaise, composée d’une terre molle et brune et qui, se durcissant, devenait, dans ses strates inférieures, une muraille de pierre grise ». (14)

En juin 1874, Flaubert parcourt les étapes suivies par les deux « savants » dans le Bessin, puis trois ans plus tard il reviendra sur ses pas, complétant sa documentation en Basse-Normandie. Cet arrêt de trois années dans la composition de son dernier ouvrage correspond à une certaine lassitude causée par le caractère gigantesque de sa tâche. Le travail de préparation fut accablant pour l’auteur physiquement épuisé. La Basse-Normandie, de par sa structure complexe, aura contribué à augmenter la fatigue de Flaubert.

De toute évidence, elle est la représentation spatiale de l’incohérence de Bouvard et Pécuchet. Qui sait si elle n’est pas également à l’image de la nausée flaubertienne ? Bouvard et Pécuchet ne sont pas toujours considérés comme des médiocres par le créateur. Il nous arrive de sentir entre eux et lui une certaine sympathie.

Étretat et ses « Valleuses »

En juin 1877, il demande à Guy de Maupassant de lui fournir une description de la côte entre Antifer et Étretat. Cette aide allégera le fardeau de ses recherches. Le protégé de Flaubert a toujours eu grand plaisir à décrire les falaises crayeuses et l’aiguille d’Étretat dans Une Vie.

Flaubert a représenté la valleuse de Senneville et d’Életot non loin de Fécamp ; « ils gagnèrent la falaise, et cinq minutes après, la frôlèrent pour éviter une grande flaque d’eau avançant comme un golfe au milieu du rivage. Ensuite, ils virent une arcade qui s’ouvrait sur une grotte profonde… » (15)

« Pécuchet ne vit personne, puis retourna en arrière pour gagner les champs par une « valleuse » que Bouvard avait prise sans doute. Ce raidillon étroit était taillé à grandes marches dans la falaise, de la largeur de deux hommes, et luisant comme de l’albâtre poli » (16)

Bouvard et Pécuchet sont fascinés par la découpe originale et grandiose de l’aiguille d’Étretat, le spectacle de la mer leur inspire une pompeuse dissertation sur le neptunisme et le plutonisme. Flaubert est fier d’expliquer à ses lecteurs ce que l’on nomme sur la côte cauchoise une « valleuse », on perçoit là encore cet amour pour les singularités du pays natal : « Ce raidillon étroit était taillé à grandes marches dans la falaise, de la largeur de deux hommes, et luisant comme de l’albâtre poli ».

Un Cœur simple

 

Dans cette nouvelle, achevée en février 1876, Flaubert retrouve les lieux de son enfance et de sa jeunesse. L’homme adulte qu’il est devenu, revient sur la grève où Élisa Schlesinger apposa une empreinte sur son cœur. À Pont-L’Évêque, il se souvient de la « tante Allais », dont nous retrouverons la plupart des traits dans le personnage de Madame Aubain. Nous pouvons vérifier sur une carte de la région de Deauville – Trouville l’existence réelle de sites et endroits précis : Deauville – Trouville – Gefosses la « Prairie ».

Deauville – Trouville

Les enfants Flaubert ont passé souvent leurs vacances estivales à Trouville. En 1836, Élisa Schlesinger prend la valeur d’une « apparition » sur le ciel du jeune adolescent. Il séjournera alors plus longuement sur la côte normande. Notamment en 1841 où le droit ne le retient guère à Paris. Il décrit à Ernest Chevalier son « farniente » : « Depuis un mois que je suis à Trouville, je ne fais absolument rien que manger, boire et dormir et fumer. Il est maintenant marée pleine, la mer est à quinze pas de moi au bas de l’escalier de Notre-Dame. Il est midi ; le soleil brille en plein, je sors de table et je me suis considérablement bourré… Je rote et je digère en contemplant le bel océan vert et la grandeur des œuvres de Dieu… » (17)

À vingt ans, la verve rabelaisienne de l’auteur est déjà perceptible et se raffine dans ce cadre idyllique.

Lorsqu’il composera plus tard Un Cœur simple, l’absence de Caroline planera sur la plage. La disparition brutale de Virginie déchirera Mme Aubain comme la mort de la sœur chérie blessa l’auteur : « La marée basse laissait à découvert des oursins, des godefiches, des méduses ; et les enfants couraient pour saisir des flocons d’écume que le vent emportait » (18)

Pont-L’Évêque

Madame Aubain, bourgeoise de cette petite ville normande, réincarnait le souvenir de la « Tante Allais ». La ferme des Geffosses et les promenades le long de la Touques font revivre les joyeuses excursions de Gustave et de Caroline, enfants : « Quand le temps était clair, on s’en allait de bonne heure à la ferme des Geffosses… Paul montait dans la grange, attrapait des oiseaux, faisait des ricochets sur la mare, on tapait avec un bâton les grosses futailles qui résonnaient comme des tambours. Virginie donnait à manger aux lapins, se précipitait pour cueillir des bleuets… » (19)

L’accident de Félicité, dans la côte de St-Gatien, reproduit un souvenir moins heureux : la crise nerveuse qui terrassa l’auteur sur la route de Pont-L’Évêque en janvier 1844 : « Elle sentit une brûlure à la joue droite ; ses mains, qu’elle y porta, étaient rouges. Le sang coulait ». (20)

L’atmosphère de Pont-L’Évêque porte la nostalgie de l’enfance et la tristesse de la mort des « chers fantômes ».

La Normandie toute entière est inspiratrice. La réalité topographique donne vie aux personnages flaubertiens. De plus, la foule paysanne et typiquement régionale qui agit au second plan, intègre totalement les êtres fictifs créés par l’auteur. Dépourvus du contexte local normand, Emma Bovary, Homais, Félicité n’eussent été que de tristes pantins.

III — PSYCHOLOGIE NORMANDE

Flaubert a en lui la sensation et le sentiment de sa province depuis son enfance. Revenu dans la région de Pont-L’Évêque et de Trouville pour vendre sa part de l’héritage paternel, il revit ses vacances heureuses avec Caroline, sa sœur. II revoit ses « chers fantômes » mais aussi les fermiers de Geffosses, la mère David et mademoiselle Julie, la servante qui l’éleva. Il retracera dans Un Cœur simple la vie exemplaire de ces serviteurs et servantes au grand cœur : « Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles… » (21) Devant les paysages orientaux, il rêvait à la Normandie et songeait déjà à ses personnages si familiers, évoluant autour d’Emma. Il ne négligera aucun des détails de la réalité locale et il en résultera des portraits aussi vivants que celui du fermier Rouault : « C’était un gros petit homme de cinquante ans à la peau blanche, à l’œil bleu, chauve sur le devant de la tête, et qui portait des boucles d’oreilles. Il avait à ses côtés, sur une chaise, une grande carafe d’eau-de-vie… » (22)

Grâce à des touches légères, il anime au second plan du paysage normand, une foule paysanne. Marchés, comices agricoles, cérémonies et festins : il ne manque aucune occasion de mettre en relief les traits physiques et moraux de ses compatriotes. Il désire nous instruire dans cette familiarité qu’il entretient avec les gens et les choses de notre province. Mais nous mettons en garde le lecteur : nous ne trouvons là rien de la sécheresse d’une géographie humaine. Humble servante ou fermier jovial, leur mentalité le fascine car dans une certaine mesure, il leur ressemble. Tout lecteur étranger à notre région ne peut avoir la notion des détails spécifiques de notre vie quotidienne, contenus dans son œuvre. D’ailleurs, n’accusait-on pas Flaubert d’un manque d’imagination, parce qu’il empruntait ses anecdotes aux journaux locaux et à ses amis normands ? Ces accusateurs étaient sans aucun doute allergiques à tout réalisme.

Le solitaire de Croisset avait une expérience sensuelle de nos paysages beaucoup plus approfondie que celle de Maupassant. En effet, son jeune disciple restera avant tout un parisien.

Ainsi, Flaubert nous proposera deux visions poétiques dissemblables de la Normandie. L’art flaubertien, véritablement désintéressé, n’a d’autre objet que lui-même, il est si élevé qu’il se dépasse et accède à la poésie. Nous examinerons la puissance poétique de l’esthétique flaubertienne dans notre dernière partie. Nous l’évoquons ici en quelques mots afin de montrer qu’un art si raffiné, repose sur une observation minutieuse que l’on a qualifiée souvent de fanatique. Un observateur moindre n’aurait donné à la Normandie qu’un unique visage. Flaubert distingua dans son œuvre la Haute et la Basse-Normandie. Si le décor de Madame Bovary est vert, monotone, Bouvard et Pécuchet s’agitent ridiculement sur une plaine de pierres granitiques et druidiques. Avant d’être normand, Flaubert était cauchois. II décrit avec aisance le plateau de Caux et ses champs de blé. Il s’est astreint à des excursions géologiques et archéologiques en Basse-Normandie afin de composer le fond de sa dernière toile : Bouvard et Pécuchet. Nous en resterons ici au niveau de l’observation pure de nos paysages, considérant l’auteur comme un géologue avide de précision. Nous en viendrons plus loin à analyser la vision poétique née de nos horizons brumeux.

Flaubert et la géologie normande

L’auteur prend plaisir à accumuler des détails que nous nommerons « géologiques » car ils sont de la plume d’un spécialiste. Il connaît le sol dans toutes ses stratifications et particularités.

Le déménagement des Bovary de Tostes à Yonville lui servira à différencier deux parties du plateau cauchois. Les promenades rêveuses et solitaires d’Emma seront prétextes à une description précise. La présence d’un cadre forestier pour les chevauchées de Rodolphe et de sa maîtresse n’a pas une fin uniquement romanesque : « De la hauteur où ils étaient, toute la vallée paraissait un immense lac pâle s’évaporant à l’air. Les massifs d’arbres de place en place saillissaient comme des rochers noirs, et les hautes lignes des peupliers, qui dépassaient la brume, figuraient des grèves que le vent remuait ». (23)

La présentation de la campagne cauchoise suit la progression du roman.

Le premier élément d’information relevé, est d’ordre topographique. Il fixe au hasard des mélancolies vagabondantes d’Emma les limites du plateau : « Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient jusqu’au loin dans les champs, une fraîcheur salée » (24)

Nous avons là une allusion discrète à la situation de Tostes, proche de la côte. Il découpe la silhouette du décor à coups de ciseaux rapides et efficaces. Il choisit sans hésiter les traits essentiels distinguant le Caux de toutes les autres campagnes normandes : « La plate campagne s’étalait à perte de vue, et les bouquets d’arbres autour des fermes faisaient, à intervalles éloignés, des taches d’un violet noir sur cette grande surface grise qui se perdait à l’horizon dans le ton morne du ciel » (25)

Devant cette étendue plane et d’un vert monotone, l’imagination d’Emma vagabonde, ne trouvant aucun plaisir à cette réalité trop banale. Son destin eût été différent peut-être, si Flaubert l’avait transporté dans la lande parsemée de grès roses, qui aurait assouvi son besoin de rêverie. Mais la Basse-Normandie était réservée à deux spécimens de la bêtise humaine.

L’horizon cauchois est borné néanmoins, car ses habitants ont un sens très développé de la propriété ; lorsque Charles Bovary galope vers la ferme des Bertaux, un gamin vient « ouvrir les clôtures devant lui ». Sa monture « s’arrêtait d’elle-même devant ces trous entourés dépines que l’on creuse au bord des sillons ». Des haies d’épines délimitent et protègent les « masures » des vents marins. Flaubert entraîne Charles par « les chemins creux où les arbres se courbaient en berceaux, dans les sentiers dont les blés lui montaient jusqu’aux genoux…(26)

Si les chemins semblent « creux », c’est que les fermiers cauchois ont élevé des talus autour de leur domaine. L’auteur emploie précisément le terme dialectal, caractérisant ces chemins : il les nomme « cavées ». « Ils s’en revinrent par la cavée sous une avenue de hêtres » (27)

L’arrivée des Bovary à Yonville correspond à une modification dans la structure des sols et du paysage.

Le plateau de Caux crayeux, devient argileux car il est usé par l’érosion. L’argile à silex affleure en de nombreux endroits. Flaubert note alors le vallonnement créé par l’érosion : « La prairie s’allonge sous un bourrelet de collines basses pour se rattacher par derrière aux pâturages du pays de Bray… » (28)

L’horizon d’Emma change, il sera plus morne encore qu’à Tostes. L’auteur inculque alors au paysage l’ennui qui tuera son héroïne : « On est ici sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’Ile-de-France, contrée bâtarde où le langage est sans accentuation, comme le paysage sans caractère » (29)

Tostes représentait l’uniformité de l’ennui, et Yonville la morosité des collines et des rivières. Ce sont les deux aspects du paysage de Haute-Normandie : le Caux uniforme et fertile, le Bray proche de Yonville et vallonné.

Flaubert en agronome, signale la pauvreté du sol : « … la culture y est coûteuse, parce qu’il faut beaucoup de fumier pour engraisser ces terres friables pleines de sable et de cailloux » (30)

Les sols sont si fragiles que les rivières et les étangs entaillent le paysage : Yonville se trouve « au fond d’une vallée qu’arrose la Rieule, petite rivière qui se jette dans l’Andelle… » (31)

La forêt représente le seul bénéfice que l’on peut tirer de cette terre ingrate : « Au bout de l’horizon, lorsqu’on arrive, on a devant soi les chênes de la forêt d’Argueil… » (32)

Ces étendues boisées constitueront un cadre magnifique pour les chevauchées de Rodolphe et Emma. Ils « suivirent ainsi la lisière du bois… D’autres fois, pour écarter les branches, il passait près d’elle… Il y avait de grands espaces pleins de bruyères tout en fleurs, et des nappes de violettes s’alternaient avec le fouillis des arbres, qui étaient gris, fauves ou dorés, selon la diversité des feuillages ». (33)

Flaubert a découvert au plus profond de ces futaies dorées des étangs car la terre est imbibée voire saturée d’eau. L’air et la lumière mêmes sont imprégnés d’humidité : « Rodolphe l’entraîna plus loin, autour d’un petit étang, où les lentilles d’eau faisaient une verdure sur les ondes. Des nénuphars flétris se tenaient immobiles entre les joncs… » (34)

Si pendant de courts instants, Emma semble goûter la quiétude et la beauté du décor, la présence de Rodolphe crée cette magie car en réalité, « trop habituée aux aspects calmes (de notre Normandie), elle se tournait au contraire vers les accidentés ».

Plus sauvage et moins familière, nous apparaît la Basse-Normandie de Bouvard et Pécuchet. Durant une grande partie de sa vie, Flaubert l’avait un peu ignorée. Et lorsqu’il décide d’y faire vivre ses deux « bonshommes », il entreprend avec un ami plusieurs excursions. S’il voue un amour inconditionné à la Haute Normandie, il semble ressentir quelque réticence vis-à-vis du sud. En effet, sa structure géologique est très chaotique. Bouvard et Pécuchet se démènent avec incohérence devant un paysage dépourvu d’harmonie.

Au retour de ses expéditions, Flaubert pense « placer Bouvard et Pécuchet entre la vallée de l’Orne et la vallée d’Auge, sur un plateau stupide, entre Caen et Falaise… »

Ainsi la Basse-Normandie, un peu dévalorisée dans son œuvre, correspond géologiquement au grotesque des deux personnages. Elle apparaît totalement différente. Ce paysage où la roche prédomine, s’explique par la proximité du massif armoricain. L’Orne essaie non sans difficulté de s’immiscer dans le relief granitique : « La rivière coulait au fond, avec des sinuosités. Des blocs de grès rouge s’y dressaient de place en place, et des roches plus grandes formaient au loin comme une falaise surplombant la campagne… » (35)

Au hasard des recherches minéralogiques de Bouvard et Pécuchet, nous notons des exemples de plus en plus précis d’un relief disloqué : « Pécuchet avoua que leurs enquêtes jusqu’alors n’avaient pas été fructueuses, et cependant les environs de Falaise, comme tous les terrains jurassiques, devaient abonder en débris d’animaux ». (36)

Il eût été dérisoire pour Bouvard et Pécuchet de sonder le sol de la Haute-Normandie, ils n’auraient trouvé que peu de matière à leur sujet. La seule roche présente est la craie, alors que la Basse-Normandie recèle un échantillonnage très vaste : « Les grosses pierres, seules dans les champs, devaient provenir de glaciers disparus… » (37)

La Basse-Normandie est aussi multiple que les sciences auxquelles s’adonnent inutilement Bouvard et Pécuchet.

Il est facile de reproduire l’itinéraire de Flaubert en suivant les pérégrinations des deux compères. Du 18 au 24 juin 1874, Flaubert visite : Domfront, Condé-sur-Noireau, Caen, Bayeux, Port-en-Bessin, Arromanches, Falaise et Lisieux.

« Bouvard et Pécuchet prirent la diligence de Falaise pour Caen. Ensuite, une carriole les transporta de Caen à Bayeux, de Bayeux ils allèrent à pied jusqu’à Port-en-Bessin ».

Leurs observations sont celles de Flaubert. Elles sont disposées comme une suite de notes dans un carnet de voyage. Lorsque nous consultons une carte géologique de la Basse-Normandie, nous constatons que le Bessin est composé de craie, recouverte d’argile à silex.

Les remarques de Flaubert coïncident exactement avec la réalité : « Des vallonnements herbeux découpaient la falaise, composée d’une terre molle et brune et qui, se durcissant, devenait dans ses strates inférieures, une muraille de pierre grise ». (38)

La seule incursion, dans les régions situées au-dessus de la Seine, est constituée par Fécamp et ses falaises. Il avait en Guy de Maupassant, originaire de cette région, un informateur idéal.

Celui-ci enverra une description minutieuse de la côte et de ses « valleuses » : Bouvard et Pécuchet « virent une arcade qui s’ouvrait sur une grotte profonde ; elle était sonore, très claire, pareille à une église… » (39)

Paul et Virginie passent des vacances heureuses comme Gustave et Caroline sur la côte sableuse de Deauville. Le bonheur de l’enfance occupe une trop grande place dans le conte pour que Flaubert songe à nous décrire d’une manière précise la côte normande : « Les flots endormis, en tombant sur le sable, se déroulaient le long de la grève ; elle s’étendait à perte de vue, mais du côté de la terre, avait pour limite les dunes, la séparant du marais… » (40)

L’homme des brouillards

C’est encore à la Normandie que Flaubert doit ses tableaux nimbés de brumes, que traversent les flèches du soleil. La beauté humide des paysages flaubertiens est indéniablement issue de sa province. Les cieux sont toujours gonflés de nuages sombres et les tempêtes ébranlent les chaumières. L’auteur communique à ses lecteurs la sensation de cette humidité ambiante.

Il eût été impossible d’ailleurs, d’imaginer l’existence d’Emma dans une contrée méditerranéenne, ses amours y auraient paru médiocres. Le climat normand pluvieux et gris est un facteur propice à cette maladie de « mélancolie morne » et de « désespoir engourdi » qui la mènera au suicide. (41)

Lui, « l’homme des brouillards », connaît la qualité exceptionnelle de la lumière normande. Il sait que l’humidité lui donne une grande transparence, inconnue ailleurs. Monet et les impressionnistes feront des cieux normands, les toiles les plus admirées dans le monde entier.

« Madame Bovary avait ouvert sa fenêtre sur le jardin, et elle regardait les nuages. Ils s’amoncelaient au couchant, du côté de Rouen, et roulaient vite leurs volutes noires, d’où dépassaient par derrière les grandes lignes du soleil, comme les flèches d’or d’un trophée suspendu, tandis que le reste du ciel vide avait la blancheur d’une porcelaine. Mais, une rafale de vent fit se courber les peupliers, et tout à coup la pluie tomba ; elle crépitait sur les feuilles vertes, puis le soleil reparut… » (42)

Nous évoquerons longuement la curieuse ressemblance de l’art flaubertien et de la peinture impressionniste dans la troisième partie de notre travail.

En restant au niveau de la stricte observation, nous constatons que l’eau sous toutes ses formes constitue l’une des caractéristiques de nos paysages. Flaubert a utilisé cette particularité comme un élément de sa vision poétique. L’eau ruisselle continuellement : pluies, bruines, étangs, rivières : « Les fossés étaient pleins d’eau, la campagne s’étalait par grandes surfaces d’un vert monotone et froid, des nuages couraient dans le ciel, de temps à autres la pluie tombait. Le troisième jour des bourrasques s’élevèrent… » (43)

Ce climat favorise la mélancolie rêveuse d’Emma, il devient pour Bouvard et Pécuchet la preuve de leur sottise. En effet, les éléments se déchaînaient pour détruire le fruit de leur effort : « …Tout à coup le tonnerre retentit et la pluie tomba, une pluie lourde et violente. Le vent par intervalles, secouait toute la surface de l’espalier… » (44)

Flaubert se sert de la tempête pour punir l’inquiétude théologique de Pécuchet : « Le vent chassait, balayait la pluie dans l’air. Elle claquait sur les feuilles, ruisselait au bord du chemin, et le ciel, couleur de boue, se confondait avec les champs dénudés… » (45)

Flaubert et la Normandie agricole

Sur ce sol fertile et gorgé d’eau, la végétation croît rapidement, d’une couleur verte parfois insoutenable. Flaubert écrivait à un ami : « Le printemps me donne des envies folles de m’en aller en Chine ou aux Indes, et la Normandie, avec sa verdure, m’agace les dents comme un plat d’oseille crue… »

Devant cette couleur verte qui est celle de la vie végétale épanouie, il n’est pas étonnant qu’Emma, si malheureuse, ait songé à rompre la sienne.

La vie du monde paysan est liée à la fertilité du sol normand : Le père Rouault, Maître Gouy, les Liébard, Rodolphe Boulanger, Monsieur de Faverges et l’humble foule qui s’agite aux comices agricoles et aux marchés.

Flaubert suggère que l’agriculture représente leur seule préoccupation en notant d’une manière constante la présence des champs de blé ondoyant sous la brise marine.

Naturellement, la noce d’Emma traverse les champs à la suite du ménétrier : « Le cortège d’abord uni comme une seule écharpe de couleur, qui ondulait dans la campagne, le long de l’étroit sentier serpentant entre les blés verts, s’allongea bientôt… » (46)

En suivant Bovary lors de ses visites, combien de fois ne le voyons-nous pas à cheval « dans les sentiers dont les blés lui montaient jusqu’aux genoux ? »

Flaubert fait des réflexions pertinentes en matière d’agronomie, nous prouvant qu’il se tenait au courant de l’évolution agricole de sa région.

Les Yonvillais ne semblent pas, à son gré, participer au développement des céréales qui font la richesse du pays de Caux : « Au lieu d’améliorer les cultures, on s’y obstine encore aux herbages, quelque dépréciés qu’ils soient… » (47)

Il différencie nettement le pays de Bray, voué à l’élevage, et le Caux où l’on cultive les céréales : « La prairie s’allonge sous un bourrelet de collines basses pour se rattacher par derrière aux pâturages du pays de Bray, tandis que, du côté de l’est, la plaine, montant doucement, va s’élargissant et étale à perte de vue ses longues pièces de blé » (48)

Il est probable que Flaubert ait assisté aux comices agricoles de Darnétal. Le discours du député Lieuvain montre qu’il connaissait les innovations agricoles en cette seconde moitié du 19e siècle, en pays de Caux. En effet, le lin et le colza prennent leur essor : « …Ailleurs, ce sont les pommiers à cidre ; là, le colza, plus loin, les fromages et le lin ; messieurs, n’oublions pas le lin qui a pris ces dernières années et sur lequel, j’appellerai plus particulièrement votre attention » (49)

Il n’ignore rien de l’installation de manufactures textiles dans les vallées normandes. Le traitement du lin représente une entreprise originale au 19e siècle : « Ils étaient tous, Monsieur et Madame Bovary, Homais et Monsieur Léon, partis voir, à une demi-lieue d’Yonville, dans la vallée, une filature de lin que l’on établissait » (50)

Et ce n’est pas un hasard si la mère Rollet « prend son rouet et se met à filer du lin » ; quelques années plus tôt, elle ne travaillait que la laine.

L’essor agricole de la Normandie est ressenti même sur les sols les plus défavorisés du sud. Bouvard et Pécuchet visitent avec un regard admiratif la ferme modèle de Monsieur de Faverges : « Vu le nombre de ces bestiaux, il s’appliquait aux prairies artificielles ; c’était d’ailleurs un bon précédent pour les autres récoltes, ce qui n’a pas toujours lieu avec les racines fourragères ».

L’image traditionnelle de la « masure » entourée de pommiers subsiste toujours intégrée dans le paysage verdoyant : « Les pommiers étaient en fleurs et l’herbe, dans la cour, fumait sous le soleil levant. Au bord de la mare, à demi couverte d’un drap, une vache beuglait… » (51)

Architecture régionale

La première vision que nous avons d’Yonville est celle des chaumières « encloses de haies, au milieu des cours pleines de bâtiments épars, pressoirs, charretteries et bouilleries disséminés sous les arbres touffus portant des échelles, des gaules… » (52)

L’architecture de ces chaumières semble se fondre au paysage. L’auteur leur donne cette dénomination de « masures » qu’il a empruntée au patois cauchois. Ce mot n’a pas le même sens que celui du français courant. Le terme ne concerne pas uniquement l’habitation normande, mais aussi « l’herbage » planté souvent de pommiers. Il l’utilise en tant que normandisme. On retrouve ces masures chaque fois qu’il évoque nos paysages. Quelle que puisse être l’aisance de leur propriétaire, elles demeurent attachées aux procédés et matériaux de construction locaux. Il nous en fait une description très pittoresque : « Les toits de chaume, comme des bonnets de fourrure rabattus sur des yeux, descendent jusqu’au tiers à peu près des fenêtres basses dont les gros verres bombés sont garnis d’un nœud dans le milieu, à la façon d’un cul de bouteille ». (53)

Même la remarque la plus insignifiante est imprégnée de caractère local. Il a dû se divertir, enfant, à suivre les circonvolutions du « nœud » dans le verre des fenêtres à petits carreaux. (Les fenêtres à petits carreaux des chaumières normandes sont constituées d’un verre grossier, dépoli et noueux). Un détail comme celui-ci a une puissance évocatrice que ne peut ressentir un lecteur originaire d’une autre province. Il décrit ces chaumières en Normand, employant une comparaison significative : ce verre grossier évoque aussitôt dans son esprit les bouteilles de cidre doux. (54)

Lorsque Charles Bovary arrive pour la première fois aux Bertaux, Flaubert énumère les divers bâtiments de la ferme en suivant la progression de l’arrivant. Il est simple de reconstituer le plan original de l’exploitation cauchoise grâce aux indications de l’auteur : « On voyait dans les écuries, par le dessus des portes ouvertes, de gros chevaux de labour qui mangeaient tranquillement dans des râteliers neufs. Le long des bâtiments, s’étendait un large fumier, de la buée s’en élevait… La bergerie était longue, la grange était haute, à murs lisses comme la main. Il y avait sous le hangar deux grandes charrettes… La cour allait en montant, plantée d’arbres symétriquement espacés, et le bruit gai d’un troupeau d’oies retentissait près de la mare ». (55)

046_018Si bouillerie et laiterie ne figurent pas dans la description de l’auteur, c’est que la visite de Charles est interrompue par son entrée dans le corps d’habitation du domaine. Mais Flaubert complétera son esquisse de plan à diverses reprises en évoquant « les cours pleines de bâtiments épars, pressoirs, charretteries et bouilleries » (56)

La habitations cauchoises couvertes de chaume, sont construites en torchis que soutiennent « des lambourdes noires en diagonales » (57)

L’architecture cauchoise s’oppose à celle de Basse-Normandie qui utilise plus couramment la pierre grise.

« La grange était voûtée comme une cathédrale avec des arceaux de briques reposant sur des murs de pierres ». (58)

Différente aussi est la disposition des éléments du corps de ferme. Dispersés en pays de Caux, les « bâtiments de la ferme sont contigus » en Basse-Normandie et « occupent les trois côtés de la cour ». (59)

La société normande : serviteurs, servantes, et fermiers.

La vie des héros flaubertiens acquiert de la réalité parce que mêlée à d’autres existences enracinées au sol normand. Évoluant parmi la foule paysanne aux coutumes particulières, Emma n’est plus une fiction.

Les deux activités économiques de notre province étant l’agriculture et l’industrie textile, Flaubert étudie la psychologie de la paysannerie et celle des industriels rouennais. On perçoit très nettement l’importance accordée par l’auteur au portrait du père Rouault : il représente en effet l’élément-type de la société normande. Il est le fermier « aisé », ayant acquis rapidement cette qualité essentielle normande, qui est le goût de la spéculation. La première présentation du personnage est symbolique. Dans le cadre d’une ferme opulente, il apparaît avec son bonnet de coton et son carafon d’eau-de-vie. Ces deux objets indiquent immédiatement l’origine du père Rouault.

Flaubert a choisi les deux symboles les plus évocateurs de notre province. Le père Rouault ne sait s’exprimer qu’à l’aide de phrases imagées. Il emprunte ses comparaisons au décor qui l’entoure. Ainsi, s’entretenant avec Charles de la mort de sa femme, il ne peut traduire son désespoir qu’avec des images très concrètes : « …J’allais dans les champs pour être tout seul ; je tombais au pied d’un arbre, je pleurais, j’appelais le Bon Dieu, je lui disais des sottises ; j’aurais voulu être comme les taupes que je voyais aux branches, qui avaient des vers leur grouillant dans le ventre, crevé enfin ». (60)

Flaubert montre par l’intermédiaire de Rouault le caractère précaire des profits tirés de l’agriculture. Il suggère peut-être la crise économique de 1848 qui bouleversa la vie de l’agriculture normande. Rouault possède la ruse, qualité primordiale du fermier normand, mais aussi le goût du bien-être et des festins : « Loin d’y avoir fait fortune, le bonhomme y perdait tous les ans car, s’il excellait dans les marchés, où il se plaisait aux ruses du métier, en revanche la culture proprement dite, avec le gouvernement intérieur de la ferme, lui convenait moins qu’à personne ». (61)

Le père Rouault est un bon vivant, gros mangeur et buveur de cidre, comme Flaubert lui-même. Le goût des festins gargantuesques est spécifiquement normand. Les Vikings, nos ancêtres, trouvaient dans cette obsession de la nourriture, une manière de communiquer avec la nature.

Le fermier des Bertaux « ne retirait pas volontiers ses mains de dedans ses poches et n’épargnait point la dépense pour tout ce qui regardait la vie, voulant être bien nourri, bien chauffé, bien couché. Il aimait le gros cidre, les gigots saignants, les glorias longuement battus ». (62)

Si l’œuvre de Flaubert est colorée d’orgies carthaginoises, de repas exquis dans L’Éducation sentimentale, c’est à notre appétit barbare qu’elle le doit.

L’auteur en viendra à confondre très souvent nourritures de l’esprit et du corps : « Elles ont quelque chose de si cru, que cela donne à l’esprit des appétits de cannibale. Il se précipite dessus pour les dévorer, se les assimiler ». (63)

Le père d’Emma éprouve pour l’argent une certaine passion. Flaubert connaissait sans doute ce dicton, affirmant que « les normands ont les doigts crochus ». Monsieur Rouault réfléchit au mariage de sa fille comme à un marché réussi : « Il rumina d’avance toute l’affaire ». (64)

Et le premier sujet de conversation qu’il aborde avec Charles après son introduction dans la famille, concerne l’argent : « On se remit à causer des arrangements d’intérêt » (65)

L’appât du gain est une caractéristique qu’on ne peut dénier aux Normands. il est complété par une passion pour la notion de propriété. « Pour une rente de sept mille cinq cents francs, Madame Bordin proposait à Monsieur Bouvard de lui acheter leur ferme… Car la bonne dame, en vraie Normande, chérissait, par dessus tout, le bien, moins pour la sécurité du capital que pour le bonheur de fouler le sol vous appartenant ». (66)

Il semble même qu’à vivre dans notre province sans en être originaire, on peut être contaminé par cet irrésistible besoin de l’argent. Lheureux, marchand de nouveautés « était un homme habile… Né Gascon, mais devenu Normand, il doublait sa faconde méridionale de cautèle cauchoise… »

« Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il faisait, de tête, des calculs compliqués à effrayer Binet lui-même… » (67)

Le portrait du père Bovary prouve qu’on ne s’improvise pas Normand, Flaubert montre qu’il ne possède aucune qualité pour tirer profit de nos richesses agricoles : « Mais comme il ne s’entendait guère plus en culture qu’en indienne, qu’il montait ses chevaux au lieu de les envoyer au labour, buvait son cidre en bouteilles au lieu de le vendre… Il ne tarda point à s’apercevoir qu’il valait mieux planter là toute spéculation ». (68)

Nous retrouvons souvent la foule des humbles Normands avec leur « bonnet de coton à houppes grises » et leur blouse bleue et ample.

Le mariage d’Emma, les comices agricoles de Ry et les marchés où ils passent leur temps à faire des affaires sont les occasions au cours desquelles Flaubert les décrit. Stature haute, teint rubicond, regard clair : tels sont les traits physiques sous lesquels ils sont peints. Il est dit au début de la vie de Charles qu’il « poussa comme un chêne, acquit de fortes mains, de belles couleurs ». (69)

On peut penser que l’auteur essaie de prouver que nos compatriotes portent les traits distinctifs d’une race indépendante.

Il correspond lui-même exactement à ce portrait physique. Des brouillards normands, émerge toujours la puissante silhouette du viking.

Ils doivent leur teint coloré à l’absorption exagérée d’eau-de-vie de pomme et aux plaisirs démesurés de la table : « Il y eut donc une noce, où l’on resta seize heures à table, qui recommença le lendemain et quelque peu les jours suivants ». (70)

Ils sont très attachés aux coutumes et portent « la blouse dont le col était rabattu sur les épaules, le dos froncé à petits plis et la taille attachée très bas par une ceinture cousue ». (71)

Les Normandes laissent « le vent agiter les longues dentelles de leur coiffe cauchoise » et la lumière fait briller la croix d’or autour de leur cou.

Flaubert éprouvait une grande admiration et une sympathie évidente pour les humbles servantes de la campagne normande. Il n’a pas le mépris d’un Rodolphe pour « ces campagnardes, servantes en bas bleus, à souliers plats, à bagues d’argent, et qui sentaient le lait quand on passait près d’elles ». (72).

Il célèbre leur abnégation extraordinaire et leur humilité : En parlant de Catherine Leroux, il dit : « Dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leur placidité ». (73) Ces êtres sont Normands dans leur attachement servi le pour la terre et les choses.

À l’intention de George Sand, il a consacré l’un de ses trois contes au récit d’une de ces existences exemplaires. Il avait voulu montrer à la romancière que sa Normandie natale recélait autant d’êtres admirables que le Berry. (74)

Que d’amour exprimé pour Félicité qui savait « engraisser les volailles, battre le beurre, et rester fidèle à sa maîtresse ! » (75)

Tous ces portraits très élaborés ou simplement esquissés, permettent de reconstituer la mentalité normande observée par l’auteur.

Ainsi, les Liébard, métayers attentifs à combler Madame Aubain, traversent discrètement le conte. Monsieur Gouy et sa femme, s’affairent dans la ferme de Bouvard et Pécuchet. On peut admirer en cette occasion l’habileté de Flaubert à stigmatiser en quelques mots les défauts de la mentalité locale.

Il accomplit le prodige de nous révéler par une présentation physique les travers moraux du fermier : « l’homme avait le front bas, le nez fin, le regard en dessous, et les épaules robustes ».

Ce « front bas » marque l’enracinement au sol et l’obstination du normand, le nez pincé en traduit l’avarice légendaire et la froideur, et le regard scrutateur vous avertit qu’il ne vous recevra que sur le seuil de sa porte. Il est amusant de comparer ce croquis avec celui que Flaubert trace de lui-même : « Je suis un barbare, j’en ai l’apathie musculaire, les langueurs nerveuses, les yeux verts et la haute taille ; mais j’en ai aussi l’élan, l’entêtement, l’irascibilité ». La ressemblance est troublante, mais l’auteur porte en plus, avec orgueil sur le front, la marque des aventuriers nordiques.

Quant à la noblesse normande elle ne possède aucun trait de personnalité régionale, Rodolphe Boulanger, bien qu’exploitant les terres de son domaine, n’est qu’un hobereau provincial, amateur de femmes.

Flaubert ne le flatte guère, laissant percevoir un certain mépris pour ce « bellâtre ». Il considère avec la même ironie M. de Faverges et sa ferme modèle : « Il avait un costume de basin, la taille raide et les favoris en côtelette, l’air à la fois d’un magistrat et d’un dandy ». (76)

Tous deux sont loin de notre sol bien qu’en tirant des bénéfices. Ils ne sont que de fades copies des dandys de l’époque, considérant les humbles travailleurs normands comme de rustres animaux : « Une petite fille, les pieds nus dans des savates, et dont le corps se montrait par les déchirures de sa robe, donnait à boire aux femmes, en versant du cidre d’un broc qu’elle appuyait contre sa hanche…

(M. de Faverges) haussa les épaules, et tout en s’éloignant, proféra quelques plaintes sur l’immoralité de nos campagnes ». (77)

Il n’y a de normand dans la personne du marquis d’Andervilliers que l’étymologie de son nom. Il a eu le mauvais goût de bâtir un château à l’italienne dans le cadre d’un paysage réservé à la pierre rose des manoirs normands.

Les industriels rouennais et le « garçon »

Le sentiment qui inspire Flaubert lorsqu’il caricature les bourgeois rouennais, est plus fort que le mépris, il se nomme haine. Rouen au 19e siècle, se trouve en plein essor industriel. Ses activités sont basées sur les textiles. Il part en guerre contre tous les Pouyer-Quertier, richissimes manufacturiers et autres Dutuit, filateurs.

Sa correspondance transpire d’invectives. Il ne leur pardonne pas de l’avoir ignoré trop longtemps : « Aussi trouve-t-on que j’ai tort, je devrais aller dans le monde…

J’ai sûrement des mœurs infâmes… telle est l’opinion du bourgeois sur mon compte. À propos du bourgeois, c’est demain qu’il y en aura dans les rues, que de rosettes, de cravates blanches. Le port étincellera de rouennais et de rouennaises… » (78)

Le spectacle auquel assiste Emma au théâtre des Arts, est l’occasion unique de frapper : « Ils venaient se délasser dans les beaux-arts des inquiétudes de la vente ; mais n’oubliant point les affaires, ils causaient encore cotons, trois-six ou indigo. On voyait là des têtes de vieux, inexpressives et pacifiques, et qui blanchâtres de chevelure et de teint, ressemblaient à des médailles d’argent ternis par une vapeur de plomb ». (79)

À l’entracte, Charles renverse son orangeade par inadvertance dans le dos d’une dame. Le mari filateur « s’emporta contre le maladroit ;… murmura d’un ton bourru les mots d’indemnité, de frais, de remboursement » (80)

Le vocabulaire des filateurs rouennais semble particulièrement limité. Les remarques acérées et ironiques constituent une sorte de vengeance contre cette classe aisée : « (La mère Rollet) tirait de l’autre main un pauvre marmot chétif, couvert de scrofules au visage, le fils d’un bonnetier de Rouen ; que ses parents, trop occupés de leur négoce, laissaient à la campagne ». L’infection purulente dont est atteint l’enfant symbolise la mesquinerie et la bêtise du milieu bourgeois rouennais.

Bouvard a compris lorsqu’il pénètre au théâtre des Arts, que la seule manière de lier conversation, consiste à évoquer le « négoce ».

Durant leur adolescence, Flaubert et ses amis, Le Poittevin et Chevalier, avaient créé un personnage qu’ils nommèrent « Le Garçon ». Ce pantin hurleur et ridicule avait trouvé son modèle à Rouen. Il représentait l’étroitesse d’esprit et la stupidité.

Flaubert observait l’original de ce grotesque guignol, quotidiennement dans la rue ou aux « Arts ». Le ton sarcastique avec lequel il poursuit les filateurs de sa haine est issu de la verve du « Garçon ».

Il soupire avec ennui et essaie d’exprimer l’incompréhension existant entre lui et la bourgeoisie rouennaise, dans ses lettres à Le Poittevin : « …As-tu quelquefois écouté attentivement des gens qui parlaient une langue étrangère que tu n’entendais pas ? J’en suis là… Le bourgeois par exemple pour moi est quelque chose d’infini… » (81)

« … Le bourgeois de Rouen est toujours quelque chose de gigantesquement assommant et de pyramidalement bête… » (82)

Il a exploité cette bêtise en composant le dictionnaire des idées reçues, ainsi que Bouvard et Pécuchet. Plus tard, l’auteur étendra la portée de cette caricature rouennaise.

Flaubert et ses normandismes

Les normandismes rappellent la volonté de Flaubert d’intégrer la majeure partie de son œuvre dans un contexte normand. Les termes dialectaux contribuent à fortifier la réalité de ses héros. D’ailleurs, l’emploi de patois cauchois ou normand tisse entre l’auteur et le lecteur normands une complicité. Il a perçu la richesse plus grande du langage régional, car celui-ci possède un caractère plus concret en comparaison avec la langue française classique. Ces normandismes sont si nombreux qu’il nous a paru nécessaire d’en établir un lexique.

Il est composé de termes dialectaux issus de Madame Bovary, Bouvard et Pécuchet, et d’Un Cœur simple. (83)

Nous en précisons l’exactitude en nous référant à trois dictionnaires du patois normand. Ce lexique figure en appendice.

La peinture que Flaubert présente de la mentalité normande témoigne d’une sympathie indulgente à l’égard de ces humbles fermiers. La longue intimité qu’il a entretenue avec eux depuis son enfance, lui a permis de connaître et de comprendre leurs mœurs et leurs coutumes. Il s’est même enrichi inconsciemment de leur patois. Et il s’excusera souvent à ses amis de ses normandismes qui apparaîtront malgré lui dans sa correspondance. Avec la même sincérité, il affirmera le mépris qu’il éprouve vis-à-vis de la bourgeoisie rouennaise, mesquine et bornée.

M. D.

(1) Madame Bovary Œ. C. I, p. 293, Bibl. de la Pléiade.

(2) Voyages Œ. C. II, p. 17/18, Bibl. de la Pléiade.

(3) Madame Bovary Œ. C. I, p. 355, Bibl. de la Pléiade.

(4) Madame Bovary Œ. C. I, p. 343, Bibl. de la Pléiade.

(5) Madame Bovary Œ. C. I, p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(6) Madame Bovary Œ. C. I, p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(7) Madame Bovary Œ. C. I, p. 383, Bibl. de la Pléiade.

(8)Madame Bovary Œ. C. I, p. 355, Bibl. de la Pléiade.

(9) Madame Bovary Œ. C. I, p. 530, Bibl. de la Pléiade.

(10) Madame Bovary Œ. C. I, p. 506, Bibl. de la Pléiade.

(11) Madame Bovary Œ. C. 1, p. 530, Bibl. de la Pléiade.

(12) Madame Bovary Œ. C. I, p. 514, Bibl. de la Pléiade

(13) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II, p. 733. Bibl. de la Pléiade.

(14) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II, p. 784, Bibl. de la Pléiade.

(15) Bouvard et Pécuchet Œ. C. p. 788, Bibl. de la Pléiade.

(16) Bouvard et Pécuchet Œ. C. p. 790, Bibl. de la Pléiade.

(17) Correspondance Lettre à E. Chevalier Œ. C. I. p. 84, Bibl. de la Pléiade,

(18) Un Cœur Simple Œ. C II p. 599, Bibl. de la Pléiade.

(19) Un Cœur Simple Œ. C. II p. 596, Bibl. de la Pléiade.

(20) Un Cœur Simple Œ. C. II p. 616, Bibl. de la Pléiade.

(21) Un Cœur Simple Œ. C. II. p. 592, Bibl. de la Pléiade.

(22) Madame Bovary Œ. C. I p. 304, Bibl. de la Pléiade.

(23) Madame Bovary Œ. C. I p. 436, Bibl. de la Pléiade.

(24) Madame Bovary Œ. C. I. p. 332, Bibl. de la Pléiade.

(25) Madame Bovary Œ. C. I. p. 302, Bibl. de la Pléiade.

(26) Madame Bovary Œ. C. I p. 322, Bibl. de la Pléiade.

(27) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 731, Bibl. de la Pléiade.

(28) Madame Bovary Œ. C. I p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(29) Madame Bovary Œ. C. I p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(30) Madame Bovary Œ. C. I p. 355, Bibl. de la Pléiade.

(31) Madame Bovary Œ. C. I p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(32) Madame Bovary Œ. C. I p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(33) Madame Bovary Œ. C. I p. 736, Bibl. de la Pléiade.

(34) Madame Bovary Œ. C. I p. 438, Bibl. de la Pléiade.

(35) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 733, Bibl. de la Pléiade.

(36) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 783, Bibl. de la Pléiade.

(37) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 787, Bibl. de la Pléiade.

(38) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 784, Bibl. de la Pléiade.

(39) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 788, Bibl. de la Pléiade.

(40) Un Cœur Simple Œ. C. II p. 599. Bibl. de la Pléiade.

(41) Madame Bovary Œ. C. I p. 403, Bibl. de la Pléiade.

(42) Madame Bovary Œ. C. I p. 401, Bibl. de la Pléiade.

(43) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 727, Bibl. de la Pléiade.

(44) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 748, Bibl. de la Pléiade.

(45) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 939, Bibl. de la Pléiade.

(46) Madame Bovary Œ. C. I p. 316, Bibl. de la Pléiade.

(47) Madame Bovary Œ. C. I p. 355, Bibl. de la Pléiade.

(48) Madame Bovary I p. 354, Bibl. de la Pléiade.

(49) Madame Bovary I Œ. C. p. 424, Bibl. de la Pléiade.

(50) Madame Bovary Œ. C. I p. 383, Bibl. de la Pléiade.

(51) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 888, Bibl. de la Pléiade.

(52) Madame Bovary Œ. C. I p. 355, Bibl. de la Pléiade.

(53) Madame Bovary Œ. C. I p. 355, Bibl. de la Pléiade.

(54) Le verre utilisé pour les vitres possède le même aspect que celui des bouteilles dans lesquelles on met le cidre doux.

(55) Madame Bovary Œ. C. I p. 303/304, Bibl. de la Pléiade.

(56) Madame Bovary Œ. C. I p. 345, Bibl. de la Pléiade.

(57) Madame Bovary Œ. C. I p. 355. Bibl. de la Pléiade.

(58) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 735, Bibl. de la Pléiade.

(59) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 735, Bibl. de la Pléiade.

(60) Madame Bovary Œ. C. I p. 309, Bibl. de la Pléiade.

(61) Madame Bovary Œ. C. I p. 312, Bibl. de la Pléiade.

(62) Madame Bovary Œ. C. I p. 312, Bibl. de la Pléiade.

(63) Œ. C III p. 269, Édition Conard.

(64) Madame Bovary Œ. C. I p. 313, Bibl. de la Pléiade.

(65) Madame Bovary Œ. C. I p. 314. Bibl. de la Pléiade.

(66) Bouvard et Pécuchet Œ. C. p. 929 II, Bibl. de la Pléiade.

(67) Madame Bovary Œ. C. I p. 384/385, Bibl. de la Pléiade.

(68) Madame Bovary Œ. C. I p. 296, Bibl. de la Pléiade.

(69) Madame Bovary Œ. C. I p. 298, Bibl. de la Pléiade.

(70) Madame Bovary Œ. C. I p. 314, Bibl. de la Pléiade.

(71) Madame Bovary Œ. C. I p. 315, Bibl. de la Pléiade.

(72) Madame Bovary Œ. C. I p. 416, Bibl. dela Pléiade.

(73) Madame Bovary Œ. C. I p. 428, Bibl. de la Pléiade.

(74)  Un Cœur Simple (le titre des deux autres contes étant : La légende de St-Julien l’hospitalier et Hérodias).

(75) Un Cœur Simple Œ. C. II p. 591, Bibl. de la Pléiade.

(76) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 733, Bibl. de la Pléiade.

(77) Bouvard et Pécuchet Œ. C. II p. 734, Bibl. de la Pléiade.

(78) Correspondance, décembre 1841.

(79) Madame Bovary Œ. C. I p. 499, Bibl. de la Pléiade.

(80) Madame Bovary Œ. C. I p. 498. Bibl. de la Pléiade.

(81) Correspondance Œ. C. I, Bibl. de la Pléiade (Lettre datée du 2 septembre 1845).

(82) Voir note (1).

(83) * Le glossaire du patois normand (Louis Dubois)

* Dictionnaire du patois normand (Edelstand et A. Duméril)

* Memento ou Recueil courant de divers mots, expressions et locutions tirées du patois normand en usage dans le pays de Caux (A.-G. de Fresnay, 1885).