Centenaire des Trois Contes

Les Amis de Flaubert – Année 1976 – Bulletin n° 48 – Page 3

 

Centenaire des Trois Contes

Éditorial

 

L’année 1977 marquera le centenaire de la publication des Trois Contes. Intermède en quelque sorte, et arrêt romancier entre L’Éducation sentimentale, dont le demi-succès a surpris Flaubert et Bouvard et Pécuchet qu’il ne terminera pas. La décade de 1810 à 1880, sa dernière, a été catastrophique pour l’écrivain : la défaite de la guerre franco-prussienne qui l’a autant touché que Renan, l’occupation du Croisset par les Prussiens, la mort de sa mère qui le rendait seul dans la grande maison, avec le testament qui le mettait à la merci de sa nièce pourtant bien aimée, la déconfiture commerciale du mari, la vente regrettée de ses biens propres de la vallée d’Auge pour parer au déshonneur familial, la perte de l’amitié de Laporte venue à son secours. Ah ! Quelle nièce impérieuse et pourtant adorée, comme symbolisant la sœur disparue si tôt.

Les Trois Contes ont été écrits au cours de cette période malheureuse et, pour la première fois, afin de tirer quelque bénéfice de leur parution et dont maintenant il a vraiment besoin. Malgré tout, Flaubert reste maître de son talent. Les ennuis variés qui l’assaillent périodiquement ne l’empêchent pas de composer avec passion et amour des belles lettres. Il maintient son style inimitable et, même, lui donne une légèreté d’exécution que l’on n’avait pas découverte dans ses trois premiers romans. Dans ses feux du crépuscule, une sensibilité plus douce apparaît avec la servante de Madame Aubin, son perroquet et le souvenir des vacances d’autrefois sur les sables de Trouville et l’arrière-pays que représente la région de Pont-l’Évêque, où la famille de sa mère a vécu pendant de longues générations.

Maintenant, les journaux quotidiens, y compris les hebdomadaires les plus littéraires, se détournent des centenaires des grandes œuvres pour vivre dans l’actualité et essayer d’attirer une clientèle plus jeune qui n’a pas le goût des générations plus âgées pour la littérature. Cet oubli ou cette désinvolture n’était pas encore la règle commune il y a dix ans. C’est ainsi que l’on mesure le changement de ton d’une civilisation. Les graphiques, les sondages, les tiercés, les horoscopes leur paraissent plus intéressants pour l’élévation de la culture de leur clientèle qui, malgré ces gages, diminue régulièrement.

Nous serons les seuls à rappeler l’événement. Nous marquerons simplement et sans faste académique ce centenaire qui en vaut bien d’autres. Nous nous réunirons à Croisset avec la présence du docteur Jean Bureau, maire de Pont-l’Évêque, ville natale de la mère de Flaubert. À côté de ses fonctions professionnelles et municipales, le docteur Bureau, avec quelques amis d’Orbec et de Lisieux, s’est toujours fortement intéressé au pays d’Auge, dont il est originaire. Pays de cocagne, dit-on, pour ses fromages, son cidre, son calvados, son élevage, la contrée agricole la plus riche de la Normandie. Il s’est toujours intéressé à Flaubert. Personne n’était plus qualifié que lui pour rappeler ce que ce pays lui a donné, avec sa mère, ses vacances de jeunesse, les biens fonciers dont il hérita, pour son amour secret à l’égard de Mme Schlesinger, pour Trouville quand la plage était encore sauvage et que les peintres venaient y planter leur chevalet durant l’été. De ses souvenirs d’enfant et de jeune homme, sont venus prendre place dans son œuvre littéraire.

On trouvera dans ce présent bulletin un article précis et fort intéressant de Lucien Andrieu, notre dévoué secrétaire. La grande et petite histoire de notre association y est minutieusement racontée depuis sa formation en 1905 jusqu’à la période présente. Il a cru utile de publier à la suite la liste des principaux articles, ce qui permettra à des membres plus récents de se procurer les articles qui les intéressent dans le reste du tirage que nous avons conservé dans cette intention.

Toutefois, nous tenons à manifester notre inquiétude, dans une observation qui tient à ce numéro et pour la première fois depuis que nous nous en occupons. Nos lecteurs remarqueront que nous avons augmenté sensiblement le nombre des échos. Ils sont plus nombreux que d’habitude. La cause est que nous avons manqué d’articles, même brefs. Nous voudrions publier notre bulletin régulièrement sur quarante-huit pages. La centaine de pages annuelle nous apparaît suffisante si elles sont régulières : pas de crues sensibles suivies de fâcheux étiages. Déjà, le bulletin de décembre prochain sera maigre si nous ne recevons pas d’ici octobre d’articles suffisants ; les plus courts sont toujours les plus lus. Un bulletin de quarante-huit pages représente la valeur de quatre-vingts pages dactylographiées, mais il faut les recevoir. Pour une bonne gestion, il faudrait la valeur d’un bulletin d’avance et nous faisons toujours paraître les articles dans l’intervalle de six mois, ce que les grandes revues font attendre une ou plusieurs années, à cause de la pléthore des envois.

Il est nécessaire que nos amis nous adressent des articles d’eux-mêmes, d’étudiants, des échos sur les amis littéraires de Flaubert afin de meubler notre bulletin et de maintenir son intérêt. La tâche présidentielle a besoin d’être allégée par une coopération plus soutenue et nous voulons encore croire à un sursaut de tous ceux qui ont contribué par le passé à aménager et à développer notre revue consacrée à Flaubert.

 

André Dubuc