Autour d’Une Nuit de Don Juan et de Madame Bovary

Les Amis de Flaubert – Année 1979 – Bulletin n° 54 – Page 30

 

Autour d’Une Nuit de Don Juan

et de Madame Bovary de Flaubert

 

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices…

Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !

Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,

Il ferait volontiers de la terre un débris

Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C’est l’Ennui ! — l’œil chargé d’un pleur involontaire,

Il rêve d’échafauds, en fumant son houka.

Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat ;

— Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère !

« Au Lecteur », Les Fleurs du mal

Charles Baudelaire

 

Ah lettrés que nous sommes ! l’humanité est loin

de notre idéal ! et notre immense erreur, notre

erreur funeste, c’est de la croire pareille à

nous et de vouloir la traiter en conséquence.

« À George Sand, le 3 août 1870 »

Correspondance entre George Sand et Gustave Flaubert

Relativement ignoré jusqu’à présent parmi sa production littéraire, Une Nuit de Don Juan, plan jamais réalisé en ouvrage définitif (1), mérite plus d’attention en tant qu’expression de la pensée intellectuelle et esthétique du jeune Flaubert qui culmine dans Madame Bovary. D’après les lettres adressées à Louis Bouilhet entre 1850 et 1851, dans la Correspondance de Flaubert, nous pouvons conclure avec Jean Bruneau (2) que le plan d‘Une Nuit de Don Juan date de cette époque. À notre avis, il y a un point commun entre Une Nuit de Don Juan et Madame Bovary, d’une part, et entre ces deux ouvrages et la pensée même de Flaubert, que Jean de Gaultier nommerait « le bovarysme » (3), d’autre part. Flaubert explique ainsi son concept dans une lettre datée du 3 août 1870, adressée à George Sand : « … l’humanité est loin de notre idéal ! et notre immense erreur, notre erreur funeste, c’est de la croire pareille à nous et de vouloir la traiter en conséquence » (4).

Notre but n’est pas d’établir un lien direct entre la genèse de Madame Bovary et Une Nuit de Don Juan ; les uns veulent attribuer son origine à un fait divers (5), tandis que les autres préfèrent supposer qu’il s’agit du développement d’un plan primitif pour un « roman flamand ». Dans la lettre de Flaubert adressée à Louis Bouilhet et écrite à Constantinople le 14 novembre 1850, nous découvrons non seulement la preuve de cette dernière hypothèse concernant la genèse de Madame Bovary mais aussi la première indication d’un rapport entre son chef-d’œuvre et Une Nuit de Don Juan :

« La société prochainement ira se noyer dans la merde de dix-neuf siècles, et l’on gueulera raide. L’idée « d’étudier la question » me préoccupe. J’ai envie (passe-moi la présomption) de serrer tout cela dans mes mains, comme un citron, afin d’en aciduler mon verre. À mon retour, j’ai envie de m’enfoncer dans les socialistes et de faire sous la forme théâtrale quelque chose de très brutal, de très farce et d’impartial bien entendu… À propos du sujet, j’en ai trois, qui ne sont peut-être que le même et ça m’emmerde considérablement : 1° Une Nuit de Don Juan à laquelle j’ai pensé au lazaret de Rhodes ; 2° l’histoire d‘Anubis, la femme qui veut se faire baiser par le Dieu — c’est la plus haute, mais elle a des difficultés atroces ; 3° mon roman flamand de la jeune fille qui meurt vierge et mystique entre son père et sa mère, dans une petite ville de province… Ce qui me turlupine, c’est la parenté d’idées entre ces trois plans. Dans le premier, l’amour inassouvissable sous les deux formes de l’amour terrestre et de l’amour mystique. Dans le second, même histoire, seulement on s’y baise et l’amour terrestre est moins élevé en ce qu’il est plus précis. Dans le troisième, ils sont réunis dans la même personne et l’un mène à l’autre… »(6)

Nous ne nous opposons pas à l’idée de Bruneau que Flaubert, suivant la suggestion de Louis Bouilhet, transforme son roman flamand en utilisant certains épisodes de la vie de Delphine Delamare (7) ; au contraire, cette hypothèse résout, à notre avis, les deux théories en les unissant pour expliquer la genèse de Madame Bovary.

Nous voulons tenter d’expliquer la raison pour laquelle Flaubert a délaissé le projet consistant à développer Une Nuit de Don Juan au profit de Madame Bovary où nous trouvons réalisés les germes du thème principal du premier : l’unité du désir physique et de l’amour divin. Peut-être Flaubert a-t-il abandonné son projet d‘Une Nuit de Don Juan à cause de la forme, comme il l’écrit le 10 février 1851 à Louis Bouilhet, de Patras : « J’ai beaucoup songé à ma Nuit de Don Juan, à cheval, ces jours-ci. Mais ça me semble bien commun et bien rebâché. C’est retomber dans l’éternelle histoire de la religieuse. Pour soutenir le sujet, Il faudrait un style démesurément fort, sans faiblir d’une ligne » (8). D’après sa correspondance antérieure adressée au même destinataire, nous pouvons supposer que Flaubert eût le projet d’écrire Une Nuit de Don Juan sous une forme dramatique. Le plan est en effet classé dans la section intitulée « Théâtre » dans l’édition des Œuvres complètes illustrées de Gustave Flaubert (9). Cependant, dans la Bibliographie de Gustave Flaubert, de René Dumesnil et de D.-L. Demorest, nous trouvons une référence au « plan d’un conte, Une Nuit de Don Juan »(10). Enfin, Bernard Masson conclut à ce sujet qu’il s’agit d’un roman (11). N’importe laquelle de ces théories est vraisemblable, mais une chose est certaine : si Flaubert a abandonné sa Nuit de Don Juan à cause des difficultés que la forme présentait, il n’en rencontrera pas moins dans la rédaction de Madame Bovary : « Et les grandes pages in-folio, couvertes de sa fine écriture, s’amoncelaient par centaines : on conserve à la Bibliothèque de Rouen 1.800 feuillets de brouillons, rédigés recto et verso, qui s’ajoutent aux 487 feuillets, eux aussi très raturés, du manuscrit définitif » (12). Flaubert, lui-même, a évoqué les affinités entre les deux plans : le roman flamand qui deviendra Madame Bovary et Une Nuit de Don Juan en faisant appel au double thème de l’amour humain et de l’amour divin (13).

En face de l’idéal, de l’aspiration infinie vers l’amour romantique et l’amour divin et de la déception qui en résulte toujours, Flaubert conclut dans une lettre adressée à George Sand et datée du 8 septembre 1871 : « L’humanité n’offre rien de nouveau. Son irrémédiable misère m’a empli d’amertume, dès ma jeunesse. Aussi, maintenant, n’ai-je aucune désillusion » (14). Le thème de l’impossibilité de trouver un amour malgré la recherche perpétuelle, sujet de la première partie d‘Une Nuit de Don Juan, et le choix pour protagoniste de l’éternel déçu, le Don Juan légendaire et littéraire (15), nous semblent répondre parfaitement à l’insatisfaction humaine que Flaubert veut exprimer. Pourquoi alors abandonne-t-il Don Juan en faveur d’Emma Bovary pour exprimer ce qu’on finit par appeler « le bovarysme » que Jean de Gaultier définit : « Par l’aveuglement obstiné avec laquelle elle (Emma Bovary) accomplit son incessante évolution, par sa fin tragique, elle a personnifié en elle cette maladie originelle de l’âme humaine à laquelle son nom peut servir d’étiquette, si l’on entend par « Bovarysme » la faculté départie « à l’homme de se concevoir autrement qu’il n’est, sans tenir compte des mobiles divers et des circonstances extérieures qui déterminent chez chaque individu cette intime transformation… L’idée anticipée qu’elle s’est faite de tous les sentiments la rend inapte à les éprouver dans la vie dont la brutale réalité brise les contours de ses rêves » (16). Dans le plan d‘Une Nuit de Don Juan, Flaubert décrit « le bovarysme » avant la lettre : « Oui, une inquiétude me pousse. Je voudrais… aspiration. — Moins que jamais il ne sait pas ce qu’il voudrait, ce qu’il veut… — Abîme qui sépare toujours l’objet du sujet, et appétit de celui-ci à entrer dans l’autre. — Voilà pourquoi toujours je suis en quête… — Premier sentiment de la femme, excitation du péril. — Et toujours j’ai retrouvé la poitrine de bois. — Comment, mais pourtant quand elles jouissent ! car je vous vois heureux. — Étonnement de la jouissance (calme avant, calme après), c’est ce qui m’a toujours fait soupçonner qu’il y avait quelque chose au-delà. — Mais non. — Impossibilité d’une communion parfaite, quelque adhérant que soit le baiser. — Quelque chose gêne et de soi fait mur. Silence des pupilles qui se dévorent. Le regard va plus avant que les mots. De là le désir, toujours renouvelé et toujours trompé, d’une adhérence plus intime » (17). La distance entre l’être réel et l’être créé de l’imagination de Don Juan et d’Emma Bovary entraîne leur déception, une déception qui aurait moins de conséquence chez des personnages moins sensibles. René Dumesnil définit d’une manière lapidaire le mal de ces deux protagonistes : « L’illusion sur soi précède et accompagne l’illusion sur autrui et sur le monde. Par elle, l’homme est perpétuellement induit en erreur et en tentation pour ce qu’il croit être sa joie, et qui n’est, au fond, que son malheur. Le « bovarysme » nous fait croire que nous sommes tels que nous voudrions être » (18).

Flaubert veut peindre cette erreur humaine et les dangers qui peuvent accompagner le désir impossible d’atteindre un amour divin et un amour sensuel parfaitement unis. Le choix d’un protagoniste qui peut par son exemple représenter un microcosme du macrocosme de ce mal de la société de son époque (19) préoccupe Flaubert aux environs de 1850 et 1851 comme nous l’avons déjà vu. Ce personnage qui doit incarner tout le monde nous rappelle la moralité anglaise du moyen âge, Everyman où le protagoniste allégorique représentant chacun de nous doit rencontrer, seul, la mort. Aucun de ses amis — la Beauté, les Cinq Esprits, la Force, la Volonté — ne veut l’accompagner dans son voyage définitif. « Everyman » apprend qu’au moment de la mort seulement ses forces spirituelles peuvent le soutenir (20). Mais entre le quinzième siècle, quand Everyman a été composé, selon toute indication, et la seconde moitié du dix-neuvième siècle, où régnaient le positivisme et l’athéisme, il y a un grand écart entre les idées religieuses ; dans le monde matérialiste et déterminé où vit Flaubert, il n’existe pas de spiritualisme, de croyance en l’au-delà. Au dix-neuvième siècle, chercher l’être humain qui représente le mieux la condition humaine, pour parler métaphoriquement, c’est chercher la personne en qui il existe le plus grand décalage entre ses rêves, ses illusions et la réalité. Le Don Juan légendaire et littéraire est un homme éternellement insatisfait. Cependant, la femme au dix-neuvième siècle symbolise en elle, même plus intensément, la figure universelle qui fait des rêves qui sont loin d’être à la portée de sa main. Vivant dans un monde très limité et enfermé, la femme bourgeoise du milieu du dix-neuvième siècle compense son étouffement en rêvant davantage du vain essai d’atteindre un idéal qui n’existe pas. Emma Bovary, une femme de province, représente, mieux qu’un homme, même s’il est le Don Juan toujours en quête, l’ennui de son siècle. C’est peut-être la raison pour laquelle Flaubert a choisi, parmi ses trois idées pour une œuvre, celle du roman flamand. « Don Juan est las et finit par avoir l’envie de crever qui vous prend quand on a trop pensé, sans solution » (21). Dans le plan, Don Juan est tué par la statue du Commandeur (au cours du deuxième dénouement) mais contre sa volonté. Emma Bovary s’empoisonne, aux sens propre et figuré, avec ses illusions, les « mensonges vitaux » que tout le monde croit. Dans un monde sans secours physique ou spirituel, ces « mensonges vitaux » sont nécessaires pour garder l’équilibre de l’homme ; mais pris en dose trop forte, ils sont fatals ; de même que le suicide d’Emma n’est rien d’autre qu’une dose trop forte d’un poison à la fois réel et symbolique : l’arsenic et ses rêves pour soulager son ennui, le mal le plus destructif de l’être humain.

La société du dix-neuvième siècle s’empoisonne également avec les rêves du progrès, du pouvoir de la science et de la sécurité du matérialisme. Ces institutions abstraites ne sont pas plus solides et infaillibles que les gens qui les composent. La société éprouve une banqueroute d’idéaux, pareille à la banqueroute littérale d’Emma. D’ailleurs, Don Juan a un confident, un ami : son valet Leporello. Sans amis, Emma Bovary ne trouve ni consolation ni salut de son mal physique et spirituel dans la religion, dans la science ou dans la médecine ; au moment de sa mort, son mari (Charles, l’officier de santé incarnant la Médecine), le prêtre (la Religion) et Homais (la Science) (22) sont incapables de sauver son âme et son corps. Emma reste vraiment toute seule dans sa misère au sein d’une société qui ne peut guérir le mal et la souffrance malgré ses prétentions.

Don Juan et Madame Bovary ne peuvent pas faire face à la réalité qui écrase pour eux la beauté d’un idéal, d’ailleurs irréalisable. Don Juan quitte toujours les femmes par l’ennui de la femme possédée car il retrouve sans cesse « la poitrine de bois » ; la réalité qui le déçoit. Après la consommation de l’amour, l’illusion se désintègre pour lui aussi bien que pour Emma. Pour Don Juan (23) et pour Charles, Léon et Rodolphe (24), la naissance de l’amour vient de l’excitation d’un désir physique. En revanche, Emma reste frigide dans l’acte sexuel et sensuelle dans le désir : « L’amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l’abîme le cœur entier » (25). La nature, la réalité lui font horreur : elle aime l’idée d’avoir un enfant jusqu’à ce que ce dernier démontre sa réalité. Ne pouvant faire les dépenses qu’elle veut, Emma perd son affection maternelle pour Berthe, met l’enfant en nourrice, et quand elle lui rend visite, elle la recouche vite dès qu’elle vomit sur sa collerette (26). Du Théâtre des Arts de Rouen où elle assiste à Lucie de Lammermoor, elle part justement avant que l’héroïne devienne folle (27), préfigurant son propre avenir devant lequel elle recule. Pareillement, Don Juan n’aime pas sa véritable nature de séducteur : « Don Juan souhaite d’être pur, d’être un adolescent vierge. — Il ne l’a jamais été, car il a toujours été hardi, impudent, positif. — Il a voulu se donner les émotions de l’innocence » (28). Il ignore la conséquence de ses actes, et même plus que Madame Bovary qui a tout de même reconnu son enfant : « Rêverie de Don Juan à l’idée que lui soumet Leporello qu’il peut avoir un fils quelque part ? ». Enfin, sous toutes ses formes, la réalité le déçoit : « Autant de femmes et autant d’envies, de jouissances et d’amertumes différentes ». Plus loin, nous lisons : « … l’inconstance qui est le caractère même de Don Juan… » (29). « Les scénarios primitifs », selon Jacques Suffel, « montrent que Madame Bovary lassée de l’adultère et des duplicités, se suicide en somme par neurasthénie. Dans la version définitive, la question d’argent passe au premier plan : ce sont les dettes qui entraînent la décision fatale de la jeune femme » (30). L’insistance sur le côté matérialiste dans la version définitive de Madame Bovary permet à Flaubert de peindre d’une façon plus précise l’instabilité, le déséquilibre d’un être humain noyé dans une illusion à tel point qu’il ne peut plus accepter la réalité et les responsabilités qui l’accompagnent. Emma décrit son état : « … mais le dérangement m’amuse toujours ; j’aime à changer de place » (31). Toujours à la recherche d’un idéal hors de son atteinte, Madame Bovary, comme Don Juan, ruine toutes ses possibilités de satisfaction dans la vie. Symboliquement, Flaubert nous montre cette quête irréalisable en décrivant Emma passant sa langue au fond d’un verre de liqueur, sans qu’elle ne sente rien (32). Don Juan change perpétuellement de femme mais il reste toujours déçu. Comme Emma, il poursuit des illusions qui empoisonnent également sa vie. Dans le plan d’Une Nuit de Don Juan, le protagoniste ne va jamais volontairement aussi loin qu’Emma dans son évasion de la réalité. Dans le fiacre en haut de Rouen avec Léon, Emma commence à perdre son sens de la réalité et son état déséquilibré préfigure sa fuite suprême (33) : la mort. Comme l’Aveugle qui tombe dans la boue en courant après les voitures pour mendier (34), Emma, aveugle figurativement, tombe dans la souillure morale en chassant sa vision romantique, c’est-à-dire en mendiant devant la vie sans voir que sa condition mènera à sa déchéance physique et spirituelle.

Au lieu de condamner Don Juan et Madame Bovary qui sont éternellement mécontents de leur condition humaine, Flaubert les considère en tant qu’êtres supérieurs. On lit dans Une Nuit de Don Juan : « Que le vulgarisme de Leporello fasse ressortir le supériorisme de Don Juan et le pose objectivement en montrant la différence, et pourtant il n’y a de différence que dans l’intensité » (35). Mais Don Juan exige davantage : il veut être l’envie des autres hommes et tout ce que les femmes regardent (36). Réagissant contre son milieu bourgeois incarné par Charles, l’homme moyen sensuel, Emma Bovary « reporta sur lui seul la haine immense qui résultait de ses ennuis… Sa propre douceur à elle-même lui donnait des rébellions. La médiocrité domestique la poussait à des fantaisies luxueuses, la tendresse matrimoniale en des désirs adultères ». (37). Dans le système esthétique de Flaubert, la médiocrité bourgeoise est la plus laide et lui fait horreur. Bien que Charles et les femmes délaissées par Don Juan soient des victimes de leur médiocrité, de leur naïveté et de leur ignorance, Emma et Don Juan sont nettement supérieurs, dans les yeux de Flaubert, car ils aspirent à un idéal élevé. Le fait qu’ils ne l’atteignent pas est sans importance ; c’est leur recherche de quelque chose hors de la société bourgeoise qui les rend supérieurs. Cependant, tous les deux s’aliènent de la réalité sans pour cela y apporter quelque chose de positif pour la changer.

Flaubert ne croit pas en un au-delà : pour lui, la vie se termine spirituellement et physiquement avec la mort. L’homme est prédéterminé par les gènes, non par Dieu. Madame Bovary a trop aveuglément adhéré à ses illusions et elle a fini par être victime de l’impossibilité de l’unité de l’idéal et de la réalité, de l’amour mystique et de l’amour humain. Dans le plan d‘Une Nuit de Don Juan, Flaubert traite de la question de l’unité du désir mais le passage de la scène dans une ambiance « sans qu’on puisse distinguer le fantastique du réel » (38) affaiblit, à notre avis, la crédibilité et ainsi la thèse en question. Don Juan pénètre dans un couvent où dort Anna-Maria qui lui raconte sa maladie, sa mort et son expérience religieuse. Selon Bruneau, « L’amour terrestre et l’amour divin sont donc confondus dans cette âme de vierge, comme d’ailleurs dans celle de Don Juan lui-même : « Ce qu’est le Christ pour Anna-Maria, mais il ne me répond pas dans mon amour. — Oh ! je l’ai bien prié pourtant ! Pourquoi n’a-t-il pas voulu, pourquoi ne m’a-t-il pas écoutée ? Aspirations de chair et d’amour vrai (complétant l’amour mystique), en parallèle avec les aspirations dévergondées de Don Juan qui a eu, dans ses autres amours, surtout aux moments de lassitude, des besoins mystiques » (39). Le rapprochement, par Bruneau (40), de la vie d’Emma au couvent avec celle d’Anna-Maria est très juste : Anna-Maria et Emma Bovary recherchent le côté sensuel, matérialiste dans la vie mystique pour les unir. Comme Madame Bovary, Anna-Maria désire ce qu’elle ne connaît pas (41). Elle retombe morte à la fin du tableau et avec le lever du jour (42), indiquant ainsi que tout se passe dans le fantastique ; le Don Juan de Flaubert reste fidèle aux grandes lignes des légendes et des versions littéraires de ce mythe. Nous pensons que Flaubert a délaissé le plan d‘Une Nuit de Don Juan, au moins en partie, en raison du fantastique qui implique un au-delà qui n’existe pas pour lui, comme l’explique bien Bruneau : « Après le départ de Rodolphe, Emma devient dévote ; déçue par l’amour humain, elle découvre  » un autre amour au-dessus de tous les amours, sans intermittence ni fin, et qui s’accroîtrait éternellement  » et elle adresse « au Seigneur les mêmes paroles de suavité qu’elle murmurait jadis à son amant, dans les épanchements de l’adultère ». Elle échoue et reporte ses désirs quelques pages plus loin, sur le ténor Lagardy et sur Léon » (43). L’échec de l’amour mystique, des promesses de la religion est souligné ironiquement par Flaubert : il décrit Emma au moment où elle reçoit le sacrement dans une dernière tentative d’atteindre son idéal d’un amour mystique uni avec un amour humain : « Le prêtre se releva pour prendre le crucifix ; alors, elle allongea le cou comme quelqu’un qui a soif et, collant ses lèvres sur le corps de l’Homme-Dieu, elle y déposa de toute sa force expirante le plus grand baiser d’amour qu’elle eût jamais donné… Cependant, elle n’était pas aussi pâle, et son visage avait une expression de sérénité, comme si le sacrement l’eût guérie » (44). Toute cette description n’a pour but que de faire ressortir plus ironiquement l’échec de la religion, du salut spirituel d’Emma, car quelques minutes plus tard, on la voit mourir désespérée en entendant la voix de l’Aveugle : « Emma se releva comme un cadavre que l’on galvanise, les cheveux dénoués, la prunelle fixe, béante… — L’aveugle ! s’écria-t-elle. Et Emma se mit à rire, d’un rire atroce, frénétique, désespéré, croyant voir la face hideuse du misérable qui se dressait dans les ténèbres éternelles comme un épouvantement… Une convulsion la rabattit sur le matelas. Tous s’approchèrent. Elle n’existait plus » (45). La présence de l’Aveugle au moment de la mort d’Emma n’est pas un détail gratuit : l’air folklorique, hors de tout temps, qu’il est en train de chanter sous sa fenêtre, raconte l’histoire d’une fille dont le jupon court s’envola dans le vent, de même que la vie spirituelle et physique d’Emma disparaît sans marque. La laideur de sa mort qu’elle avait envisagée d’une façon romantique souligne l’impossibilité de réaliser des rêves dans un monde matérialiste.

L’ambiguïté des deux dénouements dans le plan d‘Une Nuit de Don Juan — l’un avec la mort d’Anna-Maria où Don Juan s’enfuit suivant la scène où elle lui a raconté son expérience religieuse, et l’autre où la Sœur Maria va mourir, où Don Juan et Leporello arrivent par coïncidence au couvent et où Don Juan finit par coucher avec Thérèse qui se sacrifie pour sauver l’âme de celui-ci — rend difficile à juger les intentions de Flaubert. La fuite de Don Juan dans le premier dénouement indique son incapacité à faire face à la réalité de la mort, ce qui sera peut-être une déception pour Anna-Maria comme elle l’est pour Emma Bovary. Don Juan ne meurt pas mais on imagine son échec devant sa quête perpétuelle pour un amour mystique et un amour humain unis. La conversion de l’âme de Don Juan dans le deuxième dénouement, où la statue du Commandeur engouffre le protagoniste, manque de conviction : l’introduction de Thérèse au moment de la mort de Maria perpétue l’image d’un Don Juan courtisant toutes les femmes. Mais le salut de son âme, qui vit après son corps mort, grâce au sacrifice de la jeune fille, la dernière qu’il connaisse avant son décès, nous semble invraisemblable ; nous pensons que Flaubert a écrit ce passage hâtivement. Néanmoins, en libérant Don Juan de la punition éternelle qu’il subit, selon la plupart des légendes et des versions littéraires, l’auteur normand communique un message à ses lecteurs : il n’y a pas d’Enfer. Il sauve l’âme de Don Juan mais sans conviction, car pour Flaubert il n’y a pas de Ciel non plus. Au point de vue de l’intrigue, Madame Bovary reste plus fidèle à la pensée de Flaubert, ce qu’explique Jean de Gaultier : « … Tous les personnages de Flaubert ressemblent à des êtres consistants et trop légers que le poids de leur corps ne retient pas à terre ; l’ouragan des images les déracine du terrain de la vie réelle ; ils n’ont pas de consistance personnelle pour faire contrepoids à la traction qui les sollicite, et cette traction qui, pour des êtres mieux constitués, serait un secours atténuant l’effort de la marche, les arrache à eux-mêmes, à leurs véritables inclinations, à leurs réels désirs » (47). Emma Bovary se noie dans ses rêves à cause du décalage entre ces illusions romantiques et la réalité trop brutale pour une femme aussi sensible. Si nous acceptons le premier dénouement d‘Une Nuit de Don Juan comme étant celui que Flaubert aurait utilisé, nous le voyons s’enfuir : au dix-neuvième siècle, il y avait plus de possibilités pour l’homme que pour la femme. Même dans le deuxième dénouement, Don Juan, tout en rencontrant la fuite suprême, la mort, est sauvé spirituellement. En tant que femme, Emma n’a pas eu les mêmes possibilités — ni pour poursuivre sa vie ni pour connaître le salut de son âme — dans un univers qui a enlevé toutes ses options.

Dans un tel monde matérialiste, Flaubert ne voit qu’un seul véritable salut : l’art. Comme il avait rencontré des problèmes de forme dans Une Nuit de Don Juan (48), Flaubert a concentré tous ses efforts pour se discipliner à rédiger Madame Bovary. L’art d’écrire qui résulte de l’illusion complète et de la discipline du langage, de la fantaisie et de la réalité concrète du livre est un substitut pour la vérité absolue que nous ne pouvons atteindre. Ni Emma Bovary, ni Don Juan ne parviennent à s’imposer une discipline dans leur recherche d’un idéal, et leur vision limitée dans une seule direction a des résultats catastrophiques pour eux-mêmes comme pour d’autres. L’art élargit et change la réalité dans ses confins mêmes ; en présentant une nouvelle image de cette réalité, l’art peut apporter des améliorations à travers les idées qu’il présente. Pour Flaubert, la discipline qu’il s’est imposée à lui-même pour écrire Madame Bovary lui a permis de créer une illusion viable sans détriment, un salut personnel où l’esthétique remplace la morale.

Debra Linowitz Wentz

Créteil

(1) Dans une note très complète, Jean Bruneau, prés. Correspondance de Flaubert, 2 tomes (Paris : Gallimard, 1973) 1 : note 2, p. 1120, 708 (2), nous trace un bilan des éditions de ce plan : « Le plan d‘Une Nuit de Don Juan a été publié par Guy de Maupassant dans sa préface aux Lettres de Flaubert à George Sand, Paris : Charpentier, 1884, p. XLV-LIII, et dans les Œuvres complètes de Gustave Flaubert, Paris, éd. Quantin, 1885, t. VII, p. XXXVII-XLIIl. Ce plan est reproduit dans les Œuvres de jeunesse inédites, éd.Conard, t. III, p. 321-325. Toutes ces publications fourmillent d’erreurs, de suppressions et d’ajouts : « Il faudrait une nouvelle édition d‘Une Nuit de Don Juan ». Pour les citations de notre article nous utilisons une publication postérieure de ce plan qui se trouve dans les Œuvres complètes illustrées de Gustave Flaubert (Paris : Librairie de France, 1924).

(2) Jean Bruneau, Les débuts littéraires de Gustave Flaubert 1831-1845 (Paris : Armand Colin, 1962), note, p. 477. Nous refusons la thèse de M.E.W. Fischer qui veut que ce plan de « … la fameuse Nuit de Don Juan qu’il [Flaubert] voulait insérer dans la seconde partie de Bouvard et Pecuchet appartienne à une période plus avancée. Études sur Flaubert inédit (Leipzig : Julius Zeitler, 1908), p. 10. Traduit de l’allemand par Benjamin Ortier.

(3) Jean de Gaultier, Le Bovarysme (Paris : Léopold Cerf, 1892).

(4) Gustave Flaubert et George Sand, Correspondance entre Gustave Flaubert et George Sand (Paris : Calmann-Lévy, 1904), p. 226.

(5) Jacques Suffel, dans la préface de Madame Bovary (Paris : Garnier-Flammarion, 1966), p. 14-15 note : « Le sujet du livre lui avait été fourni par un obscur scandale, survenu dans un village du pays normand. On a retrouvé en effet la trace d’un pauvre diable d’officier de santé, nommé Eugène Delamare…, devenu veuf, se remaria… Union malheureuse : la jeune femme eut des aventures, fit des dettes et mourut, le 6 mars 1848, àl’âge de vingt-sept ans, laissant une fillette. Son suicide n’est pas certifié par des témoignages authentiques. L’année suivante, le mari s’éteignit à son tour. Telles sont les grandes lignes véridiques du roman ».

(6)Flaubert, Correspondance, op. Cit., 1 : 708.

(7) Jean Bruneau, Les débuts littéraires de Gustave Flaubert, op. cit., p. 516-17. Ilapprofondit son idée à l’aide d’une note de la Correspondance de Flaubert, op. Cit., 1 :1121, note 4 : « Le roman flamand » pourrait être une première ébauche de Madame Bovary… Flaubert écrit à Mlle Leroyer de Chantepie, le 30 mars 1957 (Conard, t. IV, p. 168-169) : « … L’idée première que j’avais eue était d’en faire une vierge, vivant au milieu de la province, vieillissant dans le chagrin et arrivant ainsi aux derniers états du mysticisme et de la passion « rêvée ». J’ai gardé de ce premier plan tout l’entourage (paysages et personnages assez noirs), la couleur enfin. Seulement pour rendre l’histoire plus compréhensible et plus amusante, au bon sens du mot, j’ai inventé une héroïne plus humaine, une femme comme on en voit davantage ».

(8) Flaubert, Correspondance, Ibid., p. 750.

(9) Flaubert, Œuvres complètes illustrées de Gustave Flaubert, op. cit.

(10) René Dumesnil et D.-L. Demorest, Bibliographie de Gustave Flaubert (Paris : L. Giraud-Badin, 1937), p. 352.

(11) On peut déduire de ces confidences qu’il s’agit d’un projet du roman, ruminé durant le voyage d’Orient, et qui sera abandonné par la suite moins pour des raisons de fond que de forme ; … Bernard Masson, prés., Œuvres complètes de Flaubert, 2 vol. (Paris : Le Seuil, 1964), p. 721.

(12) Jacques Suffel, prés., Madame Bovary, op. cit., p. 18.

(13) V. la note 6.

(14) Flaubert, Correspondance entre George Sand et Gustave Flaubert, op. cit., p. 262. Egbuna Modum, dans son article, « Les idées littéraires et politiques de George Sand et Gustave Flaubert », Bulletin des Amis de George Sand, n° 1, 1978, p. 30, approfondit la pensée de l’auteur de Madame Bovary : « Flaubert, en véritable enfant du siècle, refuse toutes les théories politiques et sociales de son temps. Il les considère comme des formules vides de promesse et qui ne procurent rien à l’humanité, sinon l’entraîner d’une déception à une autre, d’une maladresse à une autre, d’une souffrance à une autre ».

(15) Don Juan est traditionnellement le mâle classique qui vainc tous les obstacles. Il attire les femmes, les séduit et après, il les abandonne. Selon toute apparence, il n’est qu’à la recherche du plaisir. Mais, en réalité, il recherche un amour idéal et comme l’expérience humaine le déçoit chaque fois, il recommence sa quête, il faut tenir compte qu’une définition générale de Don Juan n’existe pas parce qu’on ne peut pas réduire tous les éléments psychologiques de ce personnage en une seule description. Il faut examiner Don Juan dans chaque pièce, chaque roman, chaque légende ou même chaque poème où il paraît pour déterminer son caractère sous des formes multiples.

(16) Jean de Gaultier, op. cit., p. 26 et 33.

(17) Gustave Flaubert, Une Nuit de Don Juan, Œuvres complètes illustrées de Gustave Flaubert, op. cit., p. 455-56.

(18) René Dumesnil, Gustave Flaubert. L’Homme et l’Œuvre (Paris : Desclée de Brouwer et Cie, 1932), p. 460.

(19) Dans une lettre à George Sand, datée du 29 avril 1871 selon Egbuna Modum, op. cit. l’auteur du plan d‘Une Nuit de Don Juan décrit les illusions de sa société : « Toujours des formules ! Toujours des dieux ! L’avant-dernier dieu, qui était le suffrage universel, vient de faire à ses adeptes une farce terrible en nommant « Les assassins de Versailles ! À quoi faut-il donc croire ? À rien ! C’est le commencement de la sagesse ». Correspondance entre George Sand et Gustave Flaubert, op. cit., p. 249.

(20) Anthony Burgess, English Literature (London : Longman Group Limited, 1974), p. 58.

(21) Flaubert, Une Nuit de Don Juan, op. cit., p. 457.

(22) Celui-ci [Homais] incarne le Bovarysme intellectuel : l’esprit surexcité par les mirages du progrès, l’imagination surchauffée par la vulgarisation des idées philosophiques, il s’est épris d’un idéal scientifique dont la médiocrité de son intelligence et l’insuffisance de son instruction lui interdisent l’accès… De même que Mme Bovary a déformé les sentiments pour les adapter aux modes de sa sensibilité, il déforme les idées, les étrique et les rogne afin de les pouvoir retenir… dans l’étroite cavité de son cerveau ». Jean de Gaultier, op. cit., p. 44.

(23)Flaubert, Une nuit de Don Juan, op. cit., p. 456.

(24) « … Il [Charles] sentit la poitrine effleurer le dos de la jeune fille, courbée, sous lui… Au lieu de revenir au Bertaux trois jours après, comme il l’avait promis, c’est le lendemain même qu’il y retourna, puis deux fois la semaine régulièrement, sans compter les visites inattendues qu’il faisait de temps à autre, comme par mégarde ». Plus loin on lit : « Mme Bovary, quand elle fut dans la cuisine, s’approcha de la cheminée. Du bout de ses deux doigts elle prit sa robe à la hauteur du genou, et, l’ayant ainsi remontée jusqu’aux chevilles, elle tendit à la flamme… De l’autre côté de la cheminée, un jeune homme à chevelure blonds [Léon] la regardait silencieusement ». Enfin, on voit la scène suivante passe devant les yeux de Rodolphe qui deviendra bientôt après son amant : « Mme Bovary prit la cuvette, pour la mettre sous la table ; dans le mouvement qu’elle fit en s’inclinant… sa robe s’évasa autour d’elle sur les carreaux de la salle ; et, comme Emma, baissée, chancelait un peu en écartant les bras, le gonflement de l’étoffe se crevait de place en place, selon les inflexions de son corsage ». Flaubert, Madame Bovary, présentée par Jacques Suffel, op. cit., p. 50, 144 et 160.

(25) Ibid., p. 133.

(26) Ibid., p. 122, 125 et 126.

(27) Ibid., p. 253.

(28)Flaubert, Une Nuit de Don Juan, op. cit., p. 455.

(29) Ibid., p. 456, 457 et 459.

(30) Jacques Suffel, prés., Madame Bovary, op. cit., p. 17.

(31) Flaubert, Ibid., p. 115.

(32) Ibid., p. 56.

(33) « Quelque chose de vertigineux se dégageait pour elle de ces existences amassées et son cœur s’en gonflait abondamment… Son amour s’agrandissait devant l’espace et s’emplissait de tumulte aux bourdonnements vagues qui montaient. Elle le reversait au dehors, sur les places, sur les promenades, sur les rues et la vieille cité normande s’étalait à ses yeux comme une capitale démesurée, comme une Babylone où elle entrait ». Ibid., p. 287-88.

(34) Ibid., p. 291-92.

(35) Flaubert, Une nuit de Don Juan, op. cit., p. 457.

(36) Ibid.

(37) Flaubert, Madame Bovary, op. cit., p. 141.

(38)Flaubert, Une Nuit de Don Juan, op. cit., p. 457.

(39) Ibid., p. 458.

(40) Jean Bruneau, Les Débuts littéraires de Gustave Flaubert, op. cit., p. 517-18 :

« La vie d’Emma au couvent, la chapelle où elle s’assoupit doucement à la langueur mystique qui s’exhale des parfums de l’autel, de la fraîcheur des bénitiers et du rayonnement des cierges, le confessionnal où Emma invente de petits péchés afin de rester plus longtemps, à genoux dans l’ombre, les mains jointes, le visage à la grille sous le chuchotement du prêtre, les formules mystiques qui lui [soulèvent] au fond de l’âme des douceurs inattendues, tout cela lui rappelle la vie conventionnelle d’Anna Maria. (172) Note 172 : Comparer Une Nuit de Don Juan : J’aimais beaucoup le confessionnal. Elle s’en approchait avec un sentiment de crainte voluptueuse, parce que son cœur allait s’ouvrir. — Mystère, ombre. — Mais elle n’avait pas de péchés à dire, elle aurait voulu en avoir. Il y a, dit-on, des femmes à vie ardente, — heureuse. (Œuvres de jeunesse, t. III, p. 324). »

(41) Flaubert, Une Nuit de Don Juan, op. cit., p. 459.

(42) Ibid.

(43) Bruneau, Les Débuts littéraires de Gustave Flaubert, op. cit., p. 518.

(44)Flaubert, Madame Bovary, op. cit., p. 342-43.

(45) Ibid., p. 344.

(46) « — Il la reconnaît quoiqu’il ne l’ait jamais vue — ils se reconnaissent — tu mourras si je t’embrasse — non, tu vivras — suspension — ils se couchent —il veut l’emmener — il la prend pour la descendre sur son cheval — elle meurt sur le bord de la fenêtre. Ce qu’elle avait donné à Don Juan ne périt pas quand la statue du Commandeur l’engouffra. » Flaubert, Une Nuit de Don Juan, op. cit., p. 460.

(47) Jean de Gaultier, op. cit., p. 18.

(48) V. la note 8.