Centenaire de la mort de Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1980 – Bulletin n° 56 – Page 3

 

Centenaire de la mort de Flaubert

Éditorial

 

Il était normal que les diverses manifestations rouennaises pour le centenaire de la mort de Gustave Flaubert aient lieu à une date rapprochée du 8 mai, jour de sa mort. Il en fut ainsi. Des organisations autres que la nôtre consacrée à sa mémoire, ont agi séparément, volontairement ou non, mais aussi faute de coordination préalable autant sur le plan local que départemental. Pour notre part nous nous y serions conformés, sachant que les Rouennais auraient été mobilisés davantage par cet événement.

Il est certain que Flaubert est surtout Rouennais. Les Havrais, les Dieppois le considèrent ainsi et se sentent moins concernés par lui. Maupassant plus cauchois dans ses contes, les sensibilise davantage. Aussi est-ce à Rouen que se sont concentrées les principales manifestations. Comme nous l’avons parfois écrit, la ville est plus musicienne que littéraire. Et puis, Flaubert s’éloigne dans le passé. Les jeunes générations ne le sentent plus comme la nôtre, ayant vaguement connu le centenaire de sa naissance en 1921, où on pouvait encore le juger comme un contemporain. Depuis cette date, il s’est passé tant d’événements qui ont bouleversé nos modes de vie et de pensée. De plus, la presse locale, sauf Liberté-Dimanche qui lui a consacré deux pages entières, sans se montrer réticente, n’a pas donné à ce centenaire toute la place qu’un journal vraiment local aurait dû lui donner pour attirer l’attention de la population.

Avant tout, il faut signaler la belle exposition préparée méticuleusement par la bibliothèque municipale de Rouen, présentée au rez-de-chaussée du musée des Beaux-Arts et restée ouverte pendant deux mois. Le directeur, M. Simonnet, et sa jeune collaboratrice, Mlle Claire Fons, ont su faire venir à Rouen, nombre de pièces intéressantes en plus des collections de la ville déjà considérables. Paris, en octobre prochain, ne pourra guère faire mieux et de différent.

Notre regret sur le plan de la réussite est que le colloque littéraire sur Flaubert et Maupassant, écrivains normands, à la Faculté des Lettres de Rouen  Mont-Saint-Aignan, ne se soit pas tenu dans la ville même, comme il y a onze ans pour le centenaire de l’Éducation Sentimentale. Il a été pratiquement ignoré, surtout que le programme et les heures de séance n’ont point été donnés dans le quotidien local, que la plupart des Rouennais consultent surtout pour connaître les événements locaux importants. Trop de professeurs sont seulement Rouennais entre deux trains de Paris et méconnaissent les habitudes tatillonnes des Rouennais.

Pour ne gêner personne, nous avons concentré tous nos efforts sur le samedi après-midi et dimanche toute la journée : un après-midi rouennais et une journée normande par autocar. Nous sommes naturellement montés au Cimetière monumental fleurir sa tombe, celle de son frère et de son ami Louis Bouilhet, uniquement avec du lilas puisqu’il y était arrivé, il y a cent ans, avec du lilas de Croisset. Nous avons suivi le même chemin que celui de 1880 parcouru par Maupassant, Zola, Daudet, Goncourt et bien d’autres venus l’accompagner au cimetière. Nous pouvions être une soixantaine, presque tous membres de notre société, auquel s’étaient joints une quinzaine de Nantais venus pour les cérémonies du centenaire. Nous pensons que c’était le premier devoir à lui rendre, nous qui sommes des fidèles constants à sa mémoire et à son œuvre. Nous devons manifester notre remerciement à la municipalité rouennaise, qui a remis en état les tombeaux fortement délabrés par le temps : c’est un geste particulier auquel tous ceux qui nous accompagnaient ont été sensibles.

Nous avons profité de notre venue au Cimetière monumental pour déposer des fleurs sur la tombe de notre ancien président Jacques Toutain enterré avec son père Paul Toutain, en littérature Jean Revel. Nous devons à l’un, la remise en route de la société fondée en 1905, organisée en 1914 et réapparue grâce à son dévouement en 1948. À son père, nous devons l’achat du pavillon de Croisset en 1907 et que nous avons offert à la ville.

Ensuite, nous sommes allés à l’Hôtel-Dieu visiter l’appartement de ses parents et sa chambre natale, puis au pavillon de Croisset où nous sommes demeurés assez longtemps, ensuite à la mairie de Canteleu-Croisset où est déposée le reste de sa bibliothèque et nous sommes rentrés à Rouen, en parcourant la rue Martainville. Nous nous sommes séparés devant sa statue place des Carmes. Ce fut notre pèlerinage rouennais.

Le lendemain, nous sommes allés à Pont-l’Evêque, Trouville. Deauville, avons déjeuné à Routot, puis par le nouveau pont des Meules, nous sommes allés à Tôtes, Saint-Victor, Saint-Saëns, Buchy, Blainville-Crevon, Ry, Martainville, Darnétal et Rouen, plus de trois cents kilomètres dans la journée. Ce fut notre façon de marquer ce centenaire. Tous ceux qui nous ont accompagnés ont pu voir, rapidement certes, les régions normandes où Flaubert a placé une partie de son œuvre. Tous ont paru satisfaits et certains accomplissaient ce périple pour la première fois.

Nous avions souhaité avoir, pour la fin avril, l’ouvrage que nous avons élaboré rapidement pour marquer ce centenaire et dont nous donnons le sommaire dans ce numéro. Il demeurera la marque tangible de notre préoccupation. Si la présentation est parfaite, nous regrettons les erreurs typographiques que nous n’avons pu corriger avec notre précipitation à vouloir qu’il soit publié pour le 8 mai. Nous vous prions, pour ceux qui tiendront à se le procurer, de bien vouloir nous en excuser.

Dans l’ensemble, et malgré le manque de coordination principalement, nous avons célébré honnêtement et dignement ce centenaire. Paris, où il a périodiquement vécu, marquera son souvenir avec un grand colloque en octobre et une exposition à la Bibliothèque Nationale. Dans les temps éprouvants que nous vivons, il est bon de s’occuper du souvenir de ceux qui ont laissé une œuvre littéraire au-delà de leur siècle.

André DUBUC