L’esprit de franchise de Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1980 – Bulletin n° 57 – Page 40

 

L’esprit de franchise de Flaubert

 

Dans les papiers épars de Flaubert à la bibliothèque municipale de Rouen (ms g7 / 226 f° 289), retrouvé cet écho, paru dans le Voltaire du 20 décembre 1879 :

« Nous allons avoir un nouveau roman de l’auteur de Madame Bovary, titre B… et P… La discrétion nous défend d’en dire davantage. Cet ouvrage paraîtra chez Charpentier avant la fin de l’hiver.

Chaque fois que l’on parle de Gustave Flaubert, on se raconte à Rouen une histoire bien caractéristique.

Un soir qu’on y jouait Hernani, toute la famille Flaubert se trouvait placée dans une loge du balcon, tandis que Gustave qui sortait du collège était seul à l’orchestre. Une cabale s’était formée qui siffla vertement le premier acte du drame.

Le rideau tombe, les siffleurs se taisent et, de sa loge de balcon le docteur Flaubert qui savait son fils très admirateur de Hugo, lui fait un signe de tête qui voulait dire :

— Que penses-tu de cela ?

Le jeune homme, peu maître de lui, se dresse, oubliant complètement où il était et d’une voix de stentor, qu’il a d’ailleurs encore :

— Tous ceux qui sifflent sont des crétins ! s’écria-t-il.

Notez qu’aujourd’hui Flaubert a la même franchise. C’est lui, qui, à Compiègne, devant l’empereur et l’impératrice, célébra avec enthousiasme l’esprit de Rochefort et, pour prouver son dire, tira de sa poche un exemplaire de La Lanterne ! »