Michel Tournier et Gustave Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1980 – Bulletin n° 57 – Page 41

 

Michel Tournier et Gustave Flaubert

 

Le dernier ouvrage de ce romancier Gaspard, Melchior et Balthazar, les trois mages des légendes chrétiennes, auxquels il a cru bon d’en ajouter un quatrième, connaît un succès certain. Il sait écrire simplement ce qui est plutôt rare de nos jours et son style est à la fois plaisant et enchanteur.

Interrogé par Michel Rouart (Le Quotidien de Paris, 4 novembre 1980) qui lui a posé plusieurs questions dont celle sur l’Orient pour la première fois dans son œuvre déjà importante. Il lui répond : « Oui, je ne suis pas le seul. Rappelez-vous que Flaubert est mon maître. Hérodiade et Salammbô sont très proches de ce que j’ai voulu faire, tellement proches que je me suis bien gardé de le relire pour ne pas être à la fois paralysé et influencé. C’est un modèle extraordinairement dangereux que celui de Flaubert. Pour moi le plus grand roman de Flaubert, c’est Salammbô, mille fois supérieur à Madame Bovary et à l’Éducation sentimentale que je ne comprends pas beaucoup. »

Ses préférences vont pour les auteurs et les romans réalistes. Mais d’un réalisme antique. « Vous savez que Flaubert disait de Salammbô : « Je veux faire un roman qui sente l’encens et l’urine. Je me réclame de ce que j’appellerais le naturalisme mystique. Je suis assez proche de Huysmans. La transcendance existe, mais elle est au fond des choses et pas dans le ciel. Il ne faut pas fuir dans le néant du ciel ou de la lune. Tout le monde sait maintenant mais moi je m’en étais douté que la lune était un désert de plâtre. Dieu se trouve au fond des choses et au fond des êtres. C’est-à-dire dans les lieux qui sentent l’encens et l’urine… »