Structure motivante du premier chapitre de B. et P.

Les Amis de Flaubert – Année 1981 – Bulletin n° 58 – Page 5

 

La structure motivante du premier chapitre
de Bouvard et Pécuchet — 1

 

« Que les détails concourent à un seul but,
que l’intérêt grandisse,
que la fin réponde au commencement. » (G. Fl.)

Il est deux manières de lire une exposition. La première, linéaire, inductive, accumule les renseignements à mesure qu’elle avance dans l’étalement linéaire du récit. Elle additionne des informations nouvelles, les confrontant, les rajustant à son acquis progressif, lequel s’élabore en confondant consécution et conséquence des faits (1). Le début du récit sert d’éclairage à toute la suite, une mémoire synthétique recueille les éléments importants pour alimenter la flamme d’une lanterne indispensable à la compréhension du déroulement ultérieur. Le lecteur est promeneur, cette lanterne à l’esprit, le long du récit, à la recherche de la signification.

La seconde lecture, rétroactive, revient sur ses traces déceler les points d’ancrage et les points de fuite dans les réseaux de sens du récit. Elle s’assimile à la démarche d’un jeune amateur de roman policier qui, ravi et piqué d’avoir été dupé jusqu’au dernier mot, reprend son roman en lecteur averti afin d’y découvrir les séquences narratives ambiguës. Ce détective littéraire s’efforce alors de débusquer les indices équivoques au moyen desquels sa lecture antérieure bifurqua spontanément vers de fausses pistes.

Cette seconde lecture entreprend donc de vérifier a posteriori le fonctionnement du texte : du point de vue formel sa structuration, du point de vue du Signifié littéraire, sa signifiance. Ce dé-tissage (dépistage) remontant la chaîne d’emboîtements des micro-récits s’attache à retrouver les générateurs de tous ces thèmes dont le déploiement et / ou les corrélats assurent au récit sa matérialité propre comme ses effets de sens. Originer les motifs ne résume point cependant l’ambition d’une telle analyse, car cette dernière ne tire sa fécondité précisément de ce qu’elle souligne l’erreur qui consiste à vouloir justifier la fin par le commencement quand formellement c’est la finalité qui surdétermine la fonctionnalité des premières lexies (2). Rien d’autre n’est requis que la dénonciation du « d’où cela vient-il » lorsqu’il dissimule et escamote le « à quoi cela sert-il ». Il s’agit de faire éclater l’étalement chronologique des effets qu’une lecture « naïve » ou « sauvage » enfile selon sa logique individuelle conforme aux motivations réalistes, que lui fournit le roman. C’est dire qu’il faut surprendre l’activité retorse de ces « incipit » jouant à nouer leur littéralité à leur littéralité (3), en ce qu’ils indexent à la fois une fiction crédible et une fonctionnalité textuelle.

Jeu des réciprocités et des solidarités : le premier chapitre de Bouvard est à lire, dans son ordonnancement linéaire, comme ce qui engendre, suscite, motive I’efflorescence des Expériences aussi bien que ce qui en procède.

Entre les deux pôles du commentaire de texte, et du relevé thématique, nous voudrions indiquer brièvement pour chaque lexie l’amorce inaugurant une série d’occurrences indicielles ou sémiques (4).

« Comme il faisait une chaleur de trente-trois degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert. »

L’incipit du livre est motivation, anticipant sur le fait il s’en assure la maîtrise, il l’éclaire, le fonde, le détermine ne laissant place à aucune autre instance qui pourrait le récupérer. Sous les doubles signes de la causalité mécanique et de l’intrigue uni-vectorielle, le roman livre sa loi organique, sa scansion à deux temps de la cause à l’effet, sa dualité constitutive, sans entre-deux coûteux.

Ce roman qui prend soin de se justifier comme texte lisible, non arbitraire mais au contraire crédible et mimétique devance l’attente du lecteur, prévient le désir qu’il a de s’illusionner, neutralise jusqu’à les annihiler les consciences sceptiques toujours prêtes à se distancier du fictif. Mais précisément, le soin excessif que met le texte à commenter un événement avant de l’avoir même présenté — soin qui témoigne d’un désir à s’afficher comme lisibilité —, ce soin est suspect. Le souci d’être un procédé invisible révèle, donne à voir, le procédé même. L’incipit, loin de prolonger, un parmi d’autres, les discours du monde témoigne de la coupure entre réel et narration : ici commence la fiction, hic Rhodus, hic salta.

La chaleur estivale est l’opérateur réaliste qui explique l’absence des passants, qui crée la vacuité préludant à la rencontre des deux amis, pleins et « n’existant que du jour où ils se sont rencontrés » (5). Ce n’est évidemment pas parce qu’il fait 33 degrés que le Boulevard Bourdon est désert, mais bien parce que seule une plate-forme déserte devait être le théâtre de la rencontre.

La question du Narrateur se greffe immédiatement sur le relevé des motivations : qui parle, qui se soucie de nous expliquer, de commenter les faits, qui les narre et dissimule la nécessité formelle de leurs enchaînements ? Et d’où parle-t-il ce spectateur invisible surplombant ou embrassant d’un regard l’étendue d’un boulevard dont il est explicitement absent ? Depuis quand s’est-il installé dans sa parole, à quelle connaissance antérieure renvoie la nomination d’allure nettement anaphorique (6) du boulevard Bourdon, lieu si familier qu’il permet l’économie de plus amples renseignements spatiaux, à tout le moins l’indication de Paris.

Bien sûr les informants sont cumulatifs et successifs, et l’incipit se suffit à prédiquer un lieu par un climat : une notation atmosphérique en éclipse une temporelle. Cette économie de détails n’en est pas moins soumise à une rigoureuse sélection produisant, par sa précision (« les trente-trois degrés ») un effet de réel, même si ce réel est banal : quoi de plus commun qu’une conversation s’engageant sur un sujet atmosphérique ? Cependant cette brève description comporte des signes de l’exagération et, de manière assez paradoxale, l’économie semble être travaillée par l’excès. Or, si l’excès, loin d’être paradoxal est « nécessairement ce qui tente le récit » (7), il risque aussi d’en être le piège, le signal d’une voix parasite. Et cette irruption de discours dans le fil du récit ne laisse d’être menaçante, puisque le discours, en belligérance comme dirait Ricardou peut contester le récit jusqu’à l’abolir.

De l’impression qu’il donne de « paraître expliquer » à la dénudation de procédé de la motivation (8), l’incipit de Bouvard n’ose pas encore opérer le glissement de statut réaliste versus textuel.

La rigidité des verbes d’état (« faire – se trouver ») ancre bien trop solidement dans la phrase les quelques tentatives d’excès pour que puissent s’échapper quelques failles au profit desquelles l’Écriture installerait son ostensible avènement. Il en découle que si le texte de B. et P. se montre comme texte, c’est toujours d’une maniére « classique », moins dissimulée peut-être qu’autrefois mais pas encore proclamée, comme c’est le cas dans le Nouveau Roman.

« Plus bas le canal Saint-Martin, fermé par les deux écluses étalait en ligne droite son eau couleur d’encre. Il y avait au milieu, un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques. »

Les commentaires philologiques et explicatifs sont très nombreux sur les informants spatiaux dans la mesure où la Correspondance d’une part, les Scénarios d’autre part permettent l’établissement de recoupements et de filiations. De telles démarches souscrivent à la fois au principe qui attribue à un romancier une capacité mémorisante inépuisable (si l’œuvre contient des allusions autobiographiques) et à la conception monolithique d’une intentionnalité d’auteur ne se modifiant guère.

Prenons en exemple le canal Saint-Martin. Si nous nous interrogeons sur son statut romanesque, diverses réponses se présentent, toutes probables, sans pour autant être à elles seules satisfaisantes. Ce canal résulte-t-il obligatoirement du choix du boulevard Bourdon ? Est-ce une réminiscence de ces inscriptions laissées sur la grande pyramide d’Égypte qui, plus que le paysage, ont attiré, lors de son voyage, l’attention railleuse de Flaubert et au nombre desquelles, outre celle du fameux Thompson cité par Sartre (9), se trouvait le nom d’un certain Buffard 79, rue Saint-Martin et fabricant de papiers peints (10) ? Serait-ce une allusion à une source de moins en moins controversée, la nouvelle Les Deux Greffiers de Barthélémy Maurice qui avait écrit que leur vie « s’était écoulée uniforme et paisible comme l’eau du canal Saint-Martin » (11) ou une allusion à une source plus proche, l’Éducation sentimentale : Regimbart habite rue Saint-Martin, 92 (Deuxième partie, I) et M. Roque y possède une maison (Troisième partie, I), ou encore une allusion au sieur Saint-Martin, passeur de Croisset (12). Est-ce simplement l’introduction d’un thème proprement flaubertien, l’élément liquide et l’écoulement des choses qu’il symbolise ? Faut-il enfin saluer avec Ricardou la métaphore de l’écriture elle-même, le signe textuel de l’auto-imitation circulaire de Bouvard et Pécuchet où, « à l’image initiale de « bois sur l’encre » correspond l’image finale de l’encre sur le bois selon une sagace copie qui permet la copie » ? (13)

Mais notre propos n’est pas de récolter toutes les notes sur le premier chapitre (que l’on trouvera aisément en consultant les éditions Belles-Lettres, les classiques Garnier, ou encore l’excellent commentaire d’A. Cento publié par Léa Caminiti (14). Nous sommes cependant amenée à confronter notre savoir théorique sur la littérature à cette description d’introduction. Sur ce que le texte décrit, que dire et comment en rendre compte sans y juxtaposer toute la suite des descriptions pour y découper ensuite des champs thématiques ?

Les objets peuvent relever d’une socio-critique, telle que la pratique Cl. Duchet(15) ; les décors peuvent être considérés comme « l’expérience métonymique ou métaphorique d’un personnage » (16) ou bien, à reprendre Tomachevski comme « procédés de caractérisation en harmonie, analogique ou contrastive, avec l’action. » (17) – Le bateau plein de bois, isolé au milieu d’un canal fermé, annonce peut-être métonymiquement le banc de la rencontre, et les deux rangs de barriques sur la berge précèderaient la jonction spatio-temporelle des deux flâneurs – Enfin les fonctionnalités, si faibles paraîtraient-elles ne participeraient pas moins à l’économie du message, en accélérant, retardant, relançant le discours, comme elles sont conçues dans l’optique structuraliste d’un Barthes (18).

Moins aisée est l’analyse littéraire qui (s’) achoppe aux insistances qu’elle signale, répétitions de mots et c’est le chiffre anticipateur deux, reprises des mêmes sons et nous avons les initiales explosives (B. et P.).

« (…) Une rumeur confuse montait du loin dans l’atmosphère tiède ; et tout semblait engourdi par le désœuvrement du dimanche et la tristesse des jours d’été. »

« Il n’y a pas de discours sans rhétorique » (19). La rumeur même lointaine introduit un élément d’animation tandis que la chaleur s’adoucit ; dans la même phrase le Narrateur donne obliquement des informations sur le jour, la saison, en introduisant la première « idée reçue » qui leur est relative. Si on réactive le sens propre du dimanche, ce jour Férié est bien un jour désœuvré. Mais nulle figure ne justifie la prédication de la tristesse au syntagme « jour d’été »

« Deux hommes parurent. »

Trois courts paragraphes seulement devancent la présentation des héros principaux, ce qui témoigne par là même de la rapidité, ou de l’économie dans le style de Bouvard (20).

L’apparition abrupte des deux actants coïncide avec le passage soudain de l’arrière plan du récit (à l’imparfait de description) au premier plan (au passé simple de la mise en relief).

« L’un venait de la Bastille, l’autre du Jardin des Plantes. »

Étant donné que toute extrapolation est délicate, nous nous demandons s’il y aurait quelque pertinence à identifier Bouvard et la Bastille, Pécuchet et le Jardin des Plantes, encore que par la suite « l’un » désignera toujours Pécuchet par opposition à « l’autre », Bouvard (21) ? La Bastille conviendrait bien, en effet, avec ses connotations symboliques (et consonantiques : « bâtard »), à Bouvard, d’esprit libéral, bien que ce dernier ait eu tout autant préféré en 93 le culte de la Nature à celui de l’Être Suprême, quand il s’était fait historien en E14 (22). Plus pertinent déjà serait le rapprochement de Pécuchet et du Jardin des Plantes : « D’ailleurs, il avait des remords à l’encontre du jardin. Tout son temps ne serait pas de trop pour le tenir en état. » E2 ; « Pécuchet s’arrêtait parfois devant l’ancienne fosse aux composts, où l’on reconnaissait la tiare, une sandale, un bout d’oreille, lâchait des soupirs, puis continuait à jardiner, car maintenant il joignait les travaux manuels aux exercices religieux et bêchait la terre, vêtu de la robe de moine, en se comparant à saint Bruno. » E24 (Ce « joint » était déjà amorcé auparavant : « Deux fois par jour, il prenait son arrosoir et le balançait sur les plantes, comme s’il les eût encensées. » E2) Enfin il se charge de l’enseignement de la botanique à Victor et Victorine, en E25 (suite).

Le parallélisme qui s’instaure dans la description des bonshommes se fait au détriment du second membre de la phrase, l’épargne du verbe figurant peut-être l’économe Pécuchet…

« Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une casquette à visière pointue. »

Les caractéristiques physiques se construisent dès ces premières lignes selon un principe d’alternance entre éléments contrastants et éléments complémentaires.

Bouvard n’est grand qu’en comparaison de Pécuchet. Il se vêt en conformité avec le temps atmosphérique : tout le premier chapitre va déployer différents sèmes qui indiquent à chaque fois les rapports harmonieux qu’entretient Bouvard avec le monde. Ses actions sont aisées, voire désinvoltes, comme le suggère sa démarche.

Par contre la phrase relative à Pécuchet, bâtie strictement sur le même moule syntaxique que la précédente accuse d’une façon très nette les différences de comportement de ce nouveau personnage. Petit proportionnellement à Bouvard, Pécuchet souffre d’une insuffisance à réagir ainsi que d’une discordance dans ses communications avec le monde extérieur. Loin d’attribuer une valeur purement utilitaire à l’habillement, Pécuchet serait le produit de l’inadéquation foncière entre l’habit et sa personne. Son vêtement ne le couvre pas mais l’engonce, à tel point que cet escamotage du corps, parce qu’on s’y attarde avec insistance, fonctionne exactement comme un signal d’avertissement ; le contenant en appelle à la découverte du contenu. La qualification de couleur et de forme de ses habits, répondant à celle spatiale de ceux de Bouvard, s’accompagne de l’emploi de l’article indéfini lequel contribue à attirer l’attention peut-être sur la singularité de Pécuchet. En effet, à son propos, nous avons la description d’une attitude, « baissait la tête », qui ne rappelle en rien l’action de marcher. Plus loin dans le récit, Pécuchet semblera aux côtés de son ami « glisser sur des roulettes », et, le même soir de la rencontre, la frayeur lui fera rebaisser la tête : « — Comment !  et Pécuchet baissa la tête, s’effrayant à l’hypothèse de ne plus avoir son gilet de santé. » La virginité prolongée de Pécuchet motive son excessive pudibonderie qui s’exprime par le recouvrement vestimentaire. Lisons, hors de son contexte, la phrase suivante : « Pécuchet baissa la tête, comme s’il eût douté de son innocence. » E18

La casquette, comme plus tard le gilet de flanelle, « cette sauvegarde, ce tuteur de la santé, ce palladium chéri de Bouvard et inhérent à Pécuchet » (E10), est l’élément de la vestimentation qui particularise tout au long du roman Pécuchet.

Bonnet grec, bonnet de zouave, casque (pot de fer à oreillons pointus), casquette à visière, casquette Amoros, avatar de la casquette de Charbovary, tout en necessant de coiffer Pécuchet elle participera néanmoins à une fonctionnalité plus prépondérante que celle qu’exercent les sèmes et indices de personne. Elle s’intégrera, dans l’arbre barthésien des structures du récit, à un niveau hiérarchique coiffant celui dont elle se soutient généralement (23) ; en E22 ter la visière de cette casquette Amoros aveuglera son propriétaire, épisode prétextant l’occasion d’une nouvelle pratique magnétique. Quand Pécuchet voudra se mortifier, il supprimera par les froids extrêmes, cet alter ego, sa casquette (24). Soulignons aussi le caractère pointu de la visière qui symbolise tout l’anguleux du personnage :

E24 : Madame de Noaris, leur dame de compagnie ressemblait à Pécuchet, ayant son nez pointu.

Pécuchet pourrait donc se résumer en « casquette, nez et redingote » : « Mais sa casquette, son nez, sa redingote, tout son individu manquait de prestige » (E18). Mais aussi Pécuchet était tout entier déjà figuré par M. Roque : « Celui qui les (mots) prononçait était un petit homme, habillé d’une ample redingote brune, et coiffé d’une casquette laissant paraître sous la visière un nez pointu. » (Première partie. II).

« Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur le même banc. »

La symétrie de leur démarche aboutit à une convergence, dont l’exécution fut parfaitement orchestrée, sur ce banc central qui les réunit à un âge médian de leur existence. Danger admire ce début étrangement moderne par son côté abstrait qui, dépouillé de psychologisme et d’intention dramatique, montre l’Événement, la Rencontre, dans son absolu (25). À ce premier banc où ils s’assoient ensemble répond en écho le bureau à double pupitre de la fin du livre où R. Kempf voit l’aboutissement essentiel de leur amitié (26).

« Pour s’essuyer le front, ils retirèrent leurs coiffures, que chacun posa près de soi. Et le petit homme aperçut écrit dans le chapeau de son voisin : « Bouvard » ; pendant que celui-ci distinguait aisément dans la casquette du particulier en redingote le mot : « Pécuchet ».

— « Tiens ! » dit-il « nous avons eu la même idée, celle d’inscrire notre nom dans nos couvre-chefs. »

— « Mon Dieu, oui ! on pourrait prendre le mien à mon bureau ! »

— « C’est comme moi, je suis employé. »

Voici que s’ouvre la série stylistique fort étayée des pour + infinitif. Car Bouvard et Pécuchet, tâchant toujours d’agir, d’expérimenter, s’entourent pour y parvenir d’une étonnante diversité d’adjuvants de circonstance. Suivant la technique du glissando (27), psychologie et déroulement continu des gestes autorisant l’échange croisé des regards synchrones qui se posent sur ces chapeaux dont la médiation (et sur le banc, la mitoyenneté sans doute) établit la communication. Communication muette des noms, par le même canal de l’écriture proposée dans le couvre-chef, connaissance de l’identité de l’autre antérieure à la parole et, déjà, reconnaissance de la proximité de l’autre lequel aurait agi prévenu par un prémonitoire – ô combien – esprit d’imitation. Illustration aussi de la formule « qui se ressemble s’assemble » majorée par Ricardou (28).

L’aisance bouvardiste à distinguer le nom de son compagnon nous paraît indissociable de ce qu’elle peut provenir à la fois de celle dont procède chaque acte de Bouvard comme de la netteté avec laquelle se détachent les caractères inscrits par Pécuchet dans sa casquette.

Une périphrase significative renforce le singularisme de Pécuchet, particulier en redingote (vs voisin), alors que s’amorce la patiente élaboration du code herméneutique, celui qui offre au lecteur de Bouvard, disposées çà et là au gré apparent des chapitres, de ces courtes énigmes, rapidement résolues, lesquelles étoffent de leur consistance romanesque la structure dépouillée des Expériences.

Toute idée venant aux bonshommes a pour support une vue préalable de l’écrit qui nomme, La parole n’advient qu’à la suite de cette lecture obligée d’une archiécriture (29),celle qui émane encore toute rayonnante d’une Autorité nominalisante.

La parole ici n’est ni altérité, ouverture à l’autre, ni respect de l’écart instauré ou tentative d’opérer sa réduction. Elle ignore au contraire la distance, nie la différence car elle n’apparaît qu’assurée par l’analogie. Le cautionnement antérieur de cet acte d’infinie répétition qu’est l’inscription des noms fournit sa condition comme sa garantie.

Si Bouvard ouvre la conversation, se situe comme Sujet parlant, c’est pour avouer sa ressemblance à Pécuchet (et tout autant parce qu’il l’avoue), le « nous » précisément noue, ce qui depuis toujours fut lié. Au commencement était la fusion, ni je ni tu mais le couple déjà constitué…

À durcir ces commentaires, on coïnciderait avec l’affirmation de Barthes qui dénie au roman tout plan allocutoire : « personne ne s’adresse à personne, et on ne sait jamais d’où part et où va le message. Eux-mêmes, les deux personnages, forment un bloc amoureux, mais ils sont en rapport de miroir : on a d’ailleurs beaucoup de mal à les distinguer. Et en réalité, si on regarde le livre de près, on s’aperçoit qu’ils ne s’adressent jamais la parole » (30).

Sans devoir pour autant épouser cet avis, on peut en effet constater une indifférenciation au niveau du langage de l’émetteur. Peu importe généralement qui des deux parle ou répond et A. Cento cite à propos la note de Flaubert dans ses brouillons « Éviter autant que possible le dialogue dans ce chapitre ; il y en aura assez dans tout le livre » (31).

Ce qui ne laisse d’être intéressant c’est de remarquer que les premiers propos filtrent à travers les affirmations et justifications l’obsession de la cause. Une des sources du comique comme de ce grotesque triste visé par Flaubert réside justement dans l’application zélée que mettent Bouvard et Pécuchet à rechercher, toujours inadéquatement, la cause des phénomènes dont ils subissent les effets désastreux.

E2 : « Seul à seul, ils cherchèrent la cause de l’incendie, et, au lieu de reconnaître avec tout le monde que la paille humide s’était enflammée spontanément, ils soupçonnèrent une vengeance. »

E5 : « Cela devait dépendre du bouchage ? Alors le problème du bouchage les tourmenta. »

« (…) ils se demandèrent quelle était la cause de tant d’infortune, de la dernière surtout ? et ils n’y comprenaient rien, sinon qu’ils avaient manqué périr. »

E9 : « (… ils) demandaient au docteur d’où vient le germe de la scrofule, vers quel endroit se porte le miasme contagieux, et le moyen, dans tous les cas morbides, de distinguer la cause de ses effets. »

E14 : « … La poudrière de Grenelle en sautant tua deux mille personnes ! Cause inconnue, dit-on, quelle bêtise ! », car Pécuchet n’était pas loin de la connaître, et rejetait tous les crimes sur les manœuvres des aristocrates, l’or de l’étranger. »

En E16, Dumouchel expose les causes de la décadence de la scène théâtrale.

E22 : On s’interroge à la soirée de tables tournantes sur l’entêtement d’une table immobile : « Le tapis sans doute le contrariait. »

E22 bis : La séance d’hypnotisme a également échoué : « Cela tenait-il à la température ou à l’odeur de tabac, ou au parapluie de l’abbé Jeufroy, qui avait une garniture de cuivre, métal contraire à l’émission fluidique ? »

E22 ter : « N’importe ! le problème était résolu ; l’extase dépend d’une cause matérielle. »

E23 : « — Il faut une cause pourtant ! »

Et enfin rappelons que la logique leur enseigne les causes principales de nos erreurs, venant presque toutes du « mauvais emploi des mots ».

« Alors ils se considérèrent. »

Le recueillement préliminaire sur les noms les fait accéder à la reconnaissance, ils se dévisagent, ils évaluent mentalement leurs avantages : l’examen du même se confondant avec l’estime de soi.

« L’aspect aimable de Bouvard charma de suite Pécuchet.

Ses yeux bleuâtres, toujours entre-clos, souriaient dans son visage coloré. Un pantalon à grand-pont, qui godait par le bas sur des souliers de castor, moulait son ventre, faisait bouffer sa chemise à la ceinture ; – et ses cheveux blonds, frisés d’eux-mêmes en boucles légères, lui donnaient quelque chose d’enfantin.

Il poussait du bout des lèvres une espèce de sifflement continu.

L’air sérieux de Pécuchet frappa Bouvard.

On aurait dit qu’il portait une perruque, tant les mèches garnissant son crâne élevé étaient plates et noires. Sa figure semblait tout en profil, à cause du nez qui descendait très bas. Ses jambes prises dans des tuyaux de lasting manquaient de proportion avec la longueur du buste ; et il avait une voix forte, caverneuse. »

Le coup de foudre réciproque constitue une redondance d’information sur leur coordination et leur corrélation. Les différences elles-mêmes font davantage ressortir leur mutuelle complémentarité : les contrastes sont harmonieux, en accord avec l’emboîtement ultérieur. Flaubert dans ses brouillons : « Peu à peu ils entrent l’un dans l’autre en sorte qu’à eux deux ils ont le plaisir complet d’un couple normal » (32). Le portrait – série d’indications sémiques, signifiée de la personne – obéit aux lois de la focalisation interne, et le lecteur regardant tour à tour Bouvard par les yeux de Pécuchet et Pécuchet par ceux de Bouvard épouse malgré lui leur croyance implicite en la physiognomonie. Car il ne peut s’empêcher, habitué qu’il est à déconnecter le texte, à déduire du physique d’un personnage (romanesque) son intellect, son psychisme tout entier, à réagir enfin adéquatement à l’efficace traditionnelle du procédé de caractérisation. De même, pour Bouvard et Pécuchet, l’habitude de dévisager son interlocuteur pour s’en faire un jugement, peu ou prou sommaire, et toute machinale ou instinctive qu’elle soit au premier chapitre, se manifeste déjà d’une manière plus réfléchie en E15 : « Comment concilier les deux portraits ! Avait-il (le duc d’Angoulême) les cheveux plats, ou bien crépus, à moins qu’il ne poussât la coquetterie jusqu’à les faire friser ? / Question grave, suivant Pécuchet, car la chevelure donne le tempérament, le tempérament l’individu. » Mais la reconduction spontanée de signifiants corporels à des signifiés caractériels ne devient une pratique assidue, délibérée, calculatrice même, qu’une dizaine d’années plus tard, en E26, lors de l’étude phrénologique.

Ces esquisses de portraits, le récit les reprendra périodiquement pour assurer à ses héros une consistance charnelle invariable, même s’il ne s’agit que d’êtres de papier et de corps romanesques. Sans nous attarder au parallélisme des portraits, à la technique cinématographique du balayage ou à la performance caricaturiste de Flaubert octroyant à ses personnages de fort significatifs couvre-chefs et chaussures (33), notons les principaux doublets.

Les yeux entre-clos aux lourdes paupières de Bouvard seront repris tels quels, héritage génétique des yeux bridés de son père naturel, de même que son « espèce de sifflement », sa susurration.

Mais c’est évidemment en E19, quand Bouvard et Pécuchet se reconsidèrent devant leurs miroirs pour juger de leur attrait auprès d’éventuels cœurs féminins que le roman évoque à nouveau leurs caractéristiques physiques principales. Pécuchet développe alors avec amertume un complexe à l’égard de ses cheveux toujours plaqués sur son crâne comme une perruque mouillée, désavantage manifeste qui corrobore son manque de proportion, d’autant plus qu’il souhaite rivaliser avec Gorju, en voulant comme lui inspirer de l’amour. Bouvard quant à lui a gardé ses cheveux « frisés comme autrefois » et à ce propos Madame M.-J. Durry a remarqué plaisamment que « c’est d’autant plus drôle que Bouvard paraît oublier alors, et l’auteur avec lui, qu’au moment où les deux bonshommes s’étaient sacrés artistes, Bouvard n’avait rien trouvé de mieux, avec sa mine ronde et sa calvitie, que de se faire « une tête à la Béranger » (34). Déjà en E13 Bouvard a le crâne dégarni :

« Bouvard s’éloigna et reparut affublé d’une couverture de laine, puis s’agenouilla devant le prie-Dieu, les coudes en dehors, la face dans les mains, la lueur du soleil tombant sur sa calvitie. »

« Cette exclamation lui échappa : — « Comme on serait bien à la campagne ! »

Nous voici enfin en présence de la première motivation importante du roman (elle-même motivée par la chaleur) : le désir de quitter la Capitale pour la campagne. Ce désir, quelques trois années suffisent à le combler progressivement ! Une première satisfaction, de courte durée, est produite par les escapades du dimanche, une seconde par la quête d’une maison où se retirer, nantis de l’héritage, dans une campagne qui fût bien une campagne. À cette mise en campagne initiale, candide, le roman inachevé de l’échec répond bien symboliquement par la malveillante mise en demeure finale.

Si l’exclamation de Pécuchet laisse donc poindre déjà le dégoût des deux copistes envers leur routine parisienne, elle se montre révélatrice d’une part de l’opposition Paris-Province(s) abondamment traitée dans la prose du XIXe siècle (35), et, d’autre part, de la force indicatrice, coercitive même, de l’idée reçue. Car il s’agit bien de l’émission de la première balourdise des bonshommes, au reste fort commune, cette dépréciation de l’ici survalorisant l’ailleurs, qui suggère aux citadins le tableau idéal des délices champêtres. La Nature chavignollaise peu clémente se charge par la suite de fort désillusionner les deux Parisiens.

Profitons de cette brève incursion dans le Dictionnaire des idées reçues pour citer celle qui est relative au temps : « Éternel sujet de conversation. Cause universelle de maladies. Toujours s’en plaindre. »

« Mais la banlieue, selon Bouvard, était assommante par le tapage des guinguettes. Pécuchet pensait de même. Il commençait néanmoins à se sentir fatigué de la capitale, Bouvard aussi. »

Dans la prose de Flaubert le mais reçoit rarement sa valeur adversative pleine. La faible opposition qu’il marque se suffit à embrayer ici un dialogue qui ne serait autrement que des redites et des échos ; cela n’infirme pas pour autant la conformité de pensées qui s’en dégage.

De même que Bouvard et Pécuchet ne sont guère embarrassés par les contradictions qu’ils relèvent entre les dires des auteurs de leurs différents manuels, ils ne se sentent pas outre mesure dérangés par les contradictions inhérentes à leurs propres discours. La guinguette joue indifféremment soit un rôle de repoussoir quand il s’agit de connoter le tapage qui y règne, soit un rôle d’attraction un peu plus tard grâce à son pittoresque social (36).

L’avertissement que Flaubert s’est donné à lui-même d’éviter l’abus du dialogue dans ce premier chapitre l’oblige à recourir au style indirect libre dont l’emploi expédient sera, comme nous l’avons maintes fois déjà remarqué, plus qu’abusif dans la suite du roman.

« Et leurs yeux erraient sur des tas de pierres à bâtir, sur l’eau hideuse où une botte de paille flottait, sur la cheminée d’une usine se dressant à l’horizon ; des miasmes d’égout s’exhalaient. Ils se tournèrent de l’autre côté. Alors, ils eurent devant eux les murs du Grenier d’abondance. »

En renvoyant à l’excellente étude de Danger pour ce qui concerne la structure thématique des paragraphes (37), nous suggérons simplement un rapprochement entre cette brève description visualisée par Bouvard et Pécuchet et celle qui se propose à eux, selon le même procédé du panoramique, le premier matin de leur installation à Chavignolles (au début du deuxième chapitre). Le clocher se situe à la place de la cheminée, la clairevoie se prolongeant d’un côté par le mur soutenant les espaliers figure les bâtiments des greniers de réserve. Si le tableau descriptif semble confirmer l’ennui distillé par Paris que penser pourtant de cette image toute en rétention de virtualités « tas de pierres à bâtir » ?

« Décidément (et Pécuchet en était surpris) on avait encore plus chaud dans les rues que chez soi ! »

Le discours indirect libre, le « style réflecteur » (38), est essentiellement ambigu, qui confond avec une apparente désinvolture la voix du Narrateur et celle de son personnage pour abolir l’écart irréductible entre eux et par là-même l’accentuer jusqu’au ridicule. Flaubert, (cf. Dumesnil (39) a retracé l’évolution des sentiments à l’égard de ses deux créatures, tenues longtemps pour de grotesques fantoches, des cloportes avant d’accéder au statut sympathique sinon intime de bonshommes. Flaubert donc se moque sans conteste de l’incroyable émotivité de Pécuchet. Ce dernier, identique en cela à Bouvard, engage à l’écoute de toute idée, et à la lecture de tout manuel, une sensibilité incurable, et cela en dépit de son cœur sec. Toute opinion, qu’elle concerne aussi bien les domaines les plus triviaux que les plus conceptuels, provoque d’immédiats investissements d’affects. C’est du reste de cette aptitude à s’émouvoir que jaillissent leurs résolutions comme leur volonté d’agir (40).

« Bouvard l’engagea à mettre bas sa redingote. Lui, il se moquait du qu’en dira-t-on ! »

Un micro-récit s’amorce : la séquence du déshabillage de Pécuchet. Bouvard, esprit pratique, entreprenant, donne des conseils « vestimentaires » à Pécuchet en se proposant non sans raison comme exemple. Il est vrai que l’invite est encore indirecte, ce qui permet au texte de poursuivre sans relâche ses ajouts indiciels et de connoter l’anticonformisme de Bouvard. La séquence qui ne se clôture par aucune donnée sur la réaction de Pécuchet reste en suspens, ouverture indécise qui paraît gratuite, dont rien ne laisserait prévoir une éventuelle reprise. C’est en ces lieux de pur arbitraire du récit que s’établissent les réseaux d’intrigue à activité retorse. Parce que le premier « engagement » ne fut pas tenu, une seconde invite, à séduction plus opérante, est récidivée, fondant ou cautionnant alors l’inconditionnelle estime que Pécuchet vouera à Bouvard.

« Tout à coup, un ivrogne traversa en zigzag le trottoir ; – et à propos des ouvriers, ils entamèrent une conversation politique. Leurs opinions étaient les mêmes, bien que Bouvard fût peut-être plus libéral. »

Il y a bien sûr de l’arbitraire dans le roman. Encore qu’il faille distinguer du pur phénomène immotivé l’arbitraire fonctionnel qui participe de ce motif abâtardi du Deus ex machina« le hasard fait bien les choses » (41). Inévitables sont les emplois des tout à coup faisant surgir, comme des diablotins de leur boîte, de ces comparses auxiliaires avec le plus grand à propos pour la relance du récit. Réduits à n’être que de simples prétextes, comme ici ivrogne, calèches, couple, ecclésiastique, ces personnages n’assurent pas moins la cohérence du récit, lequel perdrait sans eux toute épaisseur romanesque : l’existence réelle de Bouvard et Pécuchet ne s’anéantit que déjà trop, éclipsée qu’elle est par la scansion envahissante des lectures-réactions, lectures-discussions. Que deviendrait le(ur) roman si des comparses humains, aussi peu crédibles littérairement fussent-ils, aussi évidemment fonctionnels apparaissent-ils, ne l’étayaient ? Que les Chavignollais servent de repoussoir, fort bien, que le monde soit peuplé « jusqu’aux antipodes » de Marescot, de Coulon, de Foureau, c’est parfait sur le plan romanesque : sans ces êtres de papier, le roman s’effondrerait à n’être plus que le recensement critique d’une Fantastique bibliothèque.

L’ivrogne, que la phrase élimine rapidement, n’est important que parce qu’il figure aux deux employés le prolétariat, selon une déduction pour le moins expéditive. L’escamotage du « raisonnement » – l’ivrogne est un ouvrier, les ouvriers s’enivrent, ces deux termes se soutenant l’un l’autre – est profondément révélateur. Mais l’idéologie dont il procède, de qui relève-t-elle ? De Flaubert ? du Narrateur (disons que le premier prête au second sa propre idéologie, ce qui nous autoriserait à rapprocher le mépris affecté par Flaubert envers le Peuple de celui dont le Narrateur, et ses personnages, témoignent çà et là dans le récit) : « Les masses ne seront jamais intelligentes … Vous n’élèverez jamais les parties basses du corps social. Quand le peuple ne croira plus à l’Immaculée conception, il croira aux Tables tournantes … », lettre du 25 janvier 1866 (42). E18 : « (…) reprit Bouvard ; je crois plutôt à la sottise du Peuple. Pense à tous ceux qui achètent la Revalescière, la pommade Dupuytren, l’eau des châtelaines, etc. Ces nigauds forment la masse électorale, et nous subissons leur volonté. »  Les deux ex-copistes éprouvent du reste à l’égard de la foule un constant mépris qu’ils partagent en toute vraisemblance avec leur auteur. Citons par exemple : « Ainsi l’opinion des gens de goût est trompeuse et le jugement de la foule inconcevable. » (à propos d’esthétisme, E17) et « la foule invariablement suit la routine. C’est, au contraire, le petit nombre qui mène le progrès » (E23).

« Un bruit de ferrailles sonna sur le pavé, dans un tourbillon de poussière. C’étaient trois calèches de remise qui s’en allaient vers Bercy, promenant une mariée avec son bouquet, des bourgeois en cravate blanche, des dames enfouies jusqu’aux aisselles dans leur jupon, deux ou trois petites filles, un collégien. La vue de cette noce amena Bouvard et Pécuchet à parler des femmes, – qu’ils déclarèrent frivoles, acariâtres, têtues. Malgré cela, elles étaient souvent meilleures que les hommes ; d’autres fois elles étaient pires. Bref, il valait mieux vivre sans elles ; aussi Pécuchet était resté célibataire. »

Enfin, Bouvard et Pécuchet se mesurent, s’ajustent dans une première joute oratoire, ils s’essaient, s’assurent, se modèlent. Leurs conversations à propos de tout et de rien, à propos du premier venu sautent d’une façon désinvolte d’un sujet à un autre, sans que n’affleure la moindre préoccupation des liens logiques. Ce désordre organique reflète à merveille leurs futures démarches vagabondes d’Expérience en Expérience, au gré des hasards, d’un propos entendu, d’une parole recueillie, d’un livre consulté.

La succession de l’Expérience de l’amour à celle de la politique (E18 – E19) est la seule qui se retrouve transposée telle quelle dans les premiers échanges d’opinions des deux employés, premiers échantillons de lieux communs dont il est sans grande conséquence apparemment que le confrontement fasse éclater les contradictions. Les comportements stéréotypés de ces femmes de conventions, reproduits en E19 (43), une fois confrontés, se détruisent mutuellement. Qu’importe ! L’essentiel, quand on est l’exutoire d’un Flaubert railleur, ne consiste-t-il point en l’ineptie de vouloir conclure ? (44)

Car il faut bien ponctuer toute étude d’un échange de réflexions et déduire de ces raisonnements une péremptoire conclusion. Qu’elle soit d’allure totalisatrice, enthymématique, particularisante, faste ou néfaste, mais qu’elle soit !

Le récit articule ici son premier leurre. Est-ce donc parce qu’il avait préjugé du caractère féminin que Pécuchet a opté pour le célibat ? N’ânonnerait-il pas plutôt des opinions courantes émises à trop peu de frais pour résulter vraiment d’une profonde expérience ? Quoi qu’il en soit, l’explication qu’il apporte plus tard, (E8), à la faveur d’une plus grande intimité avec Bouvard, au sujet de sa longue virginité paraît à la fois plus vraisemblable et plus décente !

« — « Moi je suis veuf » dit Bouvard « et sans enfants ! »

Aussitôt après Pécuchet, c’est au tour de Bouvard d’induire le lecteur en erreur. Bouvard n’est pas veuf (mais à jouer sur l’étymologie, bœuf), il a été abandonné après six mois de mariage par son épouse. À présent, que cette dernière soit effectivement morte, le texte ne nous l’enseigne que tardivement et de façon oblique : E19 « Après la mort de sa femme, rien ne l’eût empêché d’en prendre une autre, – et qui maintenant le dorloterait, soignerait sa maison » . C’est le père naturel de Bouvard qui fut veuf, bien que les scénarios indiquent déjà « Dumolard veuf, ancien farceur, Pécuchet garçon et vierge » (45).

Quand on superpose aux dires de Bouvard du premier chapitre ceux du chapitre III (E8), on se rend compte d’une défaillance du texte en laquelle la suture se montre défectueuse. Difformité du tissu qui aurait pu être aisément corrigée. Plus intéressant pour le fonctionnement textuel, c’est l’aiguillage forcé qu’opère le récit dans l’éventail des possibles narratifs, il semble que la fiche signalétique des individus se remplisse case après case : nom, profession, état civil. Une réponse en regard de chaque question suffit à créer une saturation des signes, laquelle exerce une dictature si absolue qu’elle défend au récit tout essaimage de sens comme toute curiosité oiseuse au lecteur. Jamais le plaisir de conter ne fut si manifestement contré, jamais l’économie de l’écriture ne fut si fortement cultivée.

« Les passions n’ont pas manqué à Bouvard », voilà une indication qui eût été déplacée dans ce contexte de la rencontre, où ce qui s’indexe c’est le manque, celui qui est constitutif de l’être. En creux se travaille le Désir qu’une trentaine d’expériences tentera de combler, d’incarner en des objets divers (46). Ainsi au sans enfants répond corrolairement l’adoption lointaine de Victor et Victorine.

— « C’est peut-être un bonheur pour vous ? » Mais la solitude à la longue était bien triste. »

Questions ouvertes, assertions, conclusions, le roman en fourmille, mais il se garde bien des réponses. E25 bis Madame Bordin : « — Oui ! c’est gentil une petite fille ! » / et la veuve poussa un soupir qui semblait exprimer le long chagrin de toute une vie. »

Ce que symbolise cette rencontre providentielle de Bouvard et Pécuchet, leur seule véritable victoire, c’est le triomphe sur la solitude individuelle, l’évincement de celle-ci.

« Puis, au bord du quai, parut une fille de joie, avec un soldat. Blême, les cheveux noirs et marquée de petite vérole, elle s’appuyait sur le bras du militaire, en traînant ses savates et balançant les hanches.

Quand elle fut plus loin, Bouvard se permit une réflexion obscène. Pécuchet devint très rouge, et sans doute pour s’éviter de répondre, lui désigna du regard un prêtre qui s’avançait. »

L’exposition continue sa « performance » en se construisant par la multiplication des informations caractérielles, d’autant plus fonctionnelles que certaines s’intègrent dans les micro-récits de la chaîne linéaire du roman, que d’autres s’emboîtent dans le code herméneutique jouant à intriguer le lecteur, que d’autres enfin motivent à long terme (47) des séquences futures.

L’amour se range sous l’égide vénal de la prostitution. C’est dire l’estime où ce roman le tient (48). Tous les couples sont chargés de ridicule, de grotesque (triste) entraînés dans des circuits d’épargne et de dépense d’argent, Madame Castillon et Gorju, Gorju et Mélie figurent l’homme entretenu par la femme ; Mélie et Pécuchet (E19), Bouvard et Mélie (plan final), la femme entretenue par l’homme. (Madame Bordin et Bouvard forment le couple où la femme évalue le prix de l’homme, tandis que son prix à elle est évalué par un autre homme, le notaire Marescot). Il n’est pas jusqu’au bref couple Victorine – Romiche qui ne participe de cette stratégie où le gain amoureux découle du bénéfice monétaire, puisque c’est de s’épargner les frais d’auberge que Romiche, couchant dans le fournil parvient à y posséder la jeune fille.

La fille de joie, marquée de petite vérole et traînant ses savates, évoque la servante Mélie affligée de maladie vénérienne, et l’infligeant à Pécuchet.

Libéral et libertin, tel est Bouvard qui s’amusera, trois semaines durant, à plaisanter sa dame en plâtre et à hurler, toujours dans son jardin à ChavignoIIes, des polissonneries à l’écho (E4). Le lecteur est frustré (ou protégé c’est selon), de la connaissance du contenu exact de tous ces mots, il en va pareillement au dîner qu’offre le comte de Faverges aux notables du pays pour soutenir sa campagne électorale (E18). À propos d’une caricature de journal, on rit beaucoup de l’explication fournie gracieusement par un invité aux autres. Le lecteur contemporain est de moins en moins habilité à en saisir l’allusion historique. Mais peut-être est-il de plus en plus apte à jouir de ce texte ludique qui s’amuse à manipuler des signifiants sans signifiés.

Comment connoter la rougeur de Pécuchet, sa honte d’être impropre à répondre, son désistement envers l’univers verbal de la plaisanterie obscène ? Pudeur, dirions-nous en une première lecture. Virginité, indubitablement, quand on procède à une relecture, faisant circuler les sens …

« L’ecclésiastique descendit avec lenteur l’avenue des maigres ormeaux jalonnant le trottoir, et Bouvard dès qu’il n’aperçut plus le tricorne, se déclara soulagé car il exécrait les jésuites. Pécuchet, sans les absoudre, montra quelque déférence pour la religion. »

Fonction(s) immédiate(s) et fonction(s) à terme (cf. 47) se superposent. Les amis dévoilent leurs opinions sur le chapitre de la religion comme pour authentifier chacun à l’avance sa conduite particulière en E24 : de 1838 à 1862 guère de changement à l’égard de Dieu, des prêtres, de la Religion. Il y en a pourtant d’imperceptibles, (encore que ces écarts soient à leur tour justifiables par la structure « foi – dénigrement » des Expériences) :

« (…) et toutes les collines étaient pour eux « encore une preuve du Déluge » E12

« Et Bouvard, s’échauffant alla jusqu’à dire que l’Homme descendait du singe ! » E12

« — Mais si Dieu n’existe pas ?

— Comment ? » E23

« Quant à Dieu, impossible de savoir comment il est, ni même s’il est ! » E23

Lentement un code culturel s’élabore soumis à la même discrétion que celle qui régit l’apparition des informants temporels et spaciaux. Les Greniers d’abondance fournissaient une première donnée « après 1807 » ; l’exécration que Bouvard porte aux Jésuites, toute individuelle qu’elle soit, ferait écho au climat anticlérical de la Restauration. Il faut attendre patiemment qu’une première date vienne préciser l’année par laquelle débute le roman, et déplace vers la fin de la première moitié du XIXe siècle une époque que l’on aurait pu croire moins tardive (cf. infra le procès de Fualdès et l’histoire du Collier). Quant à Paris l’introduction évite curieusement de le nommer tout en le circonscrivant.

« Cependant le crépuscule tombait et des persiennes en face s’étaient relevées. Les passants devinrent plus nombreux. Sept heures sonnèrent. »

Le roman classique se consolide en s’ancrant dans la dimension temporelle de l’écoulement. Opération réaliste que la mention de cette fraîcheur crépusculaire qui libère enfin les Parisiens de leurs maisons.

« Leurs paroles coulaient intarissablement, les remarques succédant aux anecdotes, les aperçus philosophiques aux considérations individuelles. »

Sur fond imagé d’une écriture figée et suspendue – l’eau du canal Saint-Martin isolé entre ses deux écluses – la parole des deux copistes devient fluide. À cette condition qu’un traité consigne entre ses deux pages de couverture « les vérités les plus gravement imprimées » (49), il concerne, sollicite et inspire les deux autodidactes. Écrits généraux, théoriques, en un mot abstraits, ce sont eux qui provoquent les vérifications pratiques, individuelles et concrètes de Bouvard et Pécuchet. Le premier chapitre inverse plaisamment le schéma des Expériences où les conclusions des auteurs devancent les conclusions personnelles des héros. L’idéal de méthode eût été en effet de passer du particulier au général. À Taine Flaubert disait qu’on ne doit « jamais partir … d’une généralité qu’on individualise … mais d’une particularité qu’on généralise. » (50).

« Ils dénigrèrent le corps des Ponts et chaussées, la régie des tabacs, le commerce, les théâtres, notre marine et tout le genre humain, comme des gens qui ont subi de grands déboires. »

Ingrid Spica

L’article intégral est réparti dans les bulletins N° 58N°59N° 60N° 61N° 62

* Chapitre extrait de la thèse de doctorat :

— Le Statut romanesque de Bouvard et Pécuchet de Flaubert par Ingrid Spica, Ph. D. 505 p. ln-4.

En préparation : Édition privée Spica, 76, Smilanski, boîte 12, Natanya, Israël. 505 p.

(1) Pour la formulation théorique, nous renvoyons aux études de R. Barthes, Introduction à l’analyse structurale des récits et G. Genette,  Vraisemblance et motivation in Figure II,  ainsi que B. Tomachevski, Thématique.

(2) Par « lexie » nous entendons le découpage arbitraire en unités de lecture, phrase, paragraphe, proposé heuristiquement par R. BARTHES, dans S/Z.

(3) Littéralité : « étude d’une normalité textuelle », Ph. HAMON, « Note sur les notions de norme et de lisibilités en stylistique », Littérature Larousse 14, mai 1974, 115, note 3 ;

Littéralité : « essence ou vérité de la littérature », J. Derrida, La Dissémination, Seuil, coll. « Tel Quel », 1972, p. 302

(4) Indice : « seconde grande classe d’unités narratives » (après les fonctions) comportant les « indices proprement dit, renvoyant à un caractère, à un sentiment, à une atmosphère (par exemple la suspicion), à une philosophie, et des informations, qui servent à identifier, à situer dans le temps et l’espace. » R. Barthes, « Introduction à l’analyse structurale du récit ». p. 10

« Le sème (ou signifié de connotation proprement dit) est un connotateur de personne, de lieux, d’objets, dont le signifié est un caractère. Le caractère est un adjectif, un attribut, un prédicat (par exemple : hors-nature, ténébreux, vedette, composite, excessif, impie, etc.) » R. Barthes, S/Z  p. 196

(5) A. Thibaudet, p. 160

(6) « Nous entendrons donc par anaphore le renvoi à un antécédent qui précède réellement le terme anaphorique dans le texte. » Lidia Lonzi, « Anaphore et récit », Communications 16, Seuil, 1970, p. 135

(7) J. Ricardou, Le Nouveau Roman, p. 31

(8) Pour la dénudation du procédé, voir la note 12 du chapitre sur les « relevés lexicaux des expressions temporelles », page 98.

(9) Jean-Paul Sartre, L’Idiot de la Famille, NRF, Gallimard, 1971, T. 1, p. 626/629

(10) P. Combescot, « Flaubert petit romantique » in Magazine littéraire 108, janvier1976 (Numéro consacré à « Flaubert aujourd’hui ») p. 19

(11) Barthélémy Maurice, Les Deux Greffiers. Cette nouvelle a été reproduite parA. Thibaudet et R. Dumesnil dans leur édition des Œuvres de Gustave Flaubert dans la Bibliothèque de la Pléiade, T. Il p. 991/997

(12) G. Flaubert, Correspondance, V, p. 500

(13) J. Ricardou, Pour une Théorie du Nouveau Roman, p. 160/161

(14) Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, texte établi et présenté par R. Dumesnil, Société les Belles Lettres, Paris, 1945, 2 T.

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, œuvre posthume avec introduction et notes par E. Maynial, nouvelle édition revue, Garnier Frères, 1954

Alberto Cento, Commentaire de « Bouvard et Pécuchet » publié par Léa Caminiti – Pennarola, Liguori-Napoli, 1973

(15) Cl. Duchet, « Roman et Objets : L’exemple de « Madame Bovary » in Colloque Flaubert, Europe, p. 172/202

et « pour une socio-critique, ou variations sur un incipit », Littérature Larousse 1, février 1971, pp. 5/14

(16) R. Wellek et A. Warren, p. 309

(17) B. Tomachevski, p. 282 et s.

(18) R. Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits », p. 10

(19) Pierre Kuentz, « L’enjeu des rhétoriques », Littérature Larousse 18, mai 1975, p. 13

(20) Ces caractères, rapidité/économie, nous n’avons cessé de les relever à chacune de nos études sur B. et P.

(21) L’un : Pécuchet ; l’autre : Bouvard : « L’âme est immatérielle ! disait l’un.

— Nullement ! disait l’autre (…)

— Cependant, observa Pécuchet (…) » E23

« Et Pécuchet fut pris de colère, ou plutôt de démence, Bouvard aussi. Ils criaient à la fois tous les deux, l’un irrité par la faim, l’autre par l’alcool. » E23

« Ils se mirent à pratiquer, l’un avec espoir, l’autre par défi, Bouvard étant convaincu qu’il ne serait jamais un dévot. » E24

(22) « À force de bavarder là-dessus, ils se passionnèrent. Bouvard, esprit libéral et cœur sensible, fut constitutionnel, girondin, thermidorien (…) Bouvard préférait celui (de culte) de la Nature. Il aurait salué avec plaisir l’image d’une grosse femme, versant de ses mamelles à ses adorateurs, non pas de l’eau, mais du chambertin. » E14

(23) Barthes oppose à la classe des unités narratives comprenant les fonctions, et qui est de nature distributionnelle, celle qui comprend tous les indices et qui est de nature intégrative. (« Introduction à l’analyse structurale des récits » 8) Voir aussi la syntaxe fonctionnelle, ibid. p. 11/15

(24) « Afin de se mortifier, Pécuchet supprima le petit verre après les repas, se réduisit à quatre prises dans la journée, par les froids extrêmes ne mettait plus de casquette. » E24

(25) P. Danger p. 211/212

(26) Roger Kempf, « Le double pupitre », Les Cahiers du chemin 7, octobre 1969, pp. 122/149

(27) R. Barthes, p. S/Z, p. 203

(28) J. Ricardou, Pour une théorie du Nouveau Roman, p.183

(29) Archiécriture : voir J. Derrida, « La fin du livre et le commencement de l’écriture »in De la Grammatologie, Les éditions de Minuit, coll. « Critique », 1967, pp. 15/41

et « La différence » In Tel Quel. Théorie d’ensemble, Seuil, coll. « Tel Quel », 1968, p.54

(30)« La crise de la vérité », entretien avec Roland Barthes, In Magazine Littéraire 108, p.27

(31) A. Cento, Commentaire de « Bouvard et Pécuchet », p.21

(32) ibidem

(33) P. Danger, p. 167

(34) Marie-Jeanne Durry, Flaubert et ses projets inédits, Nizet,1950, p. 215

(35) Sujet également repris par Flaubert dans l‘Éducation sentimentale. Voir là-dessus l’exposé de Bernard Masson, « L’eau et les rêves » in Colloque Flaubert, Europe, pp. 82/101

(36) « Un dimanche ils se mirent en marche dès le matin, et, passant par Meudon, Belleville, Suresnes, Auteuil, tout le long du jour, ils vagabondèrent entre les vignes, arrachèrent des coquelicots au bord des champs, dormirent sur l’herbe, burent du lait, mangèrent sous les acacias desguinguettes, et rentrèrent fort tard, poudreux, exténués, ravis. » chap. I.

(37) Notamment au chapitre VII : -Flaubert et le langage cinématographique ».

(38) G. Hilty, « Imaginatio reflexa ». Vox Romanica 32, 1973

(39) Préface deR. Dumesnil à l’édition de B et P dans les Belles Lettres

(40) Goûtons l’humour du Narrateur, ironique à l’endroit de cette émotivité à peine plus jouée que vécue par nos deux nouveaux acteurs :

« Et, parlant au profil de Pécuchet, il admirait son port, son visage, « cette tête charmante » se désolait de ne l’avoir pas rencontré sur la flotte des Grecs, aurait voulu se perdre avec lui dans le labyrinthe.

La mèche du bonnet rouge s’inclinait amoureusement, et sa voix tremblante et sa figure bonne conjuraient le cruel de prendre en pitié sa flamme. Pécuchet, en se détournant, haletait pour marquer de l’émotion. » E16

(41) À propos des amis groupés autour de Frédéric, dans l‘Éducation sentimentale, Madame Cl. Gothot-Mersch remarque également que « les prétextes sous lesquels les divers éléments du groupe y ont été introduits sont d’ailleurs, souvent, cousus de fil blanc ; le hasard fait trop bien les choses. » . Le dialogue dans l’œuvre de Flaubert » in Colloque Flaubert Europe  p. 117

(42) G. Flaubert. Correspondance, IV p.80, 86

(43) « Étrange besoin, est-ce un besoin ? Elles poussent au crime, à l’héroïsme et à l’abrutissement. L’enfer sous un jupon, le paradis dans un baiser, ramage de tourterelle, ondulations de serpent, griffe de chat, perfidie de la mer, variété de la lune » ; ils dirent tous les lieux communs qu’elles ont fait répandre. » E19

(44)À ce sujet, nous renvoyons au vigoureux article de Pierre Marc de Biasi, « Le projet flaubertien et l’utopie du « vouloir conclure » Littérature Larousse 22. Mai 1976, pp. 47/58

(45) M.-J. Durry Flaubert et ses projets inédits  p.223

(46) Rappelons notre étude sur les fonctions du manque et de l’échec ; « le désir se réalise dans la répétition » Armando Verdiglione, « La jouissance et la matière » in Psychanalyse et Sémiotique, p. 51

(47) Fonction immédiate et Fonction à terme : cf« Vraisemblance et Motivation » in figures II

(48) « J’ai la prétention de faire une revue de toutes les idées modernes. Les femmes y tiennent peu de place et l’amour aucune. » G. Flaubert, Correspondance, IV p.320

(49) M. Foucault, « La Bibliothèque fantastique », p. 187

(50) M.-J. Durry, Flaubert et ses projets inédits p.30