Opinion d’un philosophe de 1848 sur le roman

Les Amis de Flaubert – Année 1982 – Bulletin n° 61 – Page 42

 

 

Opinion d’un philosophe de 1848 sur le roman

Ernest Bersot, ancien élève de l’École normale supérieure, professeur à la Sorbonne, destitué pour avoir refusé le serment à Napoléon III. Rétabli sous la IIIe République, il publia en 1880, chez Hachette, un ouvrage intitulé : Questions d’enseignement, réunion de plusieurs articles qu’il avait publiés au cours de sa carrière. L’un d’eux, « Du rôle de la famille dans l’éducation » datant de 1856-57, c‘est-à-dire au moment où Flaubert publiait Madame Bovary. Il est intéressant à ce sujet, car il donne son opinion sur les romans en général :

« Les romans en vogue ne sont pas de ces romans d’autrefois, où on perdait tant de temps à s’aimer avant de se le dire, puis à se combattre après se l’être dit, pour souffrir éternellement d’une faute ou en mourir. Nous avons simplifié tout cela ; la littérature réaliste a fait justice de ces préjugés de la morale et du sentiment et nous a ramené à l’état de nature. Bénis soient ces romanciers ! ils apprennent le vrai de la vie à ceux qui y entrent. Ils ont seulement le tort de ne pas tout dire : outre leur réalité, il y en a une autre. La vie sans le rêve, sans le sentiment, sans la poésie, sans le sacrifice n’est pas la vie, ce sont par eux-mêmes des plaisirs qui donnent le prix aux autres et leur survivent ».

Bersot, bien oublié et dont les ouvrages rarement consultés dans les bibliothèques, bénissait ces nouveaux romanciers. Vu la date de cet article, il faisait sans doute possible allusion aux romans de Balzac et à celui de Flaubert.