Symbolique des nombres et signification des dates fictives dans l’É. S.

Les Amis de Flaubert – Année 1984 – Bulletin n° 64 – Page 5

 

Symbolique des nombres
et signification des dates fictives
dans L’Éducation sentimentale

 

Dans une récente étude qu’ont publiée Les Amis de Flaubert (1), j’ai attiré l’attention sur un aspect pratiquement ignoré de Madame Bovary — l’utilisation, dans la trame du tissu romanesque, d’un langage ésotérique fondé sur l’emploi fréquemment répété, et par conséquent signifiant, de certains nombres.

Une relecture très attentive de L’Éducation sentimentale vient de me faire découvrir que ce procédé ne doit pas être considéré chez Flaubert (alors que j’avais tendance à le penser) comme accidentel. Il se répète, en effet, dans le grand roman de 1869.

Certains nombres — le 3 surtout, le 4 et, moindrement, le 6 — se retrouvent, comme dans Madame Bovary, posséder un sens. Mais d’autres apparaissent — le 5, le 15, le 12 — qui, dans le roman de 1857, n’avaient aucune signification (2).

Je me suis donc livré, pour L’Éducation sentimentale, au même travail d’investigation et selon la même méthode, fondée sur un examen minutieux du texte et je pense aboutir, encore cette fois, à des conclusions susceptibles d’enrichir notre connaissance de la technique et des intentions profondes de Flaubert romancier (3).

Je vais donc étudier d’une part, la symbolique des nombres proprement dite et d’autre part, les dates fictives du roman, — occultées dans Madame Bovary, qui, dans L’Éducation sentimentale, se mêlent aux dates historiques.

I — Symbolique des nombres.

Il va sans dire qu’utilisant la même méthode, je ne tiens aucun compte des nombres utilisés dans les expressions toutes faites, — étant entendu, en particulier, que des nombres comme 1, 10, 100, 2, 20, etc… ne peuvent avoir de signification en soi, ces nombres apparaissant, dans l’immense majorité des cas, comme « façon de parler » ou s’imposant nécessairement.

Les nombres de base

Ce sont, par ordre de fréquence, 3, 5, 4, 15, 12 et 6 (4).

Le nombre 3.

Comme dans Madame Bovary, ce nombre est celui qui, de loin, se répète le plus fréquemment au cours du récit. Je l’ai rencontré — y compris ses multiples ronds 300, 3 000, 30 000 et 300 000 — dans quatre-vingt-treize passages, soit, en moyenne, près de cinq fois par chapitre (indice de fréquence : 4,89). Il apparaît dans tous les chapitres, sauf deux (III, 5 et III, 6).

Je ne puis, sous peine d’abuser de la patience du lecteur, recopier ici ces quatre-vingt-treize passages. Voici seulement quelques exemples significatifs (5) de l’emploi de 3.

— I, 4, p. 83 : « (Marie Arnoux au piano) lança trois notes aiguës. »

— I, 5, p. 89 : « Il y avait trois dames avec elle (Marie Arnoux). »

— I, 5, p. 95 : « Le troisième (Frédéric) était ajourné. »

— I, 5, p. 96 : « Pour savoir s’il (Frédéric) irait chez Mme Arnoux, il jeta par trois fois dans l’air, des pièces de monnaie. »

— I, 5, p. 98 : (Marie Arnoux est absente de Paris) « Alors commencèrent (pour Frédéric) trois mois d’ennui. »

— I, 5, p. 111 : (L’invitation à Saint-Cloud) « Vous trouverez un véhicule à trois heures, au journal ! »

— II, 1, p. 135 : « (Frédéric) consulta l’Almanach du Commerce. Il y avait trois cents Arnoux, mais pas de Jacques Arnoux !  » (6)

— II, 1, p. 139 : « Elle (Elisa) avait sur ses genoux un petit garçon de trois ans » (son fils).

— III, 4, p. 408 : « il y en avait une troisième toujours présente à sa pensée » (Marie Arnoux).

— III, 4, p. 417 : « Est-ce qu’on ne va pas, dans trois jours, vendre les meubles de votre maîtresse ? »

— III, 4, p. 432 : (La vente) « Trois garçons apportaient (les meubles) sur une table (…) On vendit (…) trois paires de bottines. »

Le nombre 5.

Ce nombre apparaît, avec ses multiples ronds 50, 500, 5 000, 50 000, quarante-quatre fois, soit, en moyenne, plus de deux fois par chapitre (indice de fréquence : 2,31). Il est présent dans quatorze chapitres sur dix-neuf.

Voici quelques exemples de son utilisation :

— I, 3, p. 56 : « Monsieur (Arnoux) ne serait pas au magasin avant cinq heures. »

— I, 4, p. 65 : « (Dussardier) le repoussa si rudement qu’il le fit tomber cinq pas plus loin, sur le dos. » (7)

— I, 5, p. 100 : « Le lendemain, à cinq heures, il (Frédéric) entrait chez elle (Mme Arnoux). »

— I, 5, p. 111 : « Frédéric ayant descendu ses cinq étages (…). »

— I, 6, p. 128 : « Ils se taisaient tous les deux (Frédéric et sa mère) comme il y avait cinq ans (…) Cette coïncidence lui rappela Mme Arnoux. »

— II, 1, p. 133 : (Frédéric, après l’héritage, retourne à Paris) « On n’avait fait que cinq kilomètres, tout au plus ! Il fut indigné. »

— II, 3, p. 209 : (Arnoux) « On me doit peut-être (…) cinquante mille francs pour la fin du mois »

— II, 4, p. 231 : (Le jour des courses) « Cinq chevaux parurent »

— III, 1, p. 353 : « Ils (Frédéric et Rosanette) arrivèrent (…) à Melun, vers cinq heures »

— III, 6, p. 436 : (Frédéric vient d’assister, de loin, au mariage de Deslauriers et de Louise Roque) « Honteux, vaincu, écrasé, il (…) s’en revint à Paris (…). Il était cinq heures, une pluie fine tombait. »

Le nombre 4.

Quatre et ses multiples ronds 40, 4.000, 40.000, sont attestés trente-deux fois, soit en moyenne près de deux fois par chapitre (indice de fréquence : 1,68). Quatre se rencontre dans quatorze chapitres sur dix-neuf.

Exemples :

— I, 4, p. 68 : « Un samedi, vers quatre heures, il (Hussonnet) apparut » (Frédéric, grâce à lui, va revoir, pour la première fois, Mme Arnoux)

— I, 4, p. 79 : (Frédéric a reçu une invitation d’Arnoux). « Dès quatre heures, il commença les préparatifs de sa toilette »

— I, 5, p. 113 : (La fête de Marie Arnoux) « Quarante minutes après. Il débarquait à Saint-Cloud »

— Il, 1, p. 143 : (Le journal d’Arnoux appartient maintenant à Hussonnet) « Cela s’appelait « L’Art » (…) capital social : quarante-mille francs. »

— II, 2, p. 184 : « (Le) revenu (de Frédéric) serait diminué de quatre mille francs. »

— III, 4, p. 418 : « Frédéric, que la nécessité contraignait, finit par prendre ses quatre mille francs » (les économies de Dussardier, que celui-ci lui a prêtées).

Le nombre 15.

Quinze apparaît en tout, y compris ses multiples ronds 1 500 et 15 000, vingt-neuf fois dans l’ensemble du récit, soit en moyenne environ une fois et demi par chapitre (indice de fréquence : 1,52). Il est attesté dans neuf chapitres seulement sur dix-neuf. Son utilisation se fait, curieusement, par à-coups : du chapitre II, 2 au chapitre II, 5 compris, il apparaît en effet seize fois (plus de la moitié de son utilisation), — et jusqu’à la fin du roman n’est plus attesté qu’une seule fois.

D’autre part, quinze apparaît, dans la majorité des cas, sous la forme de ses multiples, se référant à des sommes d’argent : 15 F (deux références :

II, 2, p. 163, II, 4, p. 260) — 1 500 F (deux références : I, 3, p. 57, l, 4, p. 174) — 15 000 F (treize références : I, 6, p. 123, II, 2, pp. 183, 184, 204 (bis), II, 3, pp. 208, 210, 211 (bis), II. 4, p. 257, II, 5, p. 269 (bis), III, 4, p. 397).

Enfin, je remarque que quinze ouvre le roman : « Le 15 septembre 1840 (…) » et qu’avant la dernière rencontre entre Frédéric et Marie, se situe le célèbre « blanc » de quinze années dans le récit (8).

Le nombre 12.

Douze et ses multiples 1 200 et 12000 sont attestés vingt-deux fois, soit en moyenne plus d’une fois par chapitre (indice de fréquence : 1, 16). Douze apparaît dans dix chapitres sur dix-neuf. Son utilisation devient plus fréquente à mesure qu’avance le récit : 1ère Partie : cinq références — IIe Partie ; sept références — IIIe Partie : dix références.

Exemples :

— 1, 3, p. 58 : « il (Frédéric) composa une lettre de douze pages »  (destinée à Marie Arnoux).

— Il, 4, p. 232 : « (Cisy) jura qu’il pouvait boire douze verres de vin de Champagne pendant les douze coups de minuit. »

— III, 1, p. 356 : « Comme il avait encore douze francs, Frédéric fit venir douze bouteilles de vin » (9).

— 111, 4, p. 401 : « La calèche du défunt (M. Dambreuse) et douze voitures de deuil suivaient. »

— III, 5, p. 433 : « Le crieur (…) annonça l’instrument (le piano de Marie Arnoux) pour 1 200 F. »

Je remarque en outre que — comme quinze — douze se retrouve dans des dates essentielles. Frédéric apprend qu’il hérite un 12 décembre et M. Dambreuse meurt un 12 février (10).

Le nombre 6.

Six et ses multiples ronds, 60, 6 000, 60 000, apparaissent vingt fois dans le roman et dans neuf chapitres sur dix-huit, soit, en moyenne, une fois par chapitre (indice de fréquence : 1,05), par conséquent à la limite de la signification. J’en ai toutefois tenu compte, étant donné l’importance que ce nombre avait prise dans Madame Bovary.

En voici quelques exemples :

— I, 1, p. 37 : « Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin (…) » (ouverture du roman).

I, 5, p. 120 : « Vers six heures du soir, (Frédéric) se présenta chez elle (Marie Arnoux). »

— I, 6, p. 124 : « Les six premiers mois surtout (à Nogent, après le retour de Paris) furent abominables (pour Frédéric). »

— Il, 2, p. 164 : « Mais à présent, songea-t-il (six heures sonnaient), Arnoux est chez lui sans doute. »

— Il, 4, p. 267 ; « (Frédéric) perdit d’un seul coup soixante mille francs. »

— III, 4, p. 420 : « Six heures sonnaient. La veilleuse s’éteignit (mort de l’enfant de Frédéric et Rosanette).

— Combinaisons entre les nombres de base —

Comme dans Madame Bovary, II arrive assez fréquemment que Flaubert combine dans le même énoncé — ou dans des passages constituant un ensemble — certains des six nombres de base que je viens d’examiner. Ces exemples me paraissent, dans ces conditions, particulièrement signifiants.

— I, 3, p. 60 : « Frédéric avait monté trois fois ses cinq étages. »

— I, 4, p. 62 : « Des jeunes gens par bandes inégales de cinq à douze (…) »

— I, 4, p. 70 : « Il avait cinq pieds neuf (multiple  de trois, cf. infra) pouces

(Regimbart) » (11).

— I, 4, p 74 : « (Arnoux) recevait (…) une toile achetée à Paris quinze cents francs, et, exhibant une facture qui la portait à quatre mille, la revendait trois mille cinq cents francs. »

I, 5, p. 90 : «  Ils arrivaient le samedi vers neuf heures (multiple de trois, cf. infra). Les trois rideaux d’algérienne étaient soigneusement tirés ; la lampe et quatre bougies brûlaient (…). »

— I, 5, p. 111 : « Frédéric ayant descendu ses cinq étages :

— Voici la chose : C’est samedi prochain, 24 (cf. infra), la fête de Madame Arnoux (…).

Vous trouverez un véhicule à trois heures, au journal !  »

— Il, 3, p. 217 : « (…) de quarante à soixante mille francs, je suppose. »

— II, 6, p. 303 : « (Frédéric attend Marie Arnoux) Cinq heures arrivèrent ! Cinq heures et demie (= 30 mn) ! Six heures ! »

_ III, 4,  pp. 401-402 : « (Funérailles de Dambreuse). Les six chapelles (…) étaient tendu(e)s de noir (…). Un jour mat tombait des trois coupoles ( ) Les cordons étaient tenus par quatre personnages (…) douze voitures de deuil suivaient. »

— III, 4, p. 418 : « Un jour qu’elle (Rosanette) lui montrait douze actions de la Compagnie du Kaolin (cette entreprise qui avait fait condamner Arnoux à trente mille francs (…). »

— Les multiples —

Ce sont les nombres 8 (2 fois 4 ou 3 +5), 9 (3 fois 3), 18 (6 fois 3 ou 3 + 15), 25 (5 fois 5), 27 (9 fois 3).

Le nombre 8 est attesté seize fois, 9 neuf fois, 18 quatre fois, 25 cinq fois, 27 deux fois.

Voici quelques exemples :

— I, 5, p. 110 : « (Frédéric vient d’être tenté par le suicide) (…) il flâna aux alentours de l’Hôtel de Ville jusqu’à huit heures et quart (= 15 mn). » (12)

— I, 5, p. 114 : « Arnoux donna l’ordre à son domestique d’atteler l’américaine vers les neuf heures et demie (= 30 mn). »

— I, 5, p. 129 : (L’héritage) « Un jour, le 12 décembre 1845, vers neuf heures du matin (…). »

— II, 3, p. 200 : « Quand il (Frédéric) ne dînait pas chez eux, vers neuf heures, il se postait au coin de la rue (…). »

— II, 4, p.242 : «  Samedi vers neuf heures, Mme Arnoux a reçu une lettre qui I’appelait à Paris (…). »

— II, 3, p. 208 : « Il (Arnoux) avait à verser (…) dix-huit mille francs (…). »

— III, 6, p. 441 : « (La scène d’adieu). L’aiguille ayant dépassé les vingt-cinq minutes, elle prit son chapeau par les brides, lentement. »

— I, 6, p. 128 : « (L’héritage) Vingt-sept mille livres de rente I »

— Le nombre 43 —

43 est attesté deux fois dans le récit.

Voici ces deux passages :

— I, 3, p. 59 : « il (Frédéric) allait dîner, moyennant quarante-trois sols le cachet, dans un restaurant, rue de la Harpe. »

— Il, 3, p. 211 : « Enfin, après quarante-trois minutes, Frédéric sortit avec Arnoux. »

Je rappelle que ce nombre très précis se retrouvait également deux fois dans Madame Bovary (I, 3 : « Il y eut une noce, où vinrent quarante-trois personnes (…) » — II, 13 : « Pendant quarante-trois jours, Charles ne la quitta pas. »)

La récurrence de ce nombre est, certes, faible, mais sa précision ne laisse pas d’intriguer. Je remarque, bien sûr, que ce nombre est formé par juxtaposition des chiffres de base 4 et 3 et suis tenté, comme dans Madame Bovary, de lui attribuer une signification (13).

En fin de compte, les nombres de base se retrouvent, y compris leurs multiples, deux-cent quatre-vingt fois dans l’ensemble du récit, soit un indice de fréquence de près de quinze fois par chapitre (14, 73). Or, si l’on se réfère à l’indice correspondant de Madame Bovary (14), la moyenne d’utilisation est seulement de dix (10,2).

Partant de cette constatation, il reste donc à interpréter le sens de ce langage ésotérique. Mais auparavant, je voudrais m’arrêter sur le choix des dates que Flaubert a inventées, qui, selon moi, ne manquent pas non plus de signification et, par conséquent, s’intègrent à cet ensemble.

II — Signification des dates fictives

Je vais examiner chacune de ces dates, à mesure de leur apparition au cours du récit.

— I, 1, p. 37 : « Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin, la ville de Montereau, etc… »

Le quantième 15 s’inscrit dans la suite des nombres de base.

Le choix de septembre 1840 n’est sans doute pas gratuit. C’est en septembre 1840, le 29 exactement (15), que Flaubert rencontra Eulalie Foucault de Langlade, à Marseille. Quant au choix de l’année de départ du roman, 1840, c’est, en outre, l’année qui entame, dans la vie de Flaubert, une dizaine déterminante. Cette dizaine, c’est sa jeunesse : 1840, le premier voyage et la première véritable expérience d’amour physique — 1842 ou 43 (16), il fréquente assidûment les Schlésinger  — 1844, la maladie — 1845, l’achèvement du premier grand roman — 1846, l’année noire : mort du père et de la sœur ; le début de la liaison avec Louise Colet — 1848, la Révolution — 1849, la rédaction de l’ouvrage de prédilection, la Tentation de Saint-Antoine. Ce n’est pas pour rien si, à peu de chose près, l’ensemble de « l’Histoire d’un jeune homme » englobe la dizaine 1840-1850.

La date d’ouverture apparaît donc mûrement choisie. Flaubert ne l’a pas inventée au hasard. Elle est lourde d’implications intimement personnelles. Si l’on songe en outre que le choix du bateau à roues est dû également à un souvenir précis de Flaubert (17), on voit à quelle subtile alchimie se livre l’écrivain lorsqu’il met en place un récit romanesque…

— I, 2, p. 147 : « Le père de Charles Deslauriers, (…) démissionnaire en 1818 ». 18 (qui est également l’âge de Frédéric au départ du roman) s’inscrit dans la suite des nombres de base comme multiple de 3 et de 6.

— Ibid : « En 1833 (…) le Capitaine vendit son étude. » Même remarque : « redoublement » du 3.

— I, 2, p. 49 : « Aux vacances de 1837 (Frédéric) emmena (Deslauriers) chez sa mère. » Cf. III, 7, p. 444 : « C’était pendant (les vacances) de 1837 qu’ils avaient été chez la Turque. » Pourquoi les vacances de cette année-là ? Hommage subtil (et dérisoire…) au souvenir de la jeune Caroline Heuland rencontrée à Trouville en 1837 ? C’est possible (18) L’Éducation sentimentale n’est pas entièrement et exclusivement dominée par la figure d’Elisa Schlésinger , cela est évident, et, en tout état de cause, confirmé par le biais de la présente étude (19). Cela dit, 1837 pose, malgré tout, problème. En 1837, Frédéric Moreau n’a que quinze ans ! Est-il vraisemblable qu’il ait pu (même poussé par son « aîné » Deslauriers) s’introduire dans la « maison de la Turque » ? Et nous sommes au début du XIXe siècle ! Et dans un petit bourg de province !…

Dans ces conditions, 1837 n’aurait-il pas une valeur spécifiquement ésotérique ? Je remarque en effet que la somme des chiffres qui constituent ce millésime aboutit à 19. Or, 19 se retrouve dans Madame Bovary et je l’avais alors interprété comme « symbolisant » 1846 et se référant au souvenir de Caroline Hamard. Pourquoi ne pas interpréter de même 1837 ?

— I, 3, p. 54 : « M. Dambreuse (…) dès 1825 (…) s’était tourné vers l’industrie ». 25, multiple du nombre de base 5.

— I, 5, p. 111 : « C’est samedi prochain, 24, la fête de Mme Arnoux. » 24 peut s’interpréter comme 4 fois 6 ou 6 fois 4. On le retrouve dans l’adresse d’Arnoux, « rue de Choiseul, 24 bis » (I, 4, p. 78). Je note, en outre, que 24 peut représenter 1824, année de naissance de Caroline Flaubert et que, d’autre part, dans Madame Bovary, Emma meurt le 24 (mars 1846), jour des funérailles de Caroline.

— I, 6, p. 126 : « Vers 1834, il (le père Roque) ramena de Paris une belle blonde (…). » Combinaison, par juxtaposition, (comme pour 43) des deux nombres de base 3 et 4.

— I, 6, p. 129 : « Un jour, le 12 décembre 1845 (…) la cuisinière monta une lettre dans sa chambre (…). » Ainsi, Frédéric Moreau apprend qu’il hérite de la fortune de son oncle le jour anniversaire des 24 ans de Flaubert ! Qu’on n’aille pas dire qu’il s’agit d’un hasard !

— Il, 4, p. 268 : « Quant aux Moreau, une inscription gothique (…) parlait d’un Jacob Moreau qui les avait réédifiés en 1596. » Hasard, arbitraire ? La somme des chiffres qui constituent ce millésime aboutit à 21, dans lequel le chiffre de base essentiel, le 3, se retrouve, à la fois par addition, 2 + 1, et dans le multiple 21. 21, en outre, peut représenter 1821, année de naissance de Flaubert.

— III, 3, p. 385 : « Au mois de mai 1850, Martinon épousa Mlle Cécile. » Il s’agit moins ici d’une date chargée d’implications ésotériques (50, multiple rond de 5), que d’une allusion, à mon sens transparente, au mariage du vieil ami de Flaubert, Ernest Chevalier, qui épousa, en 1850, Louise Leclerc-Thouin, dont la sœur avait épousé le fils du poète MilIevoye (20). Je suis en effet convaincu que Martinon, loin d’être Mérimée, comme on le pense couramment, est Ernest Chevalier. Le parallélisme entre les deux carrières est frappant, — et frappante aussi, si l’on confronte le portrait que trace Flaubert de Martinon et les photographies que nous avons conservées de Chevalier, la ressemblance physique (21).

— III, 4, p. 395 : « Le 12 février, à cinq heures, une hémoptysie effrayante se déclara » (mort de Dambreuse). La chronologie du roman (allusion à la révocation du général Changarnier) situe cet événement en 1851. Si février ne se réfère à rien de précis, en revanche le quantième 12 forme un ensemble avec l’heure (cinq) et n’est donc pas entièrement gratuit.

— III, 6, p. 436 : « Vers la fin de mars 1867, à la nuit tombante, (…) une femme entra. » Ouverture de l’admirable avant-dernier chapitre. On a souvent dit qu’il s’agissait là de la transcription presque pure et simple d’une rencontre entre Flaubert et Elisa Schlésinger  (22). Malheureusement, rien n’est moins sûr…

Ce qui ne veut pas dire que 1867 soit gratuit. En premier lieu, il est bien évident que Flaubert « avait le choix » quant au nombre d’années à ménager dans le célèbre « blanc » qui sépare le chapitre antépénultième de l’avant-dernier. S’il s’est arrêté à quinze, ce n’est pas, je le crois, sans raison. D’autre part, l’entrevue dernière a lieu en mars. Le choix de mars me paraît se référer à l’ensemble ésotérique en rapport avec le souvenir de Caroline Flaubert, tel que je l’ai défini à propos de Madame Bovary. Et en outre, il se trouve que, par addition des chiffres de 1867, l’on aboutit au total de 22. Or, Caroline est décédée un 22 mars, à l’âge de 22 ans…

En ce qui concerne le choix des mois et des jours, quelques remarques paraissent s’imposer.

Les mois. Sont attestés dans le récit : février, mars (deux fois), mai, septembre, décembre (deux fois) (23). Février et mai me paraissent purement arbitraires. En revanche, septembre se réfère, je le pense, à l’aventure de Marseille, compte tenu du millésime (24). Mars est en rapport avec le souvenir de Caroline (et avec le nombre 3, par voie de conséquence). Décembre est le mois de naissance de Flaubert (cf. la date de l’annonce de l’héritage).

Les jours. Il est curieux de constater que n’apparaissent nulle part dans le roman les lundi, vendredi et dimanche (25). Mardi est attesté une seule fois, mais dans quelle circonstance ! C’est le jour prévu pour le rendez-vous de la rue Tronchet (26). Or, mardi est, étymologiquement, de la « famille » de mars. Outre le souvenir de Caroline Flaubert, on pourrait supposer que ce jour va, dans l’esprit de Frédéric, mettre un terme au « combat » qu’il a livré, depuis huit ans, pour, enfin, faire de Marie sa maîtresse.

Le mercredi, on l’a déjà remarqué, était le « jour de réception » chez les Schlésinger , lorsque Flaubert, étudiant en droit, habitait Paris. Mercredi est attesté trois fois au cours du récit et se réfère explicitement une fois aux dîners Schlésinger , lesquels ont lieu, dans le roman, le jeudi (27). Il faut bien, un peu, brouiller les cartes ! Les deux autres fois, mercredi est en relation avec d’autres personnages, Cisy et Mme Dambreuse (28).

Enfin, et pour des raisons que je ne puis élucider, le jour le plus fréquemment attesté est le samedi. Il apparaît six fois. C’est, tout d’abord, le samedi que se réunissent, chez Dussardier, les amis de Frédéric (29). La fête de Marie Arnoux est célébrée un samedi (30). Regimbart avait « commandé (…) un gigot, pour samedi » (31). « C’était l’autre mois, un samedi, le 14 » (affaire du cachemire, Arnoux pris en flagrant délit de mensonge) (32). « Samedi, vers neuf heures, Mme Arnoux a reçu une lettre qui l’appelait à Paris » (33).

De cet ensemble, il est impossible de tirer une conclusion. Dans ce cas — dans l’état actuel de nos connaissances — l’arbitraire paraît évident.

Un dernier mot. On s’aperçoit, en établissant la chronologie du roman (34) que deux années sont totalement dépourvues d’événements historiques, et se situent, par conséquent, exclusivement au niveau de la fiction : l’Histoire « disparaît » en 1843 et en 1846 ! Cette remarque ne manque pas d’intérêt.

***

Conclusions

Comme je l’ai fait pour Madame Bovary, je vais donc tenter à présent d’interpréter les différentes données que m’a fournies l’étude du texte dans le domaine du langage ésotérique flaubertien.

I — La symbolique des nombres.

Le nombre 3.

Je reprends ici, purement et simplement, les conclusions auxquelles j’étais parvenu à propos de Madame Bovary. Je reste convaincu que, chez Flaubert, 3 est en rapport avec le souvenir de sa sœur Caroline. Je renvoie donc à mon étude antérieure, où j’ai développé les différents « sens » que Flaubert paraît avoir attribué à ce nombre — et en privilégiant de nouveau le rapport 3 = C, initiale du prénom.

Le souvenir de Caroline me paraît, en outre, confirmé à la fois par l’utilisation de 15 (35), de 24 (1824, année de naissance de Caroline, — 24 (mars 1846), ses funérailles) et de mars, en particulier « mars 1867 », millésime derrière lequel se cache le nombre symbolique 22.

Compte tenu de la récurrence considérable de 3 au cours du récit, une première conclusion paraît s’imposer : au niveau du langage ésotérique, incontestablement — et c’est, a priori, inattendu — Caroline « prend la première place », et de loin, dans L’Éducation sentimentale.

Le nombre 5.

Élisa Schlésinger  ne vient qu’en second ! Car, si 3 représente l’initiale C de Caroline, il m’apparaît que 5 représente l’initiale E, cinquième lettre de l’alphabet (36).

Ce fait confirme, s’il en était besoin, que L’Éducation sentimentale est un hommage à la « femme idéale », que Flaubert n’a jamais oubliée. La preuve en est, si l’on s’en tient au domaine ésotérique, l’insignifiance du nombre 5 dans Madame Bovary.

Le nombre 4.

4, comme dans le roman de 1857, est le nombre le plus délicat è Interpréter.

On peut reprendre les conclusions auxquelles j’étais parvenu à propos de Madame Bovary. J’éliminerai seulement l’hypothèse que j’avais émise d’un subtil hommage à Victor Hugo. Car si Hugo est bien « présent » de différentes façons dans Madame Bovary, il n’est fait allusion à lui que trois fois dans L’Éducation sentimentale (37). Mais je crois que, dans L’Éducation sentimentale, 4 représente symboliquement, avant tout, « les années 40 », cette dizaine du siècle qui, pour Flaubert et pour sa génération, exprime à la fois les rêves de la jeunesse et surtout les multiples désillusions… N’oublions pas que le récit démarre précisément en 1840.

Le nombre 15

En premier lieu, 15 représente trois fois cinq, liaison ainsi établie entre Caroline et Élisa, les deux « grandes amours » de Flaubert. Mais iI ne faut pas perdre de vue que Caroline est née le 15 [juillet 1824], — et aussi que le docteur Achille-Cléophas Flaubert est décédé le 15 [janvier 1846].

Le nombre 12.

12 peut représenter la liaison entre les deux nombres de base 3 et 4. Mais l’introduction, dans le corps du récit, et pour un événement déterminant, de la date du 12 décembre, m’incite à penser que 12 n’est pas sans rapport avec, tout simplement, la date de naissance de Flaubert.

Le nombre 6.

Je le vois, comme dans Madame Bovary, en liaison intime avec 3, autrement dit se situant dans le domaine ésotérique qui se réfère à Caroline. Mais sa signification est beaucoup moins précise que dans Madame Bovary, étant donné sa médiocre récurrence. Ainsi, Flaubert, d’un roman à l’autre, ne se répète pas. La faiblesse de 6 marquerait peut-être, en outre, un souci d’équilibre à maintenir entre le champ ésotérique réservé à Caroline et celui qui est réservé à Élisa (5, 15, 25) (38).

Le nombre 43.

Ce nombre très précis et sui generis (bien qu’il soit formé de la juxtaposition de deux nombres de base) se retrouve donc dans L’Éducation sentimentale comme dans Madame Bovary et suivant les mêmes modalités : récurrence faible, mais significative.

Je pense qu’il désigne l’année 1843 (39). Ce qui tendrait à conforter cette hypothèse, c’est, précisément, l’absence, dans le récit, d’événements historiques se rapportant à cette année-là. De ce fait, 1843 prend un certain relief (40). Pourquoi ? Je reprends ici l’hypothèse que j’avais émise touchant le rôle de 43 dans Madame Bovary. Dans la mesure où (mais rien ne le prouve, jusqu’à présent) Flaubert a été l’amant d’Élisa Schlésinger , serait-ce, précisément, en 1843 ?

II — Les dates fictives.

Les dates fictives que j’ai étudiées ne sont pas toutes systématiquement en rapport avec la symbolique des nombres (41), mais il n’empêche que je n’ai relevé aucune date purement arbitraire. Elles peuvent toutes « s’expliquer ». Flaubert ne s’en remet pas au hasard, quand il invente. Ou bien ces dates résultent de I’ « alchimie » ésotérique, ou bien elles se chargent d’implications très personnelles.

Je ne puis, au terme de cette étude, que reprendre la conclusion que j’avais déjà tirée de l’étude analogue consacrée à Madame Bovary.

Finalement, existe-t-il œuvres plus intimement personnelles que les romans de Flaubert ? Flaubert, l’« impassible », l’ « absent de ses œuvres », a su s’y plonger entièrement sans que ses lecteurs s’en rendent compte. À cet égard, ne pourrait-on considérer l’œuvre de Flaubert comme la plus formidable entreprise de mystification de la Littérature française ? (42)

Jacques-Louis Douchin,

Faculté des Lettres

(Nantes).

(1) mai et décembre 1981.

(2) Je rappelle que le 5 (et son multiple 50) n’est attesté, dans Madame Bovary, que neuf fois, et le 15, seulement quatre fois. Le 12, multiple des nombres 3 et 4, n’y apparaît que six fois.

(3) Cette étude de L’Éducation sentimentale m’incite d’ailleurs à interroger de la même façon les autres ouvrages de Flaubert, sans pour autant être assuré a priori d’un résultat acceptable — la prudence, dans un tel domaine, s’imposant comme qualité essentielle.

(4) Mettant à part 8, 9, 18. 25, 27 et 43 qui, comme je vais le montrer, se rattachent d’une façon ou d’une autre aux nombres de base, les autres nombres relevés dans le roman ne peuvent avoir aucune signification, leur fréquence se révélant évidemment insuffisante. Apparaissent : six fois, le 11 (uniquement pour dire « onze heures ») ; quatre fois, le 17 ; trois fois, le 14 et le 23 ; deux fois, le 24 et le 37 : une seule fois : 13, 16, 22, 28 , 29 , 32 , 36, 92, 175, 185, 1 082, 1 632, 174 000 , 223 000. Je n’ai pas tenu compte des nombres traduisant la montée des enchères lors de la vente du mobilier Arnoux (III, 5), sauf des « prix de départ » du piano (12 000 F) ; du « bijou de la Renaissance » (800 F) et du « prix d’arrivée » (930 F), lancé avant l’enchère finale de Mme Dambreuse. De même, je n’ai tenu aucun compte des nombres, à coup sûr fantaisistes, que l’on rencontre au cours d’une soirée chez Dussardier (II. 6) : 1229 procès de presse, 3 141 ans de prison, 7 110 500 F d’amendes…

Cela dit, en dépit de son unique apparition, je crois que 29 comporte une signification. (Cf. Infra, note 15.)

(5) Mon édition de référence : Flaubert, L’Éducation Sentimentale , chronologie et préface de Jacques Suffel, Garnier-Flammarion, 1969, in-8°, p. 445.

(6) Dit-on couramment « trois cents » en ce cas ?

(7) On connaît l’extrême minutie de Flaubert. Or, le pas mesure exactement 1 m 481. 5 pas font donc 7 m 405 ! Dussardier était, dit Flaubert. « une sorte d’Hercule ». D’accord… Mais il n’empêche que « cinq » paraît bien, ici, employé, malgré tout, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la vraisemblance.

(8) Cf. Infra.

(9) La bouteille de vin (encore conviendrait-Il de savoir de quel vin II s’agit) coûtait donc 1 F juste ? J’en doute.

(10) Cf. Infra.

(11) Cinq pieds neuf pouces correspondent exactement à 1 m 86. Je constate (avec amusement !) que le total des trois chiffres aboutit à 15 !

(12) Je remarque que le nombre huit se réfère fréquemment aux amis de Frédéric : Cisy, Deslauriers, Pellerin, Regimbart.

(13) Cf. infra, Conclusions.

(14) J’ai, bien entendu, établi cette comparaison en attribuant fictivement à Madame Bovary le même nombre de chapitres (dix-neuf) qu’à L’Éducation sentimentale.

(15) Cf. Lettre à Caroline, du dimanche soir [28 septembre 1840] Corr. éd. Jean Bruneau. Bibliothèque de la Pléiade, I, pp. 71-72 : « Nous sommes arrivés ce matin à Marseille (…) Après-demain nous partons pour Toulon. » Est-ce en souvenir de ce mémorable 29 que Flaubert écrit, à propos de Rosanette : « Un jour, elle s’oublia à dire son âge : vingt-neuf ans ; elle devenait vieille » (III, 1, p. 349) ? D’autre part, il est plus que probable que Flaubert ait raconté l’aventure de Marseille à Maupassant. Est-ce ce souvenir qui a suggéré à l’auteur de Boule de Suif sa nouvelle Le Lit 29 ?

(16) Cf. Infra, Conclusions.

(17) Cf. Jacques-Louis Douchin, Les mémoires d’un Fou, de Flaubert, réalité ou fabulation ? Revue d’Histoire Littéraire de la France, mai-Juin 1983.

(18) Cf. Id.

(19) Cf. infra, Conclusions.

(20) Corr., éd. Jean Bruneau, Bibliothèque de la Pléiade, I, p. 1124 (note 1, renvoi à la p. 719).

(21) Cette « identification » n’empêche nullement d’admettre, comme le suggère Jean Bruneau (ibid., note 2, renvoi à la p. 721) que « les amours de Deslauriers et de sa grisette (…) sont sans doute inspirées, en partie, de celles de l’étudiant en droit Ernest Chevalier ». Exemple supplémentaire de I’ « alchimie » flaubertienne !

(22) C’est la thèse de Gérard-Gailly, admise par Dumesnil et les différents commentateurs Jusqu’à présent. Aragon — qui, bien sûr, n’était pas un spécialiste de Flaubert — l’a reprise à son compte dans Blanche et l’Oubli : « L’essentiel tient à ce que, dans le roman, soit ici entrée une scène que l’auteur ne pouvait prévoir, en pleine écriture du récit, que la vie ait forcé la main de la chimère. Ainsi Mme Schlésinger  vient au livre en gestation ajouter l’inimaginable, c’est elle qui achève l’œuvre, ne le voyez-vous pas ? » C’est sans doute, hélas I trop beau pour être vrai…

(23) Février, mort de Dambreuse (III, 4, p. 395) — Mars, embarras d’argent de Frédéric (I, 5, p. 88) ; dernière entrevue de Frédéric et Marie (III, 6. p. 436) — Mai, mariage de Martinon (III. 3, p. 385) — Septembre, ouverture du roman (I, 1, p. 371 — Décembre, première manifestation d’étudiants (I, 4, p. 62) ; annonce de l’héritage (I, 6, p. 129).

(24) Je rappelle que le bal à la Vaubyessard dans Madame Bovary, se situe également fin septembre.

(25) Contrairement à Madame Bovary, où le dimanche joue un rôle important.

(26) II, 6, p. 299.

(27) I. 5. p. 89. « Il (Frédéric) ne manquait pas, pour qu’on l’invitât aux dîners du jeudi, de se présenter à l’Art Industriel chaque mercredi, régulièrement. » C’est la seule référença pour le jeudi.

(28) II, 2, p. 161 : (Mme Dambreuse) « Tous les mercredis, n’est-ce pas. monsieur Moreau ? » — Il, 4, p. 244 : « (Cisy) fit bonne contenance, et l’invita même à dîner, pour le mercredi suivant ».

(29) I, 5, pp. 90, 92, 119.

(30) I, 5, p. 111.

(31) II, 1, p. 138.

(32) II, 2, p. 194.

(33) II. 4. p. 242.

(34) Ce qui n’est pas toujours aisé et laisse parfois apparaître, de la part de Flaubert des inadvertances surprenantes. Chacun sait, par exemple, que la grossesse de Rosanette dure près de deux ans I

(35) Cf. Infra.

(36) J’écarte a priori une autre hypothèse, qui consisterait à voir dans 5 une référence à la naissance de Guy de Maupassant 5 [Août] 1850, encore que… L’alchimie flaubertienne se fonde parfois sur de bien savants mélanges !

(37) I, 4, p. 68 : « Remarquant dans l’étagère un volume de Hugo » — II, 2, p. 171 : « Balzac était surfait, Byron démoli. Hugo n’entendait rien au théâtre, etc… — III, 1, p. 323 : « Quand le pays fournirait à des hommes comme Delacroix ou Hugo cent mille francs de rente, où serait le mal ? »

(38) Champ ésotérique de Caroline (3 et 6), 115 références — Champ ésotérique d’Elisa Schlésinger  (5, 15, 25), 78 références. On peut considérer par conséquent que les six nombres de base se groupent de la façon suivante : champ ésotérique de Caroline : 3 et 6 — Champ ésotérique d’Elisa : 5 et 15 — Champ ésotérique personnel se rapportant à Flaubert lui-même : 4 et 12.

(39) Comme je le suggérais déjà à propos de Madame Bovary.

(40) Quant à l’année 1846, occultée de la même façon au niveau de l’Histoire et par conséquent également mise en relief, elle se réfère, bien entendu, aux drames familiaux (décès successifs du docteur Flaubert et de Caroline) et également, dans une certaine mesure, au début (juillet) de la liaison avec Louise Colet. Je rappelle que, dans Madame Bovary, 1846 (date inscrite dans le livre de la dette) prend une Importance primordiale (déchéance, suicide d’Emma Bovary, etc.).

(41) Ce rapport s’établit pour 1818, 1833, sans doute 1837, 1825, 1866 et, probablement, 1867.

(42) Je me suis penché, comme pour Madame Bovary, sur le problème des patronymes. J’ai simplement constaté que la majorité d’entre eux étaient inventés et non attestés. Mais c’est tout. Je n’ai pu, à l’Inverse de mon étude précédente, établir de corrélations avec la symbolique des nombres, ni voir dans leur choix quelque relation que ce soit avec l’expérience de Flaubert.

Toutefois, j’adopte l’hypothèse de Jean Bruneau selon laquelle « Arnoux » aurait été suggéré à Flaubert par le souvenir de la « mère Arnoult », prostituée parisienne, dont il est question dans une lettre d’Alfred Le Poittevin à Flaubert (cf. Corr., éd. Jean Bruneau, Bibliothèque de la Pléiade, I, p. 832). J’ajoute cependant que Flaubert a pu penser également au village de Saint-Arnould, sis à cinq kilomètres de Trouville. J’ai relevé également un curieux rapprochement entre Vinçart, usurier dans Madame Bovary et Valinçart, le patron de Dussardier. Mais ce n’est là qu’un exemple de plus de ces fils subtils qui relient les unes aux autres les œuvres de Flaubert (cf. Bovary, Bouvard).

Quant au prénom Marie, Il est évidemment symbolique, se relie, comme on sait, aux Mémoires d’un Fou, à Novembre, aux premiers scénarios de Madame Bovary, et — ne l’oublions pas — est aussi l’anagramme de « aimer » !