Vie de la Société

Les Amis de Flaubert – Année 1984 – Bulletin n° 65 – Page 3

 

 

Vie de la Société

Départ annoncé d’André Dubuc

Éditorial

Le Bureau tient à remercier les abonnés de notre bulletin qui ont cru devoir nous adresser leurs regrets et leur sympathie à l’annonce du décès de notre dévoué secrétaire Lucien Andrieu.

Lui et moi sommes nés la même année en 1905. Nous avons vécu dans la même ville et depuis quarante ans nous nous rencontrions trois à quatre fois chaque semaine. Sa disparition a donc été un choc sur mon plan personnel. Nous nous épaulions mutuellement, un peu à la manière de l’aveugle et du paralytique de la fable.

L’un survit à l’autre. Une dislocation d’équipe désarçonne et est toujours pénible pour retrouver un certain équilibre. Or, j’aurai bientôt 80 ans et j’ai une vue déficiente due à une opération de la cataracte. Si nous avions dû disparaître presque en même temps, notre société aurait probablement sombré. Il est de mon devoir de chercher sa continuation et de lui trouver un nouveau souffle. Personne n’est absolument nécessaire, mais chacun peut se montrer utile quand on a le sentiment de la vie et de la survie d’une société. Le dévouement bénévole à une cause devient rare de nos jours. Les générations se suivent sans nécessairement se ressembler.

Ma ferme intention est de me retirer au cours de l’année 1986. Je l’ai déjà exprimé à plusieurs et même dans ce bulletin. Je voudrais disparaître sur la pointe des pieds, dégagé de toute obligation sociale. Depuis 1961, je me suis occupé de la société et surtout du bulletin, de le rendre intéressant et d’étendre son rayonnement en France et à l’étranger. Ce fut ma constante attention. Pour se maintenir, notre société ne peut être que rouennaise ; dans une autre ville, elle disparaîtrait rapidement. C’est dans la région rouennaise qu’elle devrait compter le plus d’adhérents plus ou moins enthousiastes, s’il y avait encore une sorte de patriotisme local. Une société Corneille s’était formée, elle a réuni une vingtaine de membres, la plupart d’ailleurs appartenant à notre association, elle a disparu quand son créateur qui avait du mérite a dû professionnellement redevenir parisien. Les Rouennais sont fiers de leurs grands hommes, à condition qu’ils ne leur coûtent rien. Par timidité, par insouciance, un peu par avarice, ils sont ainsi de père en fils, pour la plupart. Flaubert fulminait contre eux et ceux de sa lignée persistent dans le même sentiment.

D’autres causes moins particulières viennent s’y adjoindre. Les générations se modulent sur le temps et se plient aux obligations de leur époque. Nous avons vécu, tout au moins les plus âgés, dans une civilisation où l’agriculture et l’artisanat tenaient une large place, où le temps était secondaire. Il n’en est plus de même aujourd’hui : plus grand, plus vite, moins cher, pour rivaliser avec les nations étrangères. En une trentaine d’années, le monde occidental a changé de base avec l’automatisme des machines et la panacée informatique. Si bien que la jeunesse, parfois à regret, s’est détournée par nécessité vers les sciences. La société littéraire s’est amoindrie et le nombre de chercheurs, fournisseurs d’articles pour notre bulletin, a diminué, ce qui entraîne à des conséquences. Il devrait y avoir à Rouen quatre ou cinq chercheurs s’intéressant à Flaubert, à Maupassant, à Bouilhet. Aux Archives départementales comme à la Bibliothèque municipale où le fonds Flaubert est important, je n’en vois pas apparaître, mais seulement quelques étrangers aux vacances qui viennent se pencher sur les manuscrits. Ce sont des indices malheureux.

Du côté adhérent, depuis 1916, nous avons senti un fléchissement continuel. Chaque année, une certaine mouvance se manifeste : des départs, des entrées. Pour vingt départs, en moyenne cinq entrées. Nos petites sociétés littéraires étaient facilement viables en 1950, 1960, 1970, elles le sont moins aujourd’hui. Nous avons compté jusqu’à 350 membres, nous sommes à la limite des 150 aujourd’hui, alors qu’il nous faudrait être 400 à 450. Nous avons tiré sur 48 pages et pour des raisons financières nous avons réduit à 44 pages et même 40. Le dernier bulletin avec la composition, le tirage, les frais d’expédition est revenu à 13.000 francs, si bien que nos recettes de l’année ne couvrent que le prix de 50 pages et non pas 80 pages et encore moins 96. Nous devrions compter 450 membres, soit 150 à Rouen et dans le département, 150 en France et une centaine à l’étranger. Voici donc l’impitoyable vie économique et financière de notre sort et les autres sociétés littéraires comme la nôtre, sociétés d’amateurs, connaissent les mêmes problèmes. Alors, manque de chercheurs, manque d’animateurs, manque d’adhérents. Que doit-on faire, que peut-on faire ? Il me faut aussi faire remarquer que depuis trois ans ce sont surtout des chercheurs étrangers qui garnissent notre bulletin. Je tiens à les remercier.

Notre secrétaire et notre trésorière sont plus jeunes. L’une et l’autre ont cherché à me faire plaisir et je leur en sais gré. Il faudrait trouver bientôt un président qui soit rouennais, qui tienne, comme je l’ai fait en 1961, à la continuation de notre société et surtout de notre bulletin. Sa tâche sera rude. Qu’un volontaire se présente, nous lui sourirons d’emblée.

André DUBUC

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L’admiration de Gustave Flaubert pour Pierre Corneille

 

La Société libre d’Émulation de la Seine-Maritime, fondée en 1792, a célébré dans la soirée du 6 juin 1984, à l’hôtel des Sociétés Savantes de Rouen, le troisième centenaire de la mort de Pierre Corneille. Longtemps, cette société tenait sa séance publique à cette même date, jour anniversaire de sa naissance, pour marquer son attachement à cet auteur tragique rouennais. De plus, c’est encore l’Émulation qui, avec l’aide financière d’une souscription nationale faisait édifier en 1834 sa statue, œuvre de David d’Angers, aujourd’hui replacée devant le Théâtre des Arts.

Pour cette soirée anniversaire, Lucien Andrieu avait préparé une communication sur ce que Gustave Flaubert avait pensé de l’œuvre de Pierre Corneille qu’il admirait. Lucien Andrieu est décédé le 25 mai ; elle fut lue par M. Daniel Fauvel, président de l’Émulation. Elle fut écoutée dans le plus grand silence pendant et après sa lecture. Nous la publions dans notre bulletin en marque de reconnaissance et de notre profond souvenir.

A. D.

Comme toutes les sociétés littéraires de ce genre et des conséquences de la crise économique, nous prions nos fidèles lecteurs, malheureusement de moins en moins nombreux, de bien vouloir nous adresser le montant de leur cotisation pour 1985 et de se montrer généreux. La survie de notre bulletin est hélas à ce prix. Que les retardataires n’oublient pas les cotisations dues.