Chronologie des Amis de Flaubert 1880-1980, réalisée par David MICHON

– Un « Comité Flaubert » se forme en juillet 1880 pour le souvenir de l’écrivain normand. Le but des premiers amis de Flaubert est simplement de lui rendre hommage.

– Le 23 novembre 1890 le président du Comité Flaubert, Edmond de Goncourt, inaugura le Mémorial Flaubert. Une chromolithographie en bas-relief, exécutée par Henri Chapu, se trouvait sur la façade principale du Musée des Beaux-Arts de Rouen, avant d’être mise à l’abri le 8 septembre 1908. Le monument érigé à la mémoire du Maître prit sa place actuelle en août 1982 dans le petit jardin du Musée Flaubert et d’histoire de la médecine.

– À la mort du romancier, le 8 mai 1880, la propriété de Croisset voit disparaître son dernier occupant. Caroline Commanville, nièce de Flaubert, en avait hérité à la mort de la mère de Gustave. Mairesse, représentant une compagnie industrielle, put acquérir la maison familiale le 14 juin 1881. Le domaine fut nettoyé de ses arbres centenaires et de la grande bâtisse afin de construire la distillerie de Croisset-Rouen. Elle produisit de l’alcool du 1er avril 1882 jusqu’à sa fermeture en 1903. À côté de l’usine, en bout de jardin, subsistait un petit pavillon. Le notaire de Rouen chargé de la vente du terrain en 1903 n’était autre que Maître Paul Toutain, déjà très au fait de l’histoire de sa région et auteur de nombreux ouvrages sous divers pseudonymes, dont Jean Revel. Il s’activa donc pour protéger le « petit salon », en mettant deux lots à la vente : l’un comprenant l’usine et ses dépendances, l’autre le pavillon et un petit terrain.
Le 20 novembre 1904, des amoureux de l’écrivain et de la Normandie s’unirent à l’appel de Georges Dubosc, lançant dans le Journal de Rouen une campagne de presse. Le 25 novembre le comité d’action se réunit une nouvelle fois à l’Hôtel de sociétés savantes de Rouen. Le président Paul Toutain projeta d’acheter le pavillon afin d’installer un petit musée. Plusieurs grands noms participèrent au rachat : José Maria de Heredia, Jules Claretie, Colette Yver, Juliette Adam, le premier lauréat du prix Nobel de littérature Sully Prudhomme, Albert Sorel et même la ville de Rouen, ainsi que la société encore détentrice du terrain.
Le 17 juin 1906, l’inauguration du musée du Pavillon consista, autour d’une vingtaine de personnes, en la remise des clés au maire de Rouen.

– La formation d’un comité parisien en 1907 étonna. Présidé par le sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts Dujardin-Baumette, ayant comme secrétaire le rédacteur du Siècle Maurice Guillemot, le comité commanda une statue au sculpteur russe Léopold Bernstamm. Elle fut exposée en 1906 au Salon des artistes français. Haute de 2,25 mètres et pesant environ 380 kilogrammes, elle fut installée devant l’église Saint-Laurent, non loin de la Bibliothèque. L’édicule se compose ainsi de la statue et d’un socle imposant réalisé par l’architecte Charles Plumet. Il est inauguré le 29 octobre 1907.

Le centenaire de la naissance : Jean Revel précise dans une lettre préparatoire le sens des célébrations littéraires du 21 et 22 mai 1921 qui est d’assigner « une place définitive à Flaubert et à Bouilhet parmi nos classiques, à côté des plus hautes gloires des lettres françaises » . Pour plus de retentissement, le centenaire sera double, incluant son fidèle ami Louis Bouilhet.

– Dans la matinée du 21 mai 1921, les tombes de Gustave Flaubert et de Louis Bouilhet furent fleuries grâce à la municipalité et au Comité Flaubert. Léon Bérard, ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, prononça un discours à Croisset. Le comité se composait comme suit : Jean Revel, président ; Souriau et Bordeaux, vice-présidents ; Georges Monflier, secrétaire général honoraire ; Jean Lafond, secrétaire ; Macqueron, trésorier.

– La cérémonie du 12 décembre 1921 consiste en l’inauguration du buste parisien de Gustave Flaubert dans le jardin du Luxembourg, à l’extrémité de l’allée, qui va de la fontaine Médicis jusqu’à l’École des mines. Le salon carré du musée du Luxembourg accueille les participants, notamment les autorités officielles comme Jacques Bompard, directeur de cabinet du président de la République Alexandre Millerand , Paul Léon, directeur des Beaux-Arts de la ville de Paris ou Léon Bérard, ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts.

– Le 22 juin 1923 fut inauguré le Musée Flaubert, composé principalement de la chambre natale de Gustave Flaubert.

– Déclarée à la Préfecture le 23 juin 1948, la création des Amis de Flaubert parut au Journal officiel le premier juillet suivant. Le Pavillon de Croisset devint le siège social. Le bureau élu pour trois ans s’établissait comme suit: René Dumesnil, président, Jacques Toutain et Jean Pommier, vice-présidents, René-Marie Martin, secrétaire trésorier. En 1954, après la démission de René-Marie Martin, Lucien Andrieu fut nommé secrétaire. Contrairement aux comités du début du XXe siècle, l’Association décida de faire paraître un Bulletin. René Dumesnil présida l’association de 1949 à 1952 ; Jacques Toutain prit la suite et céda la place de vice-président à Jean Pommier.

– Le 7 septembre 1961, Jacques Toutain Revel disparaissait. Le président de l’Association des Amis de Flaubert occupait d’autres fonctions : en effet, il était secrétaire général du Conseil des Prud’hommes de Rouen, il présidait l’association Normandie-Canada et fut le co-fondateur de la société pour la restauration de la Chapelle du Lycée Corneille. Décoré après la Première Guerre mondiale, il était un ardent défenseur des droits des anciens combattants. Après son père, Jacques Toutain Revel marqua son lien à la Normandie par la création de plusieurs pièces de théâtre, par l’écriture de nombreuses chroniques et études et enfin par son attachement profond au culte de Flaubert. Il organisait des conférences, guidait les curieux lors des périples touristiques estivales et ne manquait pas de présider les cérémonies du souvenir sur la tombe du romancier normand. Le nouveau président, André Dubuc, déjà président de la Société Libre d’Émulation et investi au Syndicat d’Initiative de Rouen, continua l’œuvre de ses prédécesseurs.

– Participant à la rénovation de la Société des Amis de Flaubert en 1948, Edouard Maynial décéda en 1966. Il avait écrit dans le premier bulletin, et il fut surtout le principal instigateur d’une fusion entre les Amis de Flaubert et les Amis de Maupassant, qu’il présida jusqu’à leur disparition en 1955 : André Dubuc insistait pour que l’Association des Amis de Flaubert s’ouvre aux autres écrivains et proches de Flaubert, tout en refusant pour le moment de s’appeler « Amis de Flaubert et Maupassant ».

– Les décès d’éminents flaubertistes marquent la fin des années 1960. En 1967, ce sont Gaston Bosquet et René Dumesnil qui s’en vont. Vice-président de la société, Gaston Bosquet avait fortement contribué au numéro spécial sur le roman Salammbô, et il étudia de nombreuses années les manuscrits de Flaubert.
Né en 1879, vingt ans avant Gaston Bosquet, René Dumesnil n’avait pas de lien précis avec les Amis de Flaubert. Pourtant, il fut à la pointe de la recherche flaubertienne au début du XXe siècle, en soutenant une thèse sur Flaubert, son hérédité, son milieu, sa méthode. Grand ami du flaubertiste René Descharmes, il vulgarisa avec lui les œuvres et la correspondance de Flaubert, aux éditions Conard. Ses nombreuses publications, Autour de Flaubert, En marge de Flaubert, Gustave Flaubert, l’homme et l’œuvre, Le grand amour de Flaubert, ont marqué la recherche flaubertienne au début du XXe siècle.

– En 1968, le trésorier René Sénilh, malade, donnait sa démission. Le bureau était donc composé comme suit : André Dubuc, président ; l’universitaire Marie-Claire Bancquart et Jean Hossard, vice-présidents ; Lucien Andrieu, secrétaire ; Madeleine Déologent, trésorière. Les membres du comité de direction étaient MM. Fouyé, Fallu, Creignou, Gence, Clastot et le Docteur Galérant. Il est également décidé de nommer des membres d’honneur de l’Association des Amis de Flaubert : MM. Jean Pommier, Jean Bruneau et René Sénilh. Ce dernier devait mourir en 1970, c’était l’ultime représentant du bureau de 1948 qui s’en allait rejoindre tous ceux du vieux comité du rachat du Pavillon. André Dubuc salua un fidèle qui appartenait à « ces générations d’hommes du début du siècle, qui savaient donner de leur personne et aussi de leur temps, pour un intérêt commun. »

– L’apogée du Bulletin, porté par l’activité du binôme Dubuc-Andrieu, finalement représentatif en partie de l’audience et de l’activité de la société, se termina vers 1975, date à laquelle une quarantaine de bibliothèques françaises et étrangères étaient abonnées, augmentant ainsi considérablement la portée de la revue au-delà des trois cents cinquante adhérents à l’association.

– L’éditorial du numéro 68, datant de 1986, marque la fin de l’existence du Bulletin des Amis de Flaubert. L’âge élevé des deux derniers représentants de l’Association (Lucien Andrieu décède le 23 mai 1984 à 79 ans et André Dubuc a plus de 80 ans) précipite la fin de l’aventure débutée au début du siècle.