Revue : Le Pierre Corneille

Les Amis de Flaubert – Année 1964 – Bulletin n° 24 – Page 38

 

Un article oublié d’Émile Zola sur Flaubert

dans la revue Le Pierre Corneille

Cet article écrit du vivant de Flaubert semble méconnu. Il a paru dans une revue mensuelle rouennaise, qui n’eut que quatre numéros, mais dont le titre fut claironnant : Le Pierre Corneille. Son fondateur fut Alexandre Collignon. Au bout de quatre mois, selon Raoul Aubé (1) qui le connut, il « délaissa à l’improviste, revue et abonnés, pour aller tenter sa chance à Paris ». Il fut connu ensuite comme caricaturiste dans plusieurs journaux de la capitale, sous le pseudonyme de « Coll-Toc ». Le rédacteur en chef ne poursuivit pas l’entreprise : c’était Julien Goujon (2) qui devait mourir sénateur du département en 1912, après avoir été longtemps député d’Elbeuf.

Cette revue avait pourtant été habilement lancée, en plus de son titre attirant, elle aurait mérité une plus longue durée. De format grand in-4° comportant 16 pages sur papier de luxe, l’abonnement était de 12 francs par an. Elle s’intéressait à la littérature, aux beaux-arts et à la musique. Elle publia surtout de nombreuses poésies, de bons dessins et quelques articles, notamment celui de Zola, d’autres sur Louis Bouilhet par Morcelet, de Julien Goujon sur Maupassant et une poésie de 28 vers sur la mort de Flaubert, avec un dessin de Collignon.

Grâce à son titre prestigieux, de nombreux littérateurs s’étaient inscrits comme membres fondateurs avec Victor Hugo comme président, Daudet, Sully-Prudhomme, Claretie Cladel, Sarcey, School, Zola, Houssaye, Vacquerie, Coppée, Gill, Clovis Hugues, Flaubert, Maupassant, de la Villehervé, Sarah Bernardt, Mlle Leroyer de Chantepie. Des rouennais : Georges Dubosc, Dr Bellencontre, Léon de Vesly, de Lérue, Dorchain, d’Osmoy. Plus de deux cents membres et abonnés qui auraient dû assurer une longue vie au Pierre Corneille, si Collignon n’avait pas laissé sa ville natale, pour la capitale.

Cette revue est devenue fort rare. La bibliothèque municipale de Rouen en possède une collection complète.

L’article de Zola que nous publions complètement offre l’avantage d’avoir été écrit avant la mort de Flaubert. Il lui a peut-être été soumis. Mais encore vivant, il aurait su ce que son ami Zola pensait de lui et de son œuvre : Flaubert étant décédé dans l’intervalle du premier et du second numéro. Zola devait écrire ensuite pour le Figaro deux longs articles qui furent publiés dans ses œuvres complètes. Celui-ci a dû échapper à la vigilance des éditeurs. Il a une fraîcheur d’analyse et d’observation qui mérite la réimpression.

(1) Bibl. mun. de Rouen. Bibliographie de la presse rouennaise de Raoul Aubé (Ms).

(2) Julien Goujon, ancien élève du lycée Corneille, avocat, conseiller général de Rouen, longtemps député d’Elbeuf, puis sénateur de la Seine-Maritime, décédé en 1912. Il a collaboré au Tam-Tam de Rouen, à Paris-Plaisir, fonda le Molière, et est l’auteur de plusieurs pièces. (Voir Journal de Rouen, 19 mars 1912, art, de G. Dubosc.)