La fiche signalétique de Maupassant

Les Amis de Flaubert – Année 1981 – Bulletin n° 58 – Page 41

 

 

La fiche signalétique de Maupassant

 

Quel soldat fut Maupassant, lui qui, après 1871, a montré tant de dégoût pour la guerre.

Nous avons eu la bonne fortune de retrouver aux archives départementales de la Seine-Maritime (IRP879) ses services militaires, dans l’arrondissement du Havre, pour le canton de Criquetot l’Esneval, dont dépendait Étretat, lieu de domicile de sa mère, pour les conscrits de 1870. Il avait tiré au sort, un mauvais numéro 56, c’est-à-dire qu’il devait être soldat pour cinq ans, à moins de se faire remplacer par un autre homme, acheté par lui ou par sa famille et pour une somme rondelette. Il était considéré comme un étudiant en droit, venant de passer au lycée impérial de Rouen, quelques mois auparavant.

Au début de la guerre de 1870, il est déclaré engagé volontaire pour sept ans, à la mairie de Criquetot-l’Esneval, chef-lieu de canton ; la date est demeurée en blanc au 21° régiment d’artillerie et probablement le 15 août 1870. Il est incorporé le même jour. On peut se demander pourquoi à la section des commis de l’Intendance. Il arrive au corps le 17 août 1870 et est incorporé deux jours plus tard, sans mentionner le lieu, mais probablement à Paris. Il est considéré du point de vue militaire comme soldat de 2e classe, à partir du 18 août 1870, sous le matricule 1591. Il est finalement incorporé au 21e régiment d’artillerie, à compter du 21 septembre 1871, comme venant de la section des commis de bureau de l’intendance suivant la décision ministérielle du 15 septembre 1871. Arrivé au corps et deuxième canonnier servant le 2 octobre 1871, il est remplacé au corps et libéré le 1er janvier 1872. Il est considéré avoir fait la campagne contre l’Allemagne en 1870-71, au 24e régiment territorial d’infanterie, 2e bataillon, 3e compagnie. Nous avons donc là des indications bien laconiques, pour lesquels les services des Archives de l’armée à Vincennes ne conservent rien d’autre, à cause des nombreuses lacunes constatées pour cette époque.

La correspondance publiée récemment par M. Jacques Suffel ne donne que trois lettres de Maupassant pour 1870 et 1871. Il nous semble que la lettre n° 9 avec l’indication de Rouen du 30 juillet 1870 serait plutôt logique datée de 1871. La lettre 11, datée du 27 août 1870 parait bien à sa date, la lettre n° 10, est certainement de la fin de 1870, fin novembre ou début de décembre. La suite des lettres devrait être, 10, 11, 9.

Quelle fut la suite des obligations militaires de Guy de Maupassant ? La colonne des observations nous renseigne vaguement après s’être fait remplacer pour le 1er janvier 1872. Parfois, sur ce registre concernant l’arrondissement du Havre, le nom du remplaçant est donné. Généralement, il y avait un contrat passé devant un notaire et contrôlé par l’enregistrement. De grandes chances que cet acte ait été passé à Paris, parce que son père voulait qu’il se fît remplacer. Les observations sont les suivantes : « Non disponible. Employé dans les établissements de la marine à Cherbourg. Démissionnaire le 18 décembre 1878. Affecté par décision ministérielle en date du 12 février 1883 à la 3e section territoriale des commis et ouvriers d’administration. A accompli une période d’exercices à Ia 3e section des commis du 2 juin au 14 juin 1883. Passé dans l’armée territoriale le 15 août 1879. Passé dans la réserve de l’armée territoriale le 1er juillet 1884 ».

Ses domiciles successifs constatés par l’armée ont été : Paris, 2, rue de Moncey ; attaché au ministère de la marine ; attaché au cabinet du ministre de l’Instruction Publique ; Résidence à Sartrouville (Seine et Oise). Décédé à Paris (16e) le 6 juillet 1893.

Nous n’avons que soulevé un coin du voile de la carrière militaire de Guy de Maupassant. Il est probable que d’autres lettres de la période de 1870-71 sommeillent dans des collections privées. Il serait utile de les déceler, pour compléter nos informations comme de retrouver le contrat de remplacement et son coût. Maupassant a beaucoup parlé dans sa première période littéraire sur les combats de 1870, sur les soldats et les moblots. Que ces lignes interrogatives tombent sous les yeux de ceux qui détiennent d’autres lettres !

A. D.