Gustave Flaubert et l’œuvre de Pierre Corneille

Les Amis de Flaubert – Année 1984 – Bulletin n° 65 – Page 5

 

 

Gustave Flaubert et l’œuvre de Pierre Corneille

La bibliothèque Flaubert

 

Le long du mur au fond de la grande salle de réunion du conseil municipal de la mairie de Canteleu repose depuis 1953 la bibliothèque de Flaubert composée de près de quatre cents volumes (1).

Parmi tous les livres exposés, on peut y voir cinq petits volumes in-douze revêtus de leur reliure d’époque avec les tranches dorées et portant le titre Chefs-d’œuvre dramatiques de Pierre et Thomas Corneille.

Sur une planche voisine se trouvent les Œuvres de Pierre Corneille avec les commentaires de Voltaire en douze volumes (2), éditées à Paris en 1817 (3) chez Antoine-Augustin Renouard.

Ces livres furent acquis par le père de Gustave Flaubert lorsqu’il constitua sa bibliothèque personnelle. Son fils put donc lire et relire dès son plus jeune âge les vers du grand tragique.

Flaubert pour écrire Bouvard et Pécuchet, ce roman des livres comme il fut parfois appelé, emprunta à la Bibliothèque Nationale à Paris et à la Bibliothèque Municipale de Rouen une centaine d’œuvres d’écrivains plus ou moins célèbres (4). Pour Corneille, il n’eut pas besoin de solliciter de prêts puisqu’il possédait les œuvres dans sa bibliothèque de Croisset. Ce fut d’ailleurs l’édition Renouard qui lui servit en étudiant chaque page (5) et notant dans la marge d’une croix ou d’un trait de crayon, indices qui s’atténuent par le temps.
Jeunesse de Flaubert

 

Nous nous permettrons donc de prendre Flaubert comme guide pour nous conduire à travers la vie et l’œuvre de Pierre Corneille.

L’enseignement pédagogique destiné à instruire la jeunesse qui se pratiquait dans la classe des lettres du Collège Royal de Rouen, au cours du siècle dernier, voulait que pendant la majeure partie de la première année on étudiât les œuvres de Pierre Corneille.

Madame Flaubert ne voulut confier à personne l’éducation de ses enfants et ne s’en sépara qu’au moment de les faire entrer au collège (6). Pour Gustave, elle lui apprit donc à lire et à écrire, le prépara à ses prochaines études et en fit un admirateur fervent de l’œuvre théâtrale du grand tragédien dont il demeura toute sa vie.

Éloge de Corneille

 

À l’âge de dix ans, poussé déjà par le besoin d’écrire et de romancer, Flaubert composa ce qu’on peut considérer comme son premier essai qu’il intitula Œuvres choisies de Gustave F. contenant l’éloge de Corneille.

Cet essai en prose fut autographié en plusieurs exemplaires sous le titre de Cahier d’écolier par Amédée Mignot, ami de la famille Flaubert et voisin de l’HôteI-Dieu de Rouen (7).

L’Éloge à Pierre Corneille fait par un enfant montre déjà le caractère original et volontaire qu’il retrouvera plus tard quand il défendra ses amis et notamment Louis Bouilhet lorsque la critique s’acharnera sur le poète.

« …Maintenant ta maison est habitée par un grossier ouvrier, ton cabinet

« qui a entendu des paroles sublimes, oui des paroles qui méritent monter

« aux cieux, maintenant entend le bruit sourd du marteau. »

 

La maison de Corneille

Pauvre Flaubert, il ignorait ou voulait ignorer que la maison de Pierre Corneille, qu’il regardait dans la rue de la Pie, n’était plus celle que l’auteur du Cid avait habitée et seuls les soubassements permirent d’être le tiers exigé par la loi pour pouvoir la reconstruire et la qualifier de maison de Pierre Corneille.

Pour Flaubert, les maisons étaient des lieux vénérés et lorsqu’il remontera le Nil, éloigné de son bureau de Croisset et de tous ses objets familiers, plein de nostalgie, il soupirera en écrivant : « …J’ai quelque part une maison blanche dont les volets sont fermés depuis que je n’y suis plus » (8).

La maison de Pierre Corneille fut acquise en 1584 par l’aïeul, attribuée à Pierre, le fils aîné, en 1602 puis à sa mort, en 1639, à celui que l’on nomme alors le Grand Corneille (9).

La maison de la rue de la Pie devint en 1804 la propriété d’un serrurier, ce qui révolta Flaubert. Pourtant qu’en aurait-il pensé s’il avait vu le logis occupé par un marchand de vins et eaux-de-vie en 1904 ? Le buste en plâtre de Caffiéri qui se vendait dans les bazars, apposé sur la façade près du nom du commerçant peint en grandes lettres, n’adoucissant pas la vision publicitaire et architecturale. Il est curieux cependant de savoir qu’un exemplaire de ce buste vint s’échouer sur la cheminée de l’auteur de Bouvard et Pécuchet.

Le monument Corneille

Le 19 octobre 1834, l’auteur de l’Éloge de Corneille devenu élève de sixième du Collège Royal de Rouen regardait s’ériger au bout de l’île Lacroix, sur le terre-plein du grand pont de pierre comme on l’appelait à Rouen, à l’initiative de la Société Libre d’Émulation de la Seine-Inférieure, la statue exécutée par le sculpteur David d’Angers, le célèbre auteur du fronton du Panthéon et qui mit son art au service du civisme. En 1848, pendant trois jours, il se tiendra sur les barricades. Flaubert ira s’y documenter et illustrera la Révolution dans son roman l’Éducation sentimentale (10).

Le monument de David d’Angers représentant le tragédien rouennais debout sur un haut piédestal avec l’inscription : « …À Corneille, élevé par souscription », attirait chaque année des célébrités littéraires qui se plaisaient à la lecture d’allocutions ou de poèmes, mais ce jour anniversaire n’était pas toujours fêté comme Flaubert l’eût souhaité, aussi écrivait-il à son ami Ernest Chevalier : « …C’est demain le sixième anniversaire de la mort du Grand Corneille ! Quelle séance à l’Académie de Rouen (10 b)…, un petit rapport sur l’agriculture… ».

Flaubert, épris de l’art pour l’art, s’opposera toujours à l’art utilitaire et dira tout simplement que : « …Corneille et Racine ont plus fait pour la France que Colbert et Louis XIV… » et ne sera pas compris de Louise Colet qui voulait que la possession de l’amour soit au-dessus du génie de Corneille.

Flaubert, Corneille, la province et Paris

Les deux écrivains semblent très différents l’un de l’autre et trop de temps les sépare pour pouvoir juger. Le classicisme de l’un et le réalisme de l’autre ont donné à chacun la gloire littéraire qu’ils méritaient.

Cependant, une certaine différence de caractère apparaît entre l’orgueil cornélien et la ténacité de la lutte du style de Flaubert, lorsqu’il écrira à son ami Maxime Ducamp : « …Je te dirai seulement que tous ces mots : se dépêcher, c’est le moment, il est temps, place prise, se poser et hors-la-loi sont pour moi un vocabulaire vide de sens…, que je crève comme un chien plutôt que de hâter d’une seconde ma phrase qui n’est pas mûre… » (11). C’est donc en province qu’il restera toute sa vie.

À l’âge de vingt-trois ans, Corneille alla se fixer provisoirement à Paris, près de la Cour.

Il reviendra souvent à Rouen, reprenant ses fonctions d’avocat pendant deux ans puis il retournera à Paris pour y faire jouer et imprimer ses pièces, s’y fixant définitivement en 1658. Il dédicacera Clitandre au Duc de Longueville en 1630 et obligatoirement une épitre à la Reine Régente. Quand il fut « lancé », mot qui fit hurler Flaubert, il dédicaça Œdipe au surintendant des finances Fouquet en 1659. Il devait décéder en 1684 et être inhumé dans l’église Saint-Roch de Paris (12).

Corneille conservait au Petit-Couronne, près de Rouen, une maison de campagne achetée en 1608 par le père de Pierre et Thomas. C’était « une maison manante, sise en une masure, close de murs et plantée ». Restée dans la forme qu’elle avait deux siècles plus tard, en 1868, elle fut alors rachetée par le Département de la Seine-Inférieure, classée monument historique en 1868.

Tous les impondérables de la vie voulurent que le plus grand ami de jeunesse de Flaubert fût Ernest Chevalier. Il habitait aux Andelys où Flaubert alla souvent le voir. Près de son domicile, sur la place du Marché, la maison de Thomas Corneille était bien connue des habitants et devint par la suite le nouvel hôtel de ville. Elle resta la propriété de la famille jusqu’en 1744, mais le souvenir des Corneille leur survécut longtemps dans cette habitation spacieuse où Thomas mourut (13). « …C’est une de nos célébrités vivantes, écrit Flaubert à son ami retiré dans sa famille pendant les vacances et en pensant à Lottin de Laval, de concert avec Nupont et Corneille qui est mort depuis tantôt 200 ans… » (14).

Le travail préparatoire pour Bouvard et Pécuchet, les sources

Flaubert pensa toute sa vie, peut-on dire, à l’élaboration de Bouvard et Pécuchet. L’idée première remontant à 1837 quand iI était encore sur les bancs du Collège et qu’il publia dans un petit journal rouennais « Le Colibri » (15) :  Une leçon d’histoire naturelle, genre commis.  Six ans s’étaient écoulés depuis l’Éloge de Corneille.

L’idée était mûre, semble-t-il, lorsqu’en 1841 parut dans le journal « Gazette des Tribunaux » une nouvelle de Barthélémy Maurice : Les deux greffiers dont la lecture par Flaubert permit la cristallisation de tous les éléments recueillis en un projet bien défini.

Flaubert se mit à écrire l’Éducation sentimentale, chargeant seulement son ami Duplan de lui cueillir des citations qui devaient lui servir plus tard. C’est de 1872 à 1874 qu’il se livra lui-même à ce travail fantastique et harassant de consulter mille cinq cents auteurs dans toutes les sciences et philosophies pour y découvrir des phrases, idées ou mots, s’opposant de l’un à l’autre et qui pourraient s’intégrer dans son roman (16).

À Croisset se trouvaient les œuvres de Byron, de Cervantès, Cicéron, Horace, Lope de Véga, Ovide, Plutarque, représentants de l’antique littérature ou modernes comme Voltaire, Rousseau, Molière et, bien entendu, Corneille.

Pour tous les livres que Flaubert possédait, il les étudia tous, laissant des signets aux pages qu’il voulait retrouver. Malheureusement ces signets ont été enlevés, soit par Madame Commanville, soit par Louis Bertrand, propriétaire de la bibliothèque après la mort de Caroline, soit par le premier conservateur des livres, Monsieur Ledoux, décédé en 1960. Quelques-uns restés prouvent bien que Flaubert avait marqué ainsi des pages. Il avait surtout mis quelques traits et croix au crayon dans les marges. Cela est visible et en prenant les œuvres de Corneille dans I’édition Renouard, on peut suivre, avec parfois un certain étonnement, le travail de I’écrivain pour le roman de Bouvard et Pécuchet.

De Médée à Salammbô

Peut-on penser que Pierre Corneille eut une certaine influence sur Gustave Flaubert ? On ne peut le croire et la mémoire de Flaubert qui était prodigieuse ne pouvait par une réminiscence rappeler une action suivie il y a deux siècles dans le théâtre cornélien.

Lorsqu’on lit l’histoire de Médée on s’aperçoit qu’elle est basée sur une robe comme le voile de Tanit dans Salammbô :

« …La robe de Médée a donné dans mes yeux…

« …Jamais l’éclat pareil

« Ne sema dans la nuit les clartés du soleil

« Les perles avec l’or, confusément mêlées

« Mille pierres de prix sur ses bords étalées

« D’un mélange divin éblouissent les yeux… »

tirade qui attira l’attention de Flaubert.

Dans la Toison d’or, Voltaire écrivant les commentaires jugera que : « ..Tout ce qu’il y a d’épouvantable en la nature y sert de terme, l’éléphant, le rhinocéros, le lion, l’once, les tigres, les léopards, les panthères, les dragons, les serpents, tous avec leurs antipathies, à leurs pieds, y lancent des regards menaçants… ».

Ne serait-ce pas là la course de Sain-Julien dans la forêt ?

Flaubert a jugé Corneille quand il écrira sur un petit morceau de papier : « …En atténuant la faute d’Œdipe, en la mettant toute sur le compte de la fatalité n’affaiblit-on pas le tragique de la situation, le sens de la pièce, du sujet lui-même ? ».

Dans le second discours De la Tragédie, Corneille écrit : « …Tout ce qui s’est fait manifestement s’est pu faire, dit Aristote, parce que, s’ils ne s’étaient pu faire, ils ne seraient pas faits… ». Flaubert, sceptique, écrira : « Qui le prouve ? ».

Les petits indices sont relativement nombreux. On peut croire que Flaubert s’est particulièrement attaché à l’étude de Corneille par rapport aux autres livres qui figurent sur les rayons de la bibliothèque de Croisset. Pour Sertorius, nous en voyons huit, pour Médée huit également, six pour Clitandre. C’est surtout sur « Les sentiments de l’Académie sur les vers du Cid » que se remarque le travail de Flaubert puisqu’on peut trouver quatorze remarques qui toutes se condenseront dans Bouvard et Pécuchet à Corneille cité une fois alors que Voltaire sera cité sept fois : « …Corneille suivant l’Académie Française, n’entend rien au théâtre… ». Le Cid sera aussi cité une fois : « …On attaque Bélisaire, Guillaume Tell, et jusqu’au Cid, devenu, grâce aux dernières découvertes, un simple bandit… ».

Il est assez difficile de juger ce que Flaubert voyait dans un rapprochement entre I’œuvre de Corneille :

« …Qui se venge en secret, en secret en fait gloire » alors que nous trouvons dans le roman Bouvard et Pécuchet :

« …Bouvard trouvait Clitandre et Sganarelle aussi faux que Égisthe et Agamemnon… » Il vaut donc mieux ne pas chercher les rapports existant entre les œuvres cornélienne et flaubertienne et se contenter seulement de les enregistrer ainsi :

« …Il me mena danser deux fois sans me rien dire… ».

« L’enflure de son sein, un double petit monde… » (17).

« …La victoire, pour fils n’ai-je que des soldats ?

« Ils ne vont aux combats que pour me protéger,

« Et n’en sortent vainqueurs que pour me ravager… » (18).

La légende d’Hénouville

Dans la tragédie d’Œdipe, Corneille dépeint les ravages de la peste :

« …J’y vois tomber du ciel les oiseaux expirants… »

Tout porte à croire que l’auteur s’inspire de la légende d’Hénouville, petite paroisse aujourd’hui commune, non loin de Croisset et face au Petit-Couronne, où les fièvres endémiques étaient si virulentes que les oiseaux tombaient en traversant le ciel. Corneille connaissait très bien Hénouville, l’abbé Antoine Legendre, aumônier de Louis XIII, contrôleur de ses jardins fruitiers et curé d’Hénouville où il composa un « traité sur la culture des arbres fruitiers » et popularisa le premier la culture en espalier et la greffe du poirier sur cognassier.

L’abbé Legendre eut vraisemblablement Pierre Corneille comme avocat près de Louis XIII au sujet d’un procès qu’il eut à soutenir et resta ami de la famille, ce qui inspira Thomas Corneille pour composer une pièce de vers : Le presbytère d’Hénouville.

À une quinzaine de kilomètres d’Hénouville, Antoine Corneille, jeune frère entré dans les ordres, génovéfain, chanoine régulier du Mont-aux-Malades, devint curé de Fréville.

Flaubert aussi connaissait bien cette petite commune et l’on comprend que les oiseaux tombant du ciel aient ravivé un souvenir de promenades avec George Sand et Yvan Tourgueniev.

Dans la tragédie Sertorius, Flaubert notera huit tirades, dont voici :

« …C’est trop craindre, et trop tard, c’est dans votre festin

« Que ce soir par votre ordre on tranche son destin…

« Dites que vous l’aimez, et je ne l’aime plus…

« Pour rentrer dans mes fers, iI brisera tes chaînes… »

Enfin, Voltaire déclare encore : « …Le mot d’abîme ne convient pas à l’esclavage — l’esclavage n’est point profond et ne saurait s’y abîmer… ». Flaubert n’est pas de cet avis et il écrira dans la marge : « On doit le comprendre par la métaphore » (19).

Les portraits de Corneille

Du vivant de Pierre Corneille, quatre portraits seulement furent exécutés dont trois d’après nature : celui de Michel Lasne en 1643 alors que l’auteur du Cid a trente-sept ans, front haut dégarni de cheveux mais abondants sur les épaules. Le portrait par Lebrun peint en 1647. Le dessin de Paillet exécuté en 1663 et gravé par Vallet. Puis le portrait par Gossin en 1683 où l’on voit Corneille dans sa vieillesse portant une grande perruque.

Caroline Hamard, la nièce de Flaubert qui s’adonnait au dessin, conseillée par son professeur Maisiat, se spécialisa dans la reproduction de portraits.

Après son mariage avec Ernest Commanville, elle se consacra à la peinture avec la princesse Mathilde et prit alors le tome I de l’édition Renouard dans la bibliothèque de son oncle et obtint l’autorisation de copier le portrait de Pierre Corneille en se servant de celui dessiné et gravé par Auguste de Saint-Aubin d’après le buste fait par Caffiéri, inspiré obligatoirement par l’un des quatre portraits mentionnés ci-dessus.

Quel était le portrait peint ou dessiné par Madame Commanville ? On sait qu’Edmond Laporte, conseiller d’arrondissement, qui avait voué à Pierre Corneille un culte ardent et inlassable, associé à Frédéric Deschamps, avocat rouennais, fit voter par le Conseil général l’acquisition du logis du Petit-Couronne et s’occupa avec Maillet du Boulay de l’organisation d’un petit musée.

Pour faire plaisir à son ami Flaubert, il fit mettre parmi les souvenirs cornéliens assemblés l’œuvre de Madame Commanville.

Le tableau fut-il accepté facilement ? Un léger doute peut subsister lorsqu’on lit la lettre de Flaubert à sa nièce le 14 septembre 1878 : « …L’histoire du portrait de Corneille ne me paraît pas claire… ». Dans tous les cas, lorsqu’elle fera paraître chez Charpentier la Correspondance de Gustave Flaubert, première série (1830-1836), dans ses « Souvenirs Intimes » qui servent de préface, elle pourra assurer qu’il était déposé au musée du Petit-Couronne.

Caroline fit également le portrait de son oncle qui fut reproduit et placé en frontispice dans le volume Madame Bovary de l’édition Conard de 1910 (20).

Lorsque devenue Madame Franklin-Grout, veuve et solitaire en sa villa « Tanit » à Antibes, elle regarda l’exemplaire qu’elle fit relier, déchirant le portrait de son oncle, elle laissa entre les pages une simple note : « La page enlevée à cet exemplaire représentait un portrait de mon oncle. Je l’ai jugé si mauvais de toute façon que je l’ai supprimé. Si mon crime de lèse-bibliophile enlève de la valeur à ce volume, peut-être cette note lui en donnera-t-elle une autre. Antibes, le 10 janvier 1910, Caroline-Franklin-Grout ».

Le portrait de Flaubert n’est pas perdu puisque de nombreux exemplaires de l’édition Conard peuvent être consultés dans beaucoup de bibliothèques municipales et même trouvés encore chez quelques bouquinistes. Le portrait a d’ailleurs été reproduit plusieurs fois dans des revues et des journaux pour illustrer divers articles sur la vie ou l’œuvre de Flaubert.

Pour le portrait de Corneille qu’est-il vraiment devenu ? Dans le musée du Petit-Couronne, on ne peut vous le montrer.  Peut-être est-ce une œuvre d’artiste inconnu mêlé à tous ceux exposés ? Aujourd’hui, ils sont partis pour être restaurés ou rafraîchis et reviendront à l’occasion des fêtes du troisième centenaire de la mort de Corneille.

Lucien ANDRIEU

(1) L. Andrieu : plaquette éditée par la mairie de Canteleu, 1963.

(2) Le douzième volume porte le titre de : Œuvres de Thomas Corneille.

(3) La première édition parut à Genève en 1764.

(4) R. Descharmes : autour de Bouvard et Pécuchet. Études documentaires et critiques. Paris, Librairie de France.

(5) Excepté le onzième volume L’imitation de Jésus-Christ.

(6) René Dumesnil. Gustave Flaubert, l’œuvre et l’homme. Paris 1932.

(7) Albert Mignot : Ernest Chevalier et Gustave Flaubert. Dentu 1888. Le père Mignot racontait des histoires à Gustave enfant et lui lisait Don Quichotte. Jean Bruneau : les débuts littéraires de Gustave Flaubert, Paris, Édition Colin, 1962.

(8) L. Andrieu : les maisons, revue Europe, Colloque Flaubert, septembre-novembre 1969.

(9) Henri Labrosse : à la maison de Pierre Corneille, IIIe centenaire du Cid.

(10) Marcel Valotaire : David d’Angers, les Grands Artistes, Édition H. Laurens. 1932.

(10 b) N.D.L.R. Il y a eu une erreur de Flaubert C’était l’Émulation qui se réunissait le 6 juin pour son assemblée générale.

(11) G. Flaubert, lettre à Maxime Ducamp, juin 1852.

(12) Mgr Ricard , Pierre Corneille. (Éd. Vitte et Perrussel, Lyon 1889). Dans l’église Saint-Roch, on ignore I’endroit exact du lieu de sépulture.

(13) Ernest Chevalier est né le 14 août 1820 à Villers-en-Vexin près des Andelys (Eure)

(14) Lettre à Ernest Chevalier, 12 juillet 1835.

(15) Le Colibri doit son nom à une chanson de Béranger. Il commença à paraître en mars 1836, imprimé à Rouen chez Brière. Il y eut deux numéros par semaine jusqu’en 1841. (Collection à la B.M. de Rouen).

(16) Les sources sont innombrables, Voir René Descharmes : autour de Bouvard et Pécuchet. Librairie de France, 1921.

(17) La Veuve, acte I, scène V.

(18) La Toison d’or, prologue. On peut penser aux Mercenaires se révoltant contre Carthage dans le roman Salammbô.

(19) Sertorius, acte I, scène 1.

(20) Madame Franklin-Grout était devenue Sociétaire des Artistes Français en 1889. En mai 1880, elle exposa au Salon un portrait de Renan qui d’après Flaubert fut mal placé.