Flaubert contre la presse

Les Amis de Flaubert – Année 1970 – Bulletin n° 37  – Page 11
 

Flaubert contre la presse

Flaubert et la presse — 5

 
En réalité, Flaubert s’oppose à la presse, non pas seulement parce qu’elle lui offre matière à vindicte, mais parce qu’il lui est hostile dans son principe même. Comme il oppose sans cesse la production médiocre et vulgaire de la presse à l’œuvre d’art, il oppose la nature de la presse à la nature de l’Art. Et les reproches de « canaillerie » qu’il fait à la presse ne sont pas fondés sur des exemples dispersés : ce sont les exemples qui lui servent à étayer une théorie générale. Ce n’est pas un hasard pour Flaubert, si le Figaro se nourrit de ragots et de calomnies, pas un hasard s’il traîne dans la boue les grands hommes, et les moins grands. C’est que la presse n’est rien d’autre qu’un commerce, et qu’elle est condamnée par là aux pires turpitudes. On l’a vu, ce qui révolte le plus Flaubert, c’est de voir des hommes vendre leur plume. Et parce qu’il condamne la presse dans son essence, pourrait-on dire, il n’épargne pas plus les revues, même si elles apparaissent plus intéressantes et plus sérieuses, à un lecteur objectif. Pour Flaubert, parce qu’un journal est obligé de se vendre pour subsister, il se vend au plus offrant, et de ce fait, il n’est à l’abri d’aucune compromission, d’aucun avilissement.

Quand Louise Colet soumet à Flaubert son projet de créer une Revue, elle lui donne alors l’occasion de développer ses théories. Et comme il énonce ses principes à propos des revues, moins que les quotidiens soumises à l’actualité, sa théorie est à plus forte raison valable pour toutes les sortes de journal. Flaubert appuie sa démonstration sur l’exemple qu’il connaît entre tous, celui de la Revue de Paris :

Voici mon opinion sur ton idée de Revue : toutes les Revues du monde ont eu l’intention d’être vertueuses ; aucune ne l’a été (1).

Et Flaubert s’applique à prouver la véracité de cette affirmation qui est une déclaration de principe. Les beaux principes originels ne sont d’aucun secours :

Ce que tu me dis, Du Camp le disait ; vois ce qu’ils ont fait. Ne nous croyons pas plus forts qu’eux, car ils ont failli comme nous faillirions, par l’entraînement et en vertu de la pente même de la chose (2).

Il faudrait citer en entier cette lettre, mais on peut suivre au moins les articulations du raisonnement que Flaubert mène impitoyablement.

Une revue, surtout une revue littéraire, est soumise aux « considérations secondaires », dit-il : même si elle voulait à l’origine instaurer, par exemple, une meilleure façon de juger les œuvres et de donner des chances aux talents ignorés, elle ne peut rester objective, saisie qu’elle est du désir de mettre en valeur les amis, de vilipender les ennemis. Elle se détourne ainsi de son but et se pend dans les intrigues. Elle est condamnée peu à peu à ne faire que du remplissage, ou, comme le dit joliment Flaubert : « On dépense tout son talent à faire des ricochets sur la rivière avec de la menue monnaie ». Le plus grave, le plus déterminant, ce qui oblige la Revue à oublier ses nobles intentions, c’est le principe en vertu duquel elle existe, c’est le fait qu’elle est soumise au goût du public, qu’il lui faut attirer :

Un journal enfin est une boutique ; du moment que c’est une boutique, le livre l’emporte sur les livres et la question d’achalandage finit tôt ou tard par dominer toutes les autres.

Idée qui pousse Flaubert à proférer ce jugement définitif et pour le moins… acerbe : « Toutes les revues existantes sont d’infâmes putains qui font les coquettes ». Flaubert lui-même repousse avec horreur l’idée de participer à une Revue, fût-ce celle de Louise Colet. C’est chez lui réellement une position de principe, dont il fait même un problème moral :

Tu penses bien que j’y pourrais trouver mon profit, et que ce n’est donc pas le côté personnel qui me fait parler, mais plutôt le côté esthétique et instinctif, moral (3).

Comme Flaubert illustre sa théorie par l’exemple de la Revue de Paris, il peut être intéressant de comparer le devenir de la Revue, à ce qu’il en dit. À lire le liminaire du premier numéro (octobre 1851) (4), écrit par Théophile Gautier, on est tenté de reconnaître nombre d’idées flaubertiennes. D’abord le mépris du profit :

Le moment est-il bien choisi pour une œuvre purement littéraire ? (…). Ce qui arrêterait des spéculateurs et des gens habiles est précisément ce qui nous détermine.

Désir de ne pas former un cénacle à la poétique étroite, mais au contraire d’accueillir des talents inconnus, et de publier avant tout des œuvres :

Moins de grammaires et plus de livres, moins de critiques et plus d’œuvres…

Glorification de l’Art éternel :

Que chacun écrive selon son génie, son cœur ou son genre, et nous apporte la chose qui lui plaît sans s’inquiéter de la denrée qui débite le mieux dans le moment à l’étal des éditeurs et des journaux ; l’art se meut dans l’éternité et non dans le temps.

Refus de parler des amis, de consoler les « vanités blessées ou souffrantes » : la Revue de Paris se veut indépendante, et ouverte. Il est vrai que Gautier parle aussi de nouer des liens étroits avec le « mouvement contemporain » et de ne pas se tenir à l’écart de l’actualité. C’est peut-être là pour Flaubert le ver dans le fruit. En tout cas, ce que ses lettres, après la création de la Revue, racontent de la vie de la Revue de Paris, — et Flaubert y revient sans cesse, surtout lorsqu’il parle à Louise Colet, pour laquelle Du Camp est moins qu’amical — semble confirmer sa théorie de l’inéluctable abâtardissement du journal. Il note dans la Revue un désir de se conformer au goût du public, des intrigues parfois confuses pour refuser de publier les œuvres des amis dont on est jaloux, des rivalités entre les rédacteurs, la médiocrité et même la sottise de nombre d’articles. « Quelle fange intellectuelle et morale », c’est ainsi qu’il qualifie la Revue dès 1853 (5). Autre grief de Flaubert : les compromissions — c’est-à-dire les coupures— auxquelles voudrait le contraindre la direction de la Revue au moment de la publication de Madame Bovary.

En fait, Flaubert est, sans doute, à la fois trop proche et trop détaché de la Revue de Paris pour la juger à sa juste valeur. Connaissant bien Du Camp, il est, par lui, au courant de toutes les intrigues et les rivalités qui naissent à la Revue : cela l’incite à mépriser pareille confusion. De plus, il s’oppose à Du Camp par son comportement, et on sent parfois une jalousie inconsciente à son égard, envie que lui rendra Du Camp, c’est certain. Certaines des réflexions de Flaubert sur son ancien « complice » sont empreintes d’un certain désir de revanche :

Il sera peut-être complètement coulé que je ne serai pas encore à flot. Lui qui devait me prendre à son bord, je lui tendrai peut-être la perche. Non, je ne regrette pas d’être resté si tard en arrière. (6).

Il y a une partialité évidente dans le jugement que Flaubert porte sur la Revue. Du Camp lui-même, dans ses Souvenirs littéraires, ne se déclare pas mécontent du rôle qu’à joué son journal. Il partage les idées de Flaubert sur la « presse indiscrète » et regrette que tant d’hommes de talent aient dispersé leur force créatrice dans les articles de papotage. Il insiste sur le fait que La Revue de Paris, elle, s’est refusée à ce genre de compromission, rendu facile par la sévérité des lois sur la presse, et qu’elle a gardé un caractère exclusivement littéraire. Bien sûr, Du Camp écrit longtemps après la disparition de la Revue, et ses Souvenirs sont, eux aussi, partiaux : il cherche à faire sa propre apologie. Il reste que lorsqu’il écrit :

Littérairement, elle (La Revue) eut, non pas son importance, mais son utilité ; n’eût-elle servi qu’aux débuts de Louis Bouilhet, de Baudelaire, de Flaubert, d’Eugène Fromentin, elle a eu sa raison d’être (7).

On ne peut s’empêcher de souscrire à ses vues et d’estimer injuste le jugement de Flaubert. Mais, celui-ci, on l’a vu, se laisse entraîner par la passion, et tout lui est bon pour appuyer sa théorie de la presse. S’il voit les réelles difficultés que rencontre un journal ou une revue pour garder son indépendance, il les maudit ; et pour lui, la loyauté de l’artiste ne peut être sauvée que par le travail individuel, la création dans la solitude. Soumission au public, à la nécessité de la vente, aux amis, aux lois, toutes ces contraintes que subit la presse entraînent donc Flaubert à la condamner dans son principe comme antithèse de l’Art. Son attitude est encore une fois individualiste et sans nuance.

Dans sa condamnation de la presse par opposition à l’Art, il est un point particulier que Flaubert aborde par incidence. Critiquant le principe même de la presse, il s’attaque à ses manifestations et particulièrement à ce qui est inséparable de la médiocrité des articles : leur style relâché. C’est pour Flaubert une illustration précise du fait que la presse est l’opposé de l’Art. En effet, l’œuvre littéraire est selon lui servie d’abord par un style acéré, nerveux, longuement travaillé. Pour parler du style, il aime à employer un vocabulaire imagé, parfois emprunté à l’anatomie. Du style de Lamartine, qu’il n’estime guère, il dit : « Jamais de ces vieilles phrases à muscles saillants, cambrés et dont le talon sonne » (8). C’est ce qu’il pourrait dire du style journalistique, du sang pauvre, aux muscles atrophiés.

Il y a d’abord une opposition entre la méthode journalistique et la méthode de Flaubert. À la rapidité de conception et de rédaction du journaliste, il oppose sa lenteur d’écriture et sa passion de la retouche. On connaît le soin qu’il apporte à arrondir ses phrases, à les corriger, à faire de chacune un équilibre parfait de sonorité et de rythme. La confection d’un article exige, au contraire, rapidité, et donc selon lui, négligence du style. Aussi reproche-t-il sans cesse à Louise Colet de travailler trop vite, et d’attendre trop tard pour les corrections :

Rappelle-toi le charivari où nous étions pour les corrections de ton volume.

Il faut laisser cette manière de travailler aux journalistes (9).

Il s’indigne hautement lorsque Louis Bouilhet lui raconte qu’il a soumis un poème au critique du Journal des Débats, Jules Janin et qu’il s’est entendu répondre : « Fait trop vite ».

Janin m’épate. « Fait trop vite » est charmant dans la bouche d’un tel

monsieur dont les âneries rempliraient un volume (10).

Paradoxe du journaliste qui reproche à l’artiste sévère envers lui-même, un laisser-aller que n’autorise que trop l’écriture journalistique ! Il n’est pas de bon style, pas d’œuvre sans travail acharné : Flaubert le répète, sans cesse, au point de citer souvent le mot de Buffon : « Le génie est une longue patience », en le traitant de « blasphème », mais en reconnaissant sa vérité. Pour Flaubert, un journaliste ne peut donc pas faire un bon écrivain. C’est pourquoi il explique à Louise Colet que le journalisme a gâché le talent de Gautier, « lui qui était fait pour être ,un artiste exquis » (11). Et, au moment où il n’est pas encore brouillé avec Du Camp, il se flatte de l’avoir aidé à devenir un véritable écrivain, en le tirant de « la bourbe du feuilleton », et en lui inspirant  l’amour des études sérieuses ». Sa déception est d’autant plus grande lorsqu’il le voit revenir au journalisme… Ce jugement que Flaubert porte sur la méthode de travail des journalistes constraste fort avec l’idée que s’en est formée Émile Zola, qui, lui, a une expérience poussée de journaliste :

Le style gagne à la besogne quotidienne, forcée et rapide du journal (…) les articles au jour le jour écrits sur un coin de table, gâtent la main, dit-on ; et je suis d’avis, au contraire, que rien ne saurait l’exercer davantage. Les vrais écrivains résistent à ce surmenage, s’y simplifient et s’y bronzent (12).

Si Flaubert juge souvent sur pièces le style des journaux, il semble pourtant que, dans sa manière de voir, il se laisse influencer par l’opinion commune. Il est vrai que le tempérament d’écrivain d’un Zola est fort différent de celui de Flaubert, et que Zola cherche la puissance plus que la finition dans le style. Mais Flaubert n’a pas fait l’expérience personnelle qui lui permettrait de voir plus clair. Il est amusant de voir que cette idée d’école du style que serait le journalisme, Anatole France, la reprend contre Flaubert lui-même : « Oui, oui, c’est entendu, Flaubert est parfait (…) mais au fond, sachez-le bien, il lui a manqué de faire des articles sur commande. Ça lui aurait donné une souplesse qui lui manque » (13). Cette réflexion, faite après la mort de l’écrivain, a donc une portée esthétique, et non morale comme on serait tenté de le penser.

Si Flaubert critique la méthode journalistique, il se gausse plus encore des résultats qu’elle produit. Il s’en donne à cœur joie devant les perles et les ridicules du style des journaux. Et de s’exclamer à propos de la réflexion de Dainez, ancien proviseur du collège de Rouen : « Tout le monde écrit maintenant. Les journaux sont pleins de talent ». Le commentaire de Flaubert, aussi éloquent qu’une longue diatribe, se borne à « Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! ». (14). Le recueil des perles que Flaubert — ou ses amis pour lui — fait en lisant la presse, il ne faut pas le chercher dans la correspondance, mais dans le sottisier qu’il compose pour préparer ses œuvres, en particulier le Dictionnaire des idées reçues et Bouvard et Pécuchet. Certaines citations révèlent ce que Flaubert honnit dans le style des journaux. Ainsi :

« M. Baudrillart s’est fait un nom considérable, dans la science. L’Institut l’a admis dans son sein ; la juste autorité du Savant, du publiciste et de l’écrivain est assise désormais sur une base inébranlable. Cuvillier-Fleury. (Journal des Débats – 14 décembre 1865).

Flaubert a souligné, au crayon, les mots : sein, est assise, base. Il a, en effet, particulièrement en horreur le style stéréotypé ; les formules toutes faites, les images consacrées et symboliques, toutes choses qui sont, pour lui, l’apanage du journalisme. Les corrections qu’il conseille à ses amis en matière de style sont révélatrices de son exigence. Par exemple, quand il s’adresse à Mademoiselle Leroyer de Chantepie : « Je blâme souvent le lâche du style, des expressions toutes faites comme les notabilités de la société (page 85) ; le « destin jeta une nouvelle pomme de discorde », etc. (15). Et, lorsqu’il se plaint de l’ « embourgeoisement » de son ami Ernest Chevalier, sa critique recourt aux mêmes procédés :

Il parte de l’édifice, de la base, du timon, de l’hydre de l’anarchie (16).

Ces métaphores appartiennent au style politique des journaux. Mais, dans le « sottisier », il s’agit déjà d’un choix précédant l’élaboration littéraire. Dans ses lettres, où il livre son jugement « brut » sur la presse, Flaubert fait quelques remarques exclamatives :

Dans le numéro de la Revue de Paris, (…) je te recommande, du sieur Castille, de jolis dialogues dans la dernière nouvelle : « Aspiration au pouvoir ». Quel langage ! quels mots ! (17).

Il cite rarement ; ce qui est plus révélateur, c’est la tentation qu’éprouve souvent Flaubert, d’écrire en style parodique. C’est là qu’éclate la critique bien plus que dans les exposés théoriques. C’est un goût chez lui que d’imiter les gens. « Il eut toujours cette manie de contrefaire les gens : acteurs ou souverains, peu lui importait » (18) rapporte Maxime du Camp. On peut se souvenir de la création du « Garçon », de celle du sheik pendant son voyage en Orient. Nul doute que, dans ses lettres, Flaubert éprouve un plaisir particulier à singer le style des gens qu’il méprise, et, en particulier, des journalistes. Avec ses amis de longue date la parodie consiste à écrire dans le style du Garçon, personnage caricatural et faussement éloquent :

Mais toi, mon bon, ne peux-tu venir avec Mme Chevalier « un tantinet céans », comme dirait « le Garçon » ? (19).

Il s’amuse à parodier le style de ses propres personnages lorsque ceux-ci sont de même nature que le « Garçon ». À Jules Duplan, il écrit : « Votre suffrage m’est précieux (style Homais) » (20). Si nous notons ces expressions, c’est qu’elles relèvent du même genre de style que celui des journaux.

Les « mots » de Flaubert sur la presse sont à classer sous la même rubrique : clichés, idées reçues, formules toutes faites pour désigner un état de choses consacré, redondances et emphase sans justification, platitudes, etc., tout ce qui révèle une absence de pensée. Pour rendre la parodie évidente, Flaubert ne manque pas d’ajouter après la formule un « comme on dit », ou une parenthèse explicative. Les exemples ne manquent pas. Ainsi : « Voici l’état de la question, comme on dit en politique » (21). Ou bien : « Je regrette qu’on ne m’ait pas éveillé, non pas pour voir le misérable (style de journaux) »… (22). Et, encore : « Cet enfant de l’héroïque Pologne (style du National) » (23). Ces quelques expressions montrent que c’est avant tout son aspect stéréotypé que Flaubert reproche au langage des journalistes. Sous la parodie apparemment sans méchanceté, perce une attaque plus grave : à travers leur style c’est la    bêtise et la médiocrité des journaux que vise Flaubert. Il emprunte ses exemples et ses imitations aussi bien au vocabulaire politique qu’au style des faits-divers. On peut noter que la manière d’écrire de Sainte-Beuve est pendant un temps sa cible favorite. Bien sûr, le critique est mis un peu à part par Flaubert, dans la mesure où il écrit moins par clichés que par formules métaphoriques et souvent ampoulées qui lui sont propres. Mais, sous l’enflure du style, qu’elle soit maladroite et banale comme chez les petits journalistes, ou plus recherchée, Flaubert discerne toujours la prétention et l’absence de pensée. Il écrit à Louise Colet : « …cette fleur du retour que mon égoïsme aurait voulu t’offrir. « Fleur du retour » est bien Sainte-Beuve (24), ou encore : « Tu seras un carrefour, un point d’intersection de plusieurs entrecroisements (je tombe dans le Sainte-Beuve) sortons » (25). Cette dernière parenthèse brève est fort éloquente. Flaubert déteste le style prétentieux, chargé, qui ne sait pas aller droit à l’idée. Lui qui admire Boileau, peut dire avec lui : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ».

Il est à remarquer qu’à partir de 1854 environ, les notations parodiques du style des journaux se font plus rares ; elles sont remplacées par des allusions aux personnages de Flaubert, Homais en particulier. Mais, nous l’avons vu, elles relèvent du même désir de Flaubert de ridiculiser dans le style ce qui est platitude, sottise, enflure. Ainsi, le style des journaux contribue à alimenter le dégoût de Flaubert pour la presse, il est l’une des confirmations de sa théorie.

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Par son contenu : l’actualité éphémère, par son principe : la vénalité, par son expression même : platitude et sottise, la presse, selon Flaubert, s’oppose à l’Art. Les journalistes sont vils par nature, la presse est corrompue par essence. Flaubert semble juger souvent d’après un principe a priori, presque abstraitement ; les exemples qu’il donne viennent illustrer sa thèse plus qu’ils ne la font naître. Mais s’il juge avec un certain recul, la presse dans son ensemble — parce qu’il ne participe pas à son travail, et ce recul n’exclut pas la passion — il est un domaine où il se montre plus précis, plus concret, car il touche à son propre travail, c’est celui de la critique littéraire des journaux.

Nicole Frênois.

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L’ensemble de l’étude est réparti ainsi  : Flaubert et la presseLa haine de Flaubert pour les journaux Les journalistes – La presse par opposition à l’art – Flaubert contre la presseLa critique journalistiqueL’influence directe de la presse sur FlaubertInformation et documentation L’intérêt de Flaubert pour l’actualitéPublication et vie sociale 1Publication et vie sociale 2L’influence a contrario de la presse sur Flaubert : la création littéraireLes personnages romanesques et la presseLa presse dans L’Éducation sentimentaleConclusion

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(1) Cette citation, ainsi que les suivantes, est extraite de la lettre de Flaubert à Louise Colet du 31 mars 1853, C. III, p. 146-7.

(2) C’est moi qui souligne.

(3) C’est moi qui souligne.

(4) Revue de Paris. Collection de la Bibliothèque Nationale. Octobre 1851 à janvier 1858. Cote : 21 569 – 609.

(5) À Louise Colet, 6 avril 1853, C. III, p. 157.

(6) À Louise Colet, 12 juin 1852, C. II, p. 440.

(7) Souvenirs littéraires, tome II, p. 10-11 ; voir tout le chapitre XVI, consacré à la Revue de Paris, en particulier p. 9, 10, 11 et le chap. XVII, p. 70 et 39.

Pour le rôle qu’a joué la Revue de Paris, cf R. Bellet, op. cit. p. 110 « Elle eut l’immense mérite de faire connaître les œuvres de Baudelaire, de Flaubert et de Fromentin ».

(8) À Louise Colet, 24 avril 1852, C. II, p. 397 ; voir aussi une lettre de Cormenin, du 7 juin 1844 (C. I, p. 153) : « J’aime par-dessus tout la phrase nerveuse, substantielle, claire, au muscle saillant, à la peau bistrée ».

(9) À Louise Colet, 17 janvier 1852, C. II, p. 353.

(10) À Louis Bouilhet, 23 septembre 1856, C. IV, p. 123.

(11) À Louise Colet, 24 avril 1852, C. II, p. 398.

(12) Études sur le journalisme, p. 247. Cité par M. Mitterand op. cit. p. 5.

(13) Réflexion d’Anatole France à Paul Margueritte, rapportée par Edmond de Goncourt. Journal, tome XIV, p. 186, 9 janvier 1887.

(14) À Louis Bouilhet, 12 octobre 1855, C. IV, p. 101.

(15) 18 mai 1857, C. IV, p. 185.

(16) À sa mère, 15 décembre 1850, C. II, p. 270.

(17) À Louis Bouilhet, décembre 1853, C. III, p. 411.

(18) Souvenirs littéraires, tome I, p. 224.

(19) À Ernest Chevalier, 21 septembre 1856, C. IV, p. 122.

(20) À Jules Duplan, 11 octobre 1856, C. IV, p. 131.

(21) À Parain, été 1849, C. II, p. 93.

(22) À Louise Colet, 24 septembre 1846, C. I, p. 334.

(23) À la même, 10 octobre 1846, C. I, p. 365.

(24) À la même, 9 avril 1851, C. II, P 307.

(25) À Louise Colet, 20 mars 1852, C. II, p. 372.